Édition du 16 avril 2024

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Négociations du secteur public

Négociations du secteur public

Les résultats n’ont pas répondu à nos attentes

Entrevue avec Stéphanie Gratton du Syndicat du personnel de soutien de la Commission scolaire des Mille-Îles (réalisée par Pierre Beaudet en février 2016)

Qui fait partie de votre syndicat ?
 
Nous représentons 2000 salarié-es du personnel de soutien, dont 90% sont des femmes. Nos membres se répartissent dans environ 32 corps d’emplois divisés dans trois champs : Techniques, administratifs, Adaptation scolaire et Service de garde. Les salaires varient entre 16,07$ et 31,38$ de l’heure. Il est important de spécifier que plus de 1500 de nos membres sont mis à pied durant l’été, ce que la population ne sait pas la plupart du temps. Il y a trois autres syndicats dans notre commission scolaire, deux syndicats FTQ dans certains secteurs du soutien manuel et des professionnels, et la FAE pour les enseignants. Notre commission scolaire s’étend sur plus de 800 km carré, sur 16 villes de la rive-nord. On part de Terrebonne à St-Placide et de St-Eustache à Mirabel.

Comment s’est passée cette négociation sectorielle pour vous ?

Nous nous sommes sentis bousculés dans cette négociation. Beaucoup d’informations nous étaient livrées, mais il y avait très peu de place à la réflexion entre nous. Malgré l’expérience de notre exécutif, on s’est senti essoufflé. Au fonds, nous avions pensé que la négociation ne devrait pas surtout porter sur le monétaire, car notre but était vraiment le salarial. Par contre, à mon avis, l’employeur, qui était au fait de ça, est arrivé dans les tables sectorielles avec plus de 150 demandes, ce qui aurait abouti à beaucoup de très gros reculs.

Quelles étaient les demandes de l’employeur vous concernant directement et qui aurait changé négativement la situation de vos membres ?

Par exemple, en ce qui concerne les affichages de poste, on voulait intégrer que la personne doive répondre au profil. Pour nous, c’était comme mettre une photo sur le poste. L’employeur par contre demandait une évaluation, ce qui était pour nous inacceptable, car on revenait au « léchage » de boss. En service de garde, on voulait retirer une clause qui oblige l’employeur, lors de la confection des horaires, à les faire avec le plus grand nombre d’heures possible. On a réussi à se sortir de l’eau, finalement. Je crois que le gouvernement a obligé les tables sectorielles à faire des compromis avant de convoquer les chefs syndicaux pour régler la table centrale et ce avant Noël, comme Coiteux l’avait mentionné à plusieurs reprises. 

Que dire de votre mobilisation syndicale ?

Au départ, les demandes syndicales nous semblaient raisonnables, ce qui a provoqué une mobilisation historique dans nos rangs. Je suis dans mon syndicat depuis 2004. J’ai donc vécu trois négociations. Mais jamais, je n’ai vu une aussi grande mobilisation de nos membres, partout au Québec. Si je m’attarde à chez nous, tous les gens étaient au rendez-vous et sur les lignes. Exemple, le 9 décembre, nous avons réussi à remplir 15 autobus pour la grande manifestation de Montréal. Du jamais vu, même pour la région des Laurentides. À notre assemblée générale, nous avions 833 personnes et nos membres ont voté pour la grève à 85%.

On voulait tenir tête …

Tout au long de la mobilisation, nos membres sentaient le tout possible. Car la revendication salariale était justifiée. Vous savez ce que dit l’« opinion populaire » habituellement : les employés du secteur public sont « gras durs » ! Eh bien, nous avons réussi à changer cette perception. On a fini par comprendre notre situation réelle, le fait que plusieurs de nos membres ne sont pas à temps plein, qu’ils sont sous-payés. Dans la bataille de l’opinion publique, nous avons marqué des points. Coiteux avaient l’air du gars qui déplace les zéros à qui mieux mieux. Aussi, après la rencontre du 6 novembre entre les parties patronale et syndicale, nos représentants de la CSN nous ont assurés que la nouvelle offre patronale était bel et bien refusée, et que la pseudo augmentation ne répondait pas à nos attentes, puisque les augmentations découlant de la relativité salariale devaient rester un dossier distinct.

Et puis, coup de théâtre !

Quelques semaines plus tard, tout change. On apprend que la relativité est intégrée à l’offre dérisoire du gouvernement. En plus, on perd une année au niveau de la retraite. Quant aux augmentations, elles créent beaucoup de disparités chez nous entre les corps d’emplois d’un même syndicat. Par exemple, les techniciens en informatique obtiennent 0 % de relativité et de plus, ils deviennent hors taux et hors échelles. Les nouveaux employés commencent avec un salaire plus bas qu’auparavant, comparativement aux techniciens en électronique qui eux, reçoivent 6,2%. Nous avons réellement peur que l’entente salariale cause un dommage à la vie syndicale qui nous semblait bien amorcée au départ. Les gens sont découragés et désabusés. Ils sont même devenus fatalistes. Au départ, nos membres avaient la ferme conviction que l’on aurait pu continuer la minute de plus....

Quelles sont les suites prévisibles dans votre syndicat ?

Nous sommes très déçus du Front commun. Nos chefs syndicaux devront réfléchir sur la nécessité d’un Front commun à tout prix. Nous avons la forte conviction que le véhicule CSN aurait été suffisant pour continuer la bataille et vaincre la philosophie proposée par un gouvernement irrespectueux de ses propres employés. L’idée du Front commun, j’imagine qu’à l’époque, ça fonctionnait, mais maintenant, nous n’y croyons à peu près plus, car il y a toujours une des centrales qui ne suit pas la danse. Nous croyons sincèrement que nous, à la CSN, on aurait pu aller plus loin. La population est toujours présente pour ceux qui ont fait le choix de poursuivre le combat. Quant à l’idée de continuer, après la négociation, la lutte contre l’austérité, comme on nous le propose, nous sommes sceptiques. Il sera difficile de mobiliser nos gens après les résultats qui ont été acceptés par les centrales.
 

Stéphanie Gratton

Syndicat du personnel de soutien de la Commission scolaire des Mille-Îles

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