Édition du 5 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Europe

France

Le Rassemblement national comme mouvement néo-fasciste

Le RN, en tant que héritier du Front National de Jean-Marie Le Pen a gardé certains aspects essentiels de celui-ci, qui plonge ses racines dans le régime de Vichy et la collaboration.

Michael Lowy, directeur de recherche émérite au CNRS.

5 juillet 2024 | blogue de l’auteur

Comme plusieurs autres partis européens – Fratelli d’Italia, l’AFD en Allemagne, etc - le Rassemblement national peut être defini comme un mouvement de type néo-fasciste. Le préfixe neo signifie qu’il ne s’agit pas d’un phenomène identique aux fascismes des années 1930 ou 1940. L’histoire ne se répète pas : les phénomènes actuels sont assez différents des modèles du passé. Surtout, nous n’avons pas – encore – des Etats totalitaires comparables à ceux d’avant-guerre. L’analyse marxiste classique du fascisme le définissait comme une réaction du grand capital, avec le soutien de la petite-bourgeoise, face à une menace révolutionnaire du mouvement ouvrier. On peut s’interroger si cette interprétation rend vraiment compte de l’essor du fascisme en Italie, Allemagne et Espagne, dans les années 20 et 30. En tout cas, elle n’est pas pertinente dans le monde actuel, ou l’on ne voit, nulle part, de “menace revolutionnaire ».

Les gouvernements ou partis de type néo-fasciste actuels se distinguent radicalement de ceux des années 1930, qui étaient national-corporatistes du point de vue économique, par leur néo-libéralisme extrême. Ils n’ont pas, comme dans le passé, des puissants partis de masses et des sections d’assaut uniformisées. Et ils n’ont pas la possibilité, au moins jusqu’à maintenant, de supprimer totalement la démocratie et créer un Etat totalitaire.

Le RN, en tant que héritier du Front National de Jean-Marie Le Pen, a gardé certains aspects essentiels de celui-ci, qui plonge ses racines dans le régime de Vichy et la collaboration. Quels sont les principaux éléments de continuité ?

- Tout d’abord le racisme, la haine des non-blancs, des non-européens, des immigrés et de leurs descendants. Malgré les efforts de ravalement de la façade, l’anti-sémitisme continue à faire partie du DNA de ce mouvement. Chassez le naturel, il revient par la fenêtre : on l’a vu souvent dans des déclarations de tel ou tel candidat adoubé par le RN. D’ailleurs, Jordan Bardella lui-même a expliqué que Jean-Marie Le Pen n’était pas antisémite…Mais c’est sans doute le racisme anti-arabe, anti-noir, et l’islamophobie qui occupent la place centrale du discours du RN.

- Le nationalisme « biologique », fondé sur le « droit du sang ». D’où la proposition d’abolir le droit du sol, comme l’avait fait le Marechal Petain. D’où la « Préférence nationale », d’où sont exclus les immigrants, les bi-nationaux et autres racisés.

- Le « securitarisme », le tout pouvoir et l’impunité aux « forces de l’ordre », la criminalisation des mouvements sociaux, la répression comme seule réponse aux problèmes sociaux des quartiers populaires. Sous Macron/Darmanin ce tournant sécuritaire a déjà été amorcé. Sous le RN on risque de basculer dans un Etat policier beaucoup plus violent.

- La mise au pas des medias, des Universités, des Centres de Recherche, au nom de la lutte contre le « wokisme ». Ici aussi Macron/Darmanin ont preparé le terrain, mais avec un gouvernement RN la repression de toute pensée critique serait beaucoup plus radicale et systématique.

- Le RN n’a pas, comme ses ancêtres fascistes, des milices uniformisées et armées. Mais il entretien des liens étroits avec des groupuscules violents, suprémacistes blancs ou néo-nazis. Après la spectaculaire montée du RN au premier tour des élections législatives, les agressions racistes ou contre des militants de gauche se sont intensifiées dans toute la France. On peut facilement imaginer ce qui arriverait en cas de victoire du RN au deuxième tour et formation d’un gouvernement présidé par Bardella.

- Un aspect nouveau, qu’on ne trouvait pas dans les fascismes anciens, parce que la question ne se posait pas encore : le RN - comme ses équivalents dans d’autres pays (Trump, Bolsonaro) - est systématiquement hostile à toute mesure écologique, presentée comme « punitive ». Le changement climatique ne l’interesse pas et on peut compter sur lui pour reprimer brutalement tout mouvement écologique.

La difference entre le néo-libéralisme autoritaire de Macron/Darmanin et le néo-fascisme n’est pas de degré mais qualitative. Ce sont deux régimes de nature sociale et politique distincte. Un régime néo-fasciste viderait la république démocratique de tout contenu, en gardant ses aparences extérieures.

7 juillet 2024 : la seule alternative au néo-fascisme est, comme en France et en Espagne en 1936, le Nouveau Front Populaire. Il est encore temps pour éviter le pire. No Pasaran !

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d’avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d’avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par les responsables.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Sur le même thème : Europe

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...