Édition du 17 juin 2025

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Féminisme

Les violences faites aux femmes

La semaine passée, j’ai eu la chance d’offrir encore une fois, une formation en matière de violence conjugale avec une approche féministe intersectionnelle. Depuis des années, je collabore avec différents organismes au Québec, avec des ateliers, des conférences ou des formations sur différents sujets qui touchent la violence systémique faite aux femmes, le racisme systémique (encore aujourd’hui non reconnu au Québec), ainsi que la visibilisation et la protection des droits des personnes issues des communautés de la diversité sexuelle et culturelles, notamment les femmes immigrantes.

La semaine dernière, nous avons appris qu’un autre féminicide à eu lieu au Québec, le 2e en 1 semaine et demi, et comme un “hasard” de la vie, à l’instant même que je donnais la formation, un 8e féminicide a eu lieu encore au Québec. Le 3e pendant mai, Le 8e en 5 mois. C’est trop ! On n‘en peut plus de répéter et de crier : “arrêter de nous tuer car nous sommes des femmes”

Je ne peux plus entendre aux médias “un nouvel homicide” comme Radio-Canada a dit jeudi matin. Certains médias parlent même de “crime passionnel” encore en 2025. C’est une blague ?

Depuis des dizaines des années, des femmes, notamment les féministes, nous nous battons pour dénoncer le concept de féminicide qui a été conçu pour décrire l’action ultime de l’escalade de la violence conjugale, et qui est la mort des femmes par son conjoint ou ex-conjoint. Nous, les personnes qui travaillons avec cet enjeu social, comprenons très clairement qu’une des problématiques sévères de la violence systémique faites aux femmes, ce sont les féminicides. Ces féminicides se passent presque “toujours” à l’intérieur d’une relation de couple ou ex couple, et toujours avec un rapport de pouvoir.

Cette forme de violence est apparemment invisible pour la société québécoise, peut-être parce qu’elle se passe dans la sphère privée. Voilà pourquoi pendant la 2eme vague du féministe, Carol Hanisch a soulevé le grand sujet de “the personal is political”, entre autres car cette séparation entre l’espace privé et l’espace public, parfois coince les femmes à pouvoir dénoncer ou visibiliser ou même prendre les espaces publics pour faire sortir ce que certaines personnes croient qui ne les concerne pas.

J’habite au Québec depuis 16 ans. Pendant tout mon parcours migratoire et mon processus d’intégration à ce territoire merveilleux en tant que terre d’accueil, j’ai croisé des femmes partout qui ont vécu une forme de violence systémique faite aux femmes, soit dans les espaces privés “violence conjugale”, soit dans les espaces publics “harcèlement de rue ou harcèlement sexuel en milieu du travail”.

Hier la salle était pleine, j’ai posé la question, comme à chaque fois, à chaque année, à chaque printemps : Vous croyez que j’exagère quand je dis qu’au moins une fois dans la vie toutes les femmes ont vécu une forme de violence systémique faite aux femmes ? pendant le tour de table, toutes ont avoué l’avoir vécu. TOUTES !

Il n’y a aucun milieu où je vais, où il n’y a pas des femmes qui ne connaissent pas cet enjeu. Présentement, je connais des femmes qui subissent la violence conjugale parmi les mamans de l’école, dans mon milieu de travail, dans les activités de loisirs, partout et toujours. Cependant, on n’en parle pas souvent car le sujet n’est pas beau, et les femmes ont honte d’avouer ce qu’elles subissent. Le sujet rend inconfortable à tout le monde, et pourtant “entre femmes” la majorité reconnaît toujours l’avoir vécu.

Je vous partage cette réflexion que SOS Violence conjugale a publié jeudi passé. Je suis totalement en accord avec l’urgence d’agir et continuer à en parler, l’importance de continuer à travailler pour changer les valeurs profondes de cette société.
Quand on travaille en violence conjugale, chaque féminicide commis par un partenaire intime, c’est comme un échec. Avec nos collègues des Maisons d’hébergement et des autres organismes spécialisés en violence, ainsi qu’avec ceux des milieux judiciaires et policiers, on met en place des programmes, des mesures, des concertations et des services pour les prévenir et parfois on sent que ça fait une différence... et puis la réalité nous rattrape. Un deuxième féminicide en moins d’une semaine est survenu hier…

L’approche féministe intersectionnelle permet entre autres, la compréhension de différencier la violence exercée par l’agresseur (de domination) et la violence réactionnelle (de la victime pour se défendre), elle permet aussi de comprendre que cette forme de violence existe à cause de la normalisation du contrôle coercitif à l’intérieur des relations de couple, que cette forme de violence s’inscrit dans le modèle patriarcal au service au modèle socio-économique capitaliste, et comment ces deux modèles se nourrissent et se soutiennent mutuellement.

Rita Segato, antropologue et féministe sud-américaine, souligne l’importance d’avoir une “conscience de genre” pour y comprendre la condition féminine, de la même manière qu’il faut avoir une conscience environnementale pour pouvoir comprendre les enjeux environnementaux.

Je souhaite que le Québec développe de plus en plus cette conscience de “genre” de la même manière qu’il existe la conscience environnementale liée aux enjeux climatiques bien enracinée et de plus en plus visible. Nous ne pouvons pas travailler l’une sans l’autre. En espérant que les changements sociaux permettent cette prise de conscience le plus rapidement possible, avec la même urgence d’agir aux enjeux climatiques, que l’urgence de se respecter les un-es et les autres.

Claudia Santibanez
17 mai 2025

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