Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Lutte contre les pipelines

Le Conseil du patronat et la promotion active de l'effondrement

Dans le tumulte médiatique provoqué par l’entrée en fonction du gouvernement libéral à Québec, le Conseil du patronat (CPQ) occupe toutes les tribunes mises à sa disposition pour distiller les propositions de sa plus récente publication Un Québec prospère qui vit selon ses moyens, véritable crédo idéologique, réactualisé avec les dossiers de l’heure. Ces jours-ci, monsieur Yves-Thomas Dorval, son président, déclare donc partout que Québec devrait notamment autoriser l’exploitation du gaz de schiste, « un potentiel de croissance incroyable ».

L’auteur est responsable des communications, Comité de vigilance de Saint-Valérien, professeur de philosophie, Collège Édouard-Montpetit

Enfin, la panacée serait trouvée ! Contre la dette provinciale, le déficit chronique, l’endettement des ménages, etc., exploitons le pétrole de schiste ! C’est là, sous nos pieds, tel un trésor qui n’attendrait que notre bonne volonté, le Québec ne serait pas assez riche pour s’en priver. Aucune activité n’est sans risque, on pourrait exploiter « correctement »... La recette est vieille : de deux maux, prendre le moindre. À ce qu’il semble. Car pour ce qui est de la réalité partagée par le vrai monde, nous croirions plutôt entendre l’ancien chef aux affaires publiques de l’Imperial Tobacco, ce que fut M. Dorval de 2001 à 2008, utilisant les mêmes stratégies de détournement de l’attention des gens.

Jadis, en nourrissant la controverse autour de l’usage des termes « léger » et « doux » en teneur de goudron, on induisait en erreur Monsieur et Madame Tout-le-monde quant à la nocivité et dangerosité effectives des cigarettes. Comme si cela faisait une différence de se noyer dans 10 pieds d’eau plutôt que dans 100 ! Aujourd’hui, alors que le cowboy Marlboro est mort de son cancer du poumon, on tente de faire croire qu’une exploitation des gaz, huile ou pétrole de schiste pourrait se faire de manière « responsable », car les technologies auraient changé depuis 40 ans.

Certes, si certains protocoles et procédés de fracturation s’avèrent moins dommageables que d’autres, par exemple moins polluants parce qu’on cesserait d’utiliser quelques-uns des produits cancérigènes ou toxiques composant généralement les fluides d’injection pour fracturer le schiste, il n’en demeure pas moins que la fracturation du sous-sol en elle-même, qui plus est à grande échelle, représente une très grande source de dangers non seulement pour les citoyens, mais pour toute forme de vie.

En 2014, la société civile s’attend à beaucoup mieux de la part du CPQ ! Comment se fait-il que le CPQ conjure les gens de croire que l’exploitation des gaz de schiste « n’est pas la fin du monde », qu’il faudrait « libérer davantage le vaste potentiel du Québec dans toutes les filières à sa disposition en matière de ressources naturelles et énergétiques » afin d’assainir la gestion des deniers publics ? Y aurait-il un lien causal nécessaire entre les deux ? Par ailleurs, le CPQ manquerait-il à ce point d’imagination qu’il soit incapable de concevoir que ce n’est pas tellement « le mur » des finances publiques qui nous menace le plus mais littéralement l’effondrement général si nous ne changeons pas notre rapport prédateur à la nature et notre structure socio-économique de plus en plus inéquitable, comme le conclut une autre étude scientifique, impartiale et exhaustive (A Minimal Model for Human and Nature Interaction, E. Kalney et al.).

À défaut de demander au CPQ de changer essentiellement le modèle économique qui le sert si bien, il doit se résoudre dans l’immédiat à abandonner certains pans ou secteurs économiques des plus dévastateurs. Monsieur Dorval et les membres du CPQ ont sans aucun doute des moyens financiers démesurément plus imposants que ceux de la moyenne des gens, qui s’appauvrit sans cesse, ils ne pourront toutefois jamais boire ou respirer de l’argent. Il y a des limites même au pouvoir de l’argent.

La stratégie des tabatières des années 2000 a été éventée, mais les dommages sont quotidiennement constatés tant dans les hôpitaux que dans la cuisine des familles. Le même modèle se profile avec le pétrole de schiste... Pourquoi le CPQ donne-t-il sa caution aux activités projetées des pétrolières notamment avec les gaz de schiste ? Les patrons du Québec n’éprouvent-ils pas quelque chose comme de la honte à vouloir faire de l’argent à tout prix, même avec les catastrophes climatiques ou la maladie des gens ?

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