Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec solidaire

Le projet de pays et la promotion du français : les orientations de Québec solidaire

Aujourd’hui, nous lançons donc une campagne politique qui durera un an sur le thème : un pays de projets.

Un projet de pays et un pays de projets

Lors d’un congrès tenu en 2009 sur la question nationale, Québec solidaire a réitéré son orientation souverainiste et a déterminé la démarche qu’il entendait suivre pour que le Québec devienne un pays. C’est ainsi que la mise sur pied d’une assemblée constituante a été votée et qu’une campagne sur ce thème a été décidée.

Aujourd’hui, nous lançons donc une campagne politique qui durera un an sur le thème : un pays de projets. L’indépendance du Québec, pour Québec solidaire, est un projet national et social. Ce projet de pays doit mener à un pays de projets visant la justice, l’égalité et le développement d’un Québec vert et durable.

Notre campagne politique se déroulera d’abord sur le web avec l’ouverture du site : www.paysdeprojets.org.

Puis, à compter de l’automne prochain, la présidente de Québec solidaire entrera en tournée dans les régions, rencontrera les médias et participera à des assemblées publiques sur des thèmes choisis par nos associations locales. La population sera invitée à ces assemblées pour réfléchir et débattre à un pays de projets progressistes, féministes, démocratiques et écologistes.

Retrouver la fierté de travailler et de vivre en français au Québec

Plusieurs événements ont amené Québec solidaire à se préoccuper de la question linguistique au Québec : multiplication des rassemblements autour de la défense du français, débats autour du jugement de la Cour suprême sur la loi 104 et loi sur les écoles passerelles, questionnement sur l’utilisation du français dans les services de garde ou sur le nombre d’allophones qui fréquentent les cégeps anglophones et surtout, perception tenace d’une anglicisation rampante de Montréal et de ses couronnes nord et sud. La globalisation des marchés et l’utilisation grandissante des nouvelles technologies de l’information et de communication, la domination de la culture étatsunienne de même qu’une augmentation réelle de l’immigration au Québec, nous ont incité à reprendre la réflexion et la discussion sur la protection et le développement d’une langue et d’une culture française au Québec.

Les solidaires ont donc analysé longuement la situation du français à Montréal et au Québec et propose les orientations suivantes à ses membres et à la population. Un congrès en décembre 2011 prendra position de façon décisive sur ces questions.

Une chose doit être claire : Québec solidaire considère la situation du français dans la région montréalaise comme préoccupante. Des mesures doivent être prises pour nous assurer d’une réelle prédominance du français dans tous les espaces voués à la vie collective. Cependant, à nos yeux, il n’y a pas de catastrophe appréhendée. Voilà pourquoi nos propos ne seront pas alarmistes et les mesures proposées excessives. Une fermeté de bon aloi s’impose cependant dans les législations, les politiques publiques et le fonctionnement des institutions québécoises.

Mais rien ne remplacera le sentiment partagé d’une fierté de parler français tous les jours dans un environnement nord-américain anglophone. Rien ne saurait être plus efficace que la volonté d’un peuple tout entier et toutes origines confondues de travailler, commercer, échanger et finalement, vivre en français.

Pourquoi s’obstiner à parler une langue minoritaire en Amérique du nord ? Parce que cette langue a une histoire, celle de la Nouvelle-France, puis du Canada français, puis du Québec. Parce que cette histoire en est une de lutte pour que la différence francophone soit respectée et que nous devons à nos ancêtres de la poursuivre. Parce que le monde d’aujourd’hui a besoin de la diversité des cultures et des langues, de leur richesse, de leurs particularités. Un monde d’une seule langue et d’une seule culture est un monde ennuyeux, trop homogène, qui évacue les différences stimulantes au nom de la globalisation d’une économie intrusive dans la vie des peuples, et le plus souvent porteuse d’injustices.

Voilà pourquoi, nous retrouverons au coeur de nos propositions l’idée d’une vaste campagne, d’un grand mouvement pour renouer avec la combativité de naguère devant les menaces qui pèsent sur la protection et le déploiement du français au Québec. Jeunes et moins jeunes doivent se sentir interpellés par ce combat aux multiples facettes, affirmer avec fierté mais sans arrogance qu’ « ici ça se passe en français », accorder plus d’importance à un français correct et non truffé d’anglicismes qui l’abâtardisent et exiger que l’on travaille et commerce en français partout. Cela n’exclut en rien la protection des droits de la minorité anglophone du Québec de même que le respect des langues parlées par les personnes immigrantes.

La question des milieux de travail est centrale. Québec solidaire juge que c’est là l’enjeu principal de la bataille non terminée pour que la langue française devienne la façon normale de s’exprimer dans la vie de tous les jours. Comment convaincre, en effet, des jeunes allophones ou francophones d’aller suivre des cours dans un cégep francophone, alors qu’ils et elles savent que la langue de l’avancement professionnel, celle des outils informatiques, celle de certains programmes universitaires, celle des communications dans l’entreprise…est l’anglais ? Plusieurs de nos propositions toucheront donc les milieux de travail.

Et la francisation des personnes immigrantes ? N’est-elle pas centrale ? À cette question nous répondons : moins qu’on ne le croit. Les deux tiers des nouveaux arrivants parlent déjà français à leur arrivée au Québec. L’amère ironie c’est qu’on leur demandera souvent s’ils et elles parlent anglais lorsqu’ils et elles se présenteront devant un employeur !

Les femmes parlent moins français que les hommes, sont moins scolarisées dans certains cas, et éprouvent des difficultés à suivre les cours de français offerts. Il nous faut imaginer des mesures adaptées à leur situation.

Convenons aussi que certaines communautés passent moins vite au français. C’est le cas des personnes en provenance d’Asie. Mais notons que la loi 101 aura un effet positif sur leurs enfants : c’est ainsi qu’une Kim Thui, québécoise d’origine vietnamienne vient de gagner le prix du gouverneur général pour un roman écrit en français !

Nous avons apporté une attention particulière aux services de garde qui accueillent chaque année des dizaines de milliers d’enfants. Parmi ces enfants, plusieurs viennent de familles immigrantes où la langue maternelle est parlée à la maison. Ne serait-il pas temps de nous assurer que dans les services de garde subventionnés, la langue prédominante soit le français ? Ne serait-ce pas rendre service à des enfants qui arriveraient mieux préparés à l’école maternelle, sur le plan linguistique ?

Certains-es se demanderont pourquoi nous ne proposons pas d’étendre la loi 101 aux études collégiales. Québec solidaire n’est pas convaincu qu’il s’agisse là d’une mesure urgente et prioritaire pour la préservation du français. Nous ne nions pas la légitimité du questionnement entourant la présence importante de jeunes allophones francisés dans des cégeps anglophones. Nous parions plutôt sur l’attrait d’études en français dès lors qu’il sera clair pour tout le monde qu’au travail, ça se passe en français ! Déjà 60% des jeunes allophones francisés et 95% des jeunes francophones choisissent le cégep français. Il faut aller plus loin, surtout chez les jeunes allophones. À notre avis, cela se fera lorsqu’ils-elles auront la conviction que le français est un outil indispensable à l’avancement en milieu de travail. Lorsque la majorité francophone du Québec s’adressera à une personne immigrante en français sur la rue. Lorsque la culture francophone sera redevenue objet de fierté pour tout le monde.

En somme, notre attitude est empreinte à la fois de combativité, d’enthousiasme devant le défi qui nous attend et de respect envers les personnes qui ont choisi d’émigrer au Québec. Elles mettent leur coeur et leur énergie à développer le Québec moderne que nous connaissons. Elles veulent y élever leurs enfants et ne demandent pas mieux que de parler français avec l’ensemble des Québécois-es. Tous et toutes ensemble, nous sommes responsables que cela se réalise. Il faut donc que le français soit la langue véritablement prédominante dans les services publics, les services de garde, l’école, les commerces et les milieux de travail. Cela, la majorité francophone en est la première responsable par les décisions législatives, politiques et sociales qu’elle prend tous les jours.

Un dernier mot avant les propositions : Nous comprenons parfaitement le désir de la plupart des familles québécoises de voir leurs enfants apprendre l’anglais. Qu’on le veuille ou non, il s’agit aujourd’hui d’une langue parlée dans la majorité des pays du monde. Cependant, nous croyons que les jeunes québécois-es ne devraient pas en rester là : pourquoi ne pas chercher à parler aussi une troisième langue ? Voilà une belle façon de connaître d’autres cultures, d’autres modèles de société, d’autres traditions ?

PROPOSITIONS :

La fierté de parler français et les outils pour y arriver

1) Entreprendre une campagne de valorisation de la culture et de la langue française dans toutes les régions du Québec. Cette campagne a pour but de rehausser la fierté de parler français au Québec et de bien le parler et l’écrire.

2) Mettre en place une commission itinérante sur l’état de la langue française au Québec en accordant une attention particulière aux milieux de travail.

3) Assurer un soutien constant aux créateurs-trices québécois-es, en priorité francophones, et rendre la culture francophone accessible à tous et toutes, dans tous les milieux sociaux et dans toutes les régions du Québec.

4) Soutenir les bibliothèques publiques et scolaires, les maisons de la culture et autres lieux culturels sans but lucratif afin qu’ils puissent renforcer leur mission de découverte et de plaisir à manier la langue française dans toutes les sphères culturelles.

Le rôle de l’Office québécois de la langue française et son action dans les milieux de travail

5) Rendre l’Office québécois de la langue française indépendant du gouvernement en le faisant relever de l’Assemblée nationale, y compris la nomination de la ou du président-e.

6) Augmenter les ressources humaines et financières de l’Office québécois de la langue française afin qu’il puisse exercer convenablement ses fonctions d’analyse et de surveillance des milieux de travail (entre autres, avoir plus de conseillers à la francisation sur le terrain).

7) Donner à l’OQLF le mandat de développer des outils de francisation par secteurs d’activités et subventionner, au besoin, des manuels et autres outils nécessaires à un travail en français en entreprise ou dans les services publics.

8) Développer une stratégie d’accueil pour les entreprises qui s’implantent au Québec, étant entendu qu’elles doivent comprendre que leurs activités doivent se dérouler en français.

9) Abaisser de 50 à 25 employé-es le seuil à partir duquel s’applique le chapitre de la Charte de la langue française portant sur la langue de travail. Permettre des plaintes individuelles y compris dans les milieux syndiqués.

10) Rendre conditionnelles les subventions aux entreprises soumises à la Charte de la langue française au respect de celle-ci.

11) Alléger la structure des programmes de francisation pour les petites et moyennes entreprises. Par exemple : réduire le seuil de membres inscrits-es aux comités de francisation et développer des programmes incitatifs comme des congés linguistiques, ou des cours de français sur les heures de travail, l’employeur bénéficiant en retour d’un crédit d’impôt.

12) Interdire aux employeurs d’exiger la connaissance de l’anglais à l’embauche à moins qu’ils puissent démontrer que cette langue est indispensable dans le cadre de l’emploi recherché.

La francisation des personnes immigrantes

13) Ajuster les programmes de francisation en fonction des besoins des jeunes immigrants-es et des femmes (ex. : étendre le nombre de niveaux d’enseignement en vue d’une réelle maîtrise du français, élargir les délais d’admissibilité aux cours de français avec allocation, développer les haltes garderies, concevoir des mesures d’encadrement pour contrer le décrochage scolaire, etc.).

14) Mieux coordonner les efforts du Ministère de l’Immigration et des Communautés Culturelles (MICC), du Ministère de l’Éducation, du Loisirs et du Sport (MELS) et des membres, groupes et partenaires impliqués en matière de gestion de la diversité et d’intégration linguistique des immigrants-es.

15) Développer des recherches et les rendre publiques pour savoir où nous en sommes au niveau des résultats de francisation.

16) Réactiver les programmes d’échanges, de jumelage et d’accompagnement entre les immigrants-es et les membres de la société québécois

La dispensation de services de garde : principalement en français

17) Créer 15 000 nouvelles places en CPE publics afin de garantir une meilleure qualité des services et une plus grande utilisation du français.

18) Mettre fin progressivement aux subventions aux services de garde privés et d’ici là, les soumettre à des contrôles rigoureux sur la place que doit y occuper la langue française.

19) Rendre les subventions aux CPE conditionnelles à la connaissance d’usage du français chez les responsables et les éducatrices et mettre en place des inspections pour s’assurer que le français occupe une place prioritaire dans la dispensation des services aux enfants et aux parents.

Le rôle de l’école dans la protection du français

20) Mettre en place un apprentissage intensif des compétences linguistiques en français et en anglais pendant la période d’instruction obligatoire . Au terme d’études primaires et secondaires, les jeunes Québécois-es, francophones et allophones doivent bien parler et écrire le français et avoir une bonne connaissance d’usage de l’anglais. Les élèves anglophones doivent avoir une bonne connaissance d’usage du français.

21) Trouver des moyens pour que l’école primaire devienne un lieu de francisation pour les parents d’élèves allophones, particulièrement les femmes, en disposant des ressources pour ce faire

22) Assurer une connaissance suffisante du français et de la culture francophone québécoise pour les étudiants-es de cégeps anglophones par une révision du programme scolaire dans ce sens.

23) Interdire l’utilisation de manuels techniques en anglais, dans les cégeps francophones, et pour ce faire, soutenir la traduction de manuels, au besoin.

24) Valoriser les cégeps francophones auprès des jeunes allophones en démontrant que le marché du travail exige une bonne connaissance du français.

25) Assurer que dans toutes les écoles du Québec, on offre quatre manifestations artistiques par année, en français, à tous les enfants et jeunes Québécois-es.

26) Assurer un soutien gouvernemental particulier aux outils disponibles éducatifs et ludiques sur le web en français.

27) Interdire la dispensation de programmes en anglais dans les universités francophones du Québec.

Le français : langue des communications dans les services publics

28) Sauf dans les cas d’urgence (ex : urgence-santé) ou pour desservir des nouveaux arrivants récents-es, le français doit redevenir la langue des communications entre l’État, les institutions publiques et la population.

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