Édition du 23 avril 2024

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Grèce

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Mobilisation contre les assassins fascistes

L’assassinat du musicien antifasciste Pavlos Fyssas, poignardé à mort mardi 17 septembre à minuit, au Pirée, près d’Athènes, par un militant fasciste, Giorgos Roupakas, a déclenché un tollé national contre les violences fascistes.

L’Aube Dorée, le parti dont Roupakas était membre, a désavoué celui-ci et fait semblant de ne pas le connaître ! Mais internet et les journaux ont publié des photos du tueur embrassant des députés de premier plan de l’Aube Dorée.

Noyaux armés et entraînés à la violence

Le chef du parti, Ilias Kasidiaris, a déclaré que celui qui oserait accuser l’Aube Dorée de responsabilité dans l’assassinat serait poursuivi. Le tueur avait demandé à sa femme de se débarrasser de sa carte de membre de l’Aube Dorée. Mais il travaillait dans un café de l’Aube Dorée tandis que sa femme était la femme d’ouvrage du bureau local de l’Aube Dorée...

Une interview donnée par un ancien membre de l’Aube Dorée au journal Ethnos (publiée les 20 et 21 septembre) et d’autres rapports ont révélé qu’existe dans les locaux de l’Aube Dorée un noyau fermé de militants organisés avec une discipline militaire. Ce sont des gens de ce noyau qui ont mené l’attaque contre Paul, ainsi que l’attaque à Perama, près du Pirée, le 12 septembre, contre un groupe de colleurs d’affiches du Parti communiste (KKE) qui s’est terminée par l’hospitalisation de neuf de ceux-ci.

Ces noyaux sont équipés d’armes, qu’ils ont pu cacher lors des descentes de police parce que le parti est averti à l’avance de ces descentes grâce aux informations données par des policiers qui sont membres de l’Aube Dorée.
Parmi les révélations récentes, on a appris que l’Aube Dorée se fait de l’argent avec les vêtements que leurs sympathisants donnent au parti au nom de la « solidarité pour les plus démunis" en vendant ces vêtements à des immigrés pakistanais qui les revendent ensuite dans les marchés de rue.

On a appris aussi que des tarifs ont été établis pour les agressions : 100 EUR pour casser un bras, 200 EUR pour casser une jambe, 1000 EUR pour brûler une voiture, de 1500 à 2000 EUR pour envoyer quelqu’un à l’hôpital pendant un mois.

Mobilisation rapide

Le 18 septembre, des milliers d’antifascistes ont envahi les rues du quartier de Keratsini au Pirée et de dizaines de villes du pays. Le 21 septembre, une nouvelle manifestation a été appelée au Pirée par les syndicats des marins et des ouvriers des chantiers navals. Sous cette pression, l’Aube Dorée a reporté toutes les activités publiques qu’elle avait prévues pour le week-end.

Un grand rassemblement anti-fasciste a été appelé par les syndicats des secteurs privé et public à Athènes mercredi 25 septembre, premier jour d’une grève générale de 48 heures des travailleurs du secteur public. Car les dernières actions violentes des fascistes ont eu lieu dans un contexte de remontée de la lutte de la classe travailleuse, avec les grèves tournantes des enseignants et d’autres catégories de travailleurs du secteur public.

La classe dirigeante a d’abord espéré que l’attaque meurtrière des fascistes allait engourdir le mouvement de la classe travailleuse. L’ampleur des mobilisations est en train de leur donner tort.

La gauche divisée face aux fascistes

Pourtant, la gauche et le mouvement ouvrier ont sous-estimé le danger des néo-nazis.

Le Parti Communiste grec (KKE), en particulier, s’est moqué pendant des années des trotskistes qui jetaient leurs forces dans la lutte contre l’Aube Dorée. Il y a à peine un an et demi, un membre important du KKE, Giorgos Sifonios, président du syndicat de l’usine Greek Steel, a invité l’Aube Dorée dans l’usine occupée et a remis le micro au porte-parole de l’AD, Ilias Kasidiaris, pour qu’il puisse s’adresser aux travailleurs !

Syriza a eu une meilleure position mais, jusqu’à maintenant, elle a sous-estimé la menace de l’Aube Dorée. Des centaines de membres de base de Syriza jouent un rôle central dans la construction de comités antifascistes dans leurs quartiers, mais cela se fait sans plan et sans aucune coordination par la direction du parti. Et un certain nombre de députés de premier plan de Syriza ont envoyé le plus mauvais message en demandant une coopération au sein de l’« arc constitutionnel » (c’est-à-dire en appelant les partis de gauche à coopérer avec les partis pro Mémorandum au gouvernement - le PASOK et la ND - dont la politique a ouvert la voie pour les nazis).

Les plus petites sections de la gauche portent aussi une part de responsabilité dans cette division. La coalition anticapitaliste Antarsya et Keerfa (le Mouvement d’Unification contre le Racisme et la Menace fasciste, qui fait partie d’Antarsya) continuent, aujourd’hui encore, à agir parfois de manière sectaire et ont tendance à limiter les propositions d’action à l’organisation de marches (ce qui est bien sûr important, mais pas suffisant).

Ce n’est qu’unis et organisés que nous pourrons empêcher de nouveaux meurtres et écraser le fascisme. Organisés et coordonnés dans des comités locaux, complétés par des groupes d’autodéfense de travailleurs - c’est le seul moyen de gagner.

Quand nous disons " unis ", clarifions tout de suite une chose : ceux qui ont toléré l’Aube Dorée, qui ont attisé l’hystérie contre les immigrés et les prostituées - les partis politiques qui nous gouvernent et qui servent la Troïka l’Union Européenne, FMI et Banque Mondiale) les armateurs et les banquiers - n’entrent pas dans notre unité. Nous ne devons avoir aucune confiance, et surtout aucune dépendance, en eux ou en n’importe quelle version de l’« arc constitutionnel ».

La tâche de combattre le fascisme appartient à la gauche, aux syndicats et aux jeunes. Nous avons besoin de marches et d’actions contre les fascistes partout et tout de suite. Mais nous devons également comprendre que les protestations et les manifestations ne suffisent pas.

Une des premières priorités doit être l’organisation dans les écoles, les universités, les clubs de football et les maisons de jeunes. L’Aube Dorée a gagné du terrain dans certaines écoles secondaires et supérieures où elle est considérée comme "branchée" et à la base d’un sous-culture et d’un "mode de vie". La constitution d’une Coordination des Comités Antifascistes réunissant des groupes locaux partout dans Athènes et la région du Pirée est une étape très importante. Des avancées similaires ont lieu aussi en Macédoine et en Thessalie.

Notre lutte contre le fascisme est aussi une lutte contre le système capitaliste qui engendre et nourrit le fascisme. Un front anti-fasciste dirigé par Syriza et la gauche devrait être complété par une réponse globale à la crise et à la Troïka et par l’objectif d’un gouvernement de la gauche. La gauche doit revendiquer le pouvoir sur la base d’un programme qui élimine le pouvoir des capitalistes et ouvre la voie pour le contrôle des travailleurs.

Dans le cas contraire, la crise du système capitaliste dans lequel nous vivons aujourd’hui continuera à régénérer la menace fasciste, d’une manière ou d’une autre.

Pavlos Fyssas continuera à vivre parmi nous

Pavlos Fyssas, tué par un fasciste au Pirée le 17 Septembre, a grandi dans les quartiers ouvriers de Keratsini. Fils d’un ouvrier de chantier naval de Perama, il a lui aussi été travailler dans ces chantiers.

Depuis ses années d’école, il aimait le hip hop et d’auditeur il s’est rapidement transformé en artiste. Il a continué à travailler de temps en temps dans les chantiers navals, était membre du syndicat des métallos au Pirée et a toujours participé à ses mobilisations. Pavlos diffusait sa musique gratuitement via internet. " Il était l’une des cibles de l’Aube Dorée en raison des paroles antifascistes de ses chansons ", a reconnu un ancien membre de la section locale de ce parti.

Pavlos n’était pas membre d’un parti politique de gauche en particulier mais il participait régulièrement à des mouvements sociaux. Un soir d’hiver glacial, il a mobilisé tous les artistes hip hop pour aider les sans-abri dans les zones difficiles.

Mardi 17 septembre à minuit, trente voyous du mouvement fasciste de l’Aube Dorée l’attendaient devant le café où il regardait un match de football. Ils avaient été mobilisés par téléphone mobile. Trente contre un ! Même au moment de l’attaque, la première préoccupation de Pavlos a été de protéger ces amis. Il s’est détaché sur la foule, a regardé les voyous dans les yeux et leur a demandé s’ils avaient le courage de venir un par un. Ils ont préféré s’en remettre à un des leurs, Giorgos Roupakas, pour le poignarder à mort.

Bien que certains essaient de nous faire croire que c’était là un choc des « deux extrêmes », ce sont en fait deux mondes différents qui se sont affrontés dans la nuit. Celui de l’altruisme, du courage et du militantisme de la classe travailleuse telle qu’elle est exprimée par Pavlos Fyssas, et celui de la pourriture des nazis et du système qui les engendre.

D’après deux articles publiés le 25 septembre sur le site www.workersliberty.org

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