Édition du 7 mai 2024

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Israël - Palestine

Le Fatah de Yasser Arafat à Mahmoud Abbas : le déclin

Joe Biden évoque de plus en plus la nécessité d’établir enfin un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza. Il exhorte Benyamin Netanyahou à accepter cette éventualité tout en le priant de diminuer l’intensité de sa contre-offensive militaire à Gaza. En passant, il faut rappeler ici que les États-Unis au Conseil de sécurité de l’Onu ont opposé leur véto à une résolution le 8 décembre 2023 ordonnant un cessez-le-feu là-bas. Dans la foulée de cette logique de soutien quasi-inconditionnel à l’État hébreu, pas question pour la Maison-Blanche d’adopter des mesures de rétorsion contre Israël pour faire entendre raison au gouvernement du Likoud dominé par Netanyahou et sa clique. Elle s’en tient à des exhortations verbales tout en continuant à fournir au gouvernement israélien tout l’équipement militaire nécessaire pour pilonner Gaza.

Elle se contente de belles paroles.

La Maison-Blanche insiste sur la nécessité d’éliminer le Hamas avec lequel il n’est pas question d’entamer la moindre négociation. Elle veut plutôt le remplacer par le Fatah de Mahmoud Abbas qui contrôle une zone semi-autonome en Cisjordanie. Il est facile de discerner les ligne de force de la stratégie américaine : une fois le Hamas écarté de Gaza, le Fatah de Mahmoud Abbas le remplacerait et administrerait la petite bande côtière dans des conditions similaires à celles de la zone cisjordanienne sous son contrôle : ce bon Mahmoud Abbas, pacifique, bon-ententiste et collaborateur avec les autorités israéliennes pour les questions de sécurité prendrait la place d’Ismaël Haniyeh qui se trouve à la tête du bureau politique du Hamas et de Yahya Sinwar, chef du Hamas à Gaza et représentant de l’aile dure du mouvement. Bref, le Fatah de Mahmoud Abbas serait mis en selle à Gaza une fois le Hamas balayé de la bande côtière.

Ce plan a-t-il des chances de réussir ? On peut en douter.

Tout d’abord, le Fatah sous la férule d’Abbas est largement discrédité en Cisjordanie même vu sa coopération sécuritaire avec Tel-Aviv, à tel point qu’un nombre croissant de membres et de partisans du Fatah rejoignent maintenant la résistance armée qui s’intensifie en Cisjordanie. La lutte pour la libération nationale en Cisjordanie et à Jérusalem-Est risque de se doubler d’une guerre civile ente les partisans résolus de la résistance et les bon-ententistes du courant Abbas, que Tel-Aviv soutiendrait bien entendu en cas de besoin. De plus, il est loin d’être certain que la population gazaouie pour sa part accepterait une administration autonome, inévitablement très limitée, du Fatah.

Même si, sous l’impulsion des classes politiques occidentales des négociations s’amorçaient entre le Fatah et la droite israélienne au pouvoir, on peut se demander à quoi elles aboutiraient dans l’état actuel des choses. Elles seraient nécessairement inégales, vu le rapport de forces entre les deux camps ; d’ailleurs, tout un pan de la société israélienne est fanatiquement opposé à l’établissement d’un État palestinien en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.

On peut prévoir qu’au nom du "réalisme" et de la "souplesse" qui lui est associée, la Maison-Blanche, qui joue un rôle-clé dans la région, exhorterait la direction palestinienne à consentir aux concessions nécessaires à l’obtention de la paix, celle-ci dût-elle se solder par une entente à rabais dont Palestiniens et Palestiniennes feraient les frais. Si le passé est garant de l’avenir, ce scénario est le plus vraisemblable.

À moins que les gouvernements occidentaux, du moins les plus influents d’entre eux, ne se décident à contraindre Israël à faire de substantielles concessions aux Palestiniens, ce qui paraît peu vraisemblable.

Les Gazaouis risquent donc de se retrouver dans la situations des Cisjordaniens, les colons israéliens en moins, il est vrai. Mais ils devront se contenter d’une administration du Fatah, en tout cas pour un avenir prévisible. Rien d’enthousiasmant pour eux, donc.
Si Yasser Arafat (décédé en 2004), figure historique de la résistance palestinienne, voyait ce que le mouvement de libération dans la fondation duquel (en 1959) il a joué un rôle central est devenu, il se retournerait dans sa tombe...

Jean-François Delisle

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