Édition du 16 avril 2024

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Syndicalisme

Négos secteur public en santé : Ça passe ou ça casse !

Il ne fait plus aucun doute que les travailleurs·euses du réseau de la santé traversent en ce moment la pire crise de son histoire. Non seulement les conditions de travail se sont considérablement détériorées, mais la qualité des soins elle aussi décline depuis la fusion des établissements de santé et les dernières coupures.

tiré de : Infolettre avril 2019 De Alternative Socialiste

Le réseau a vu bondir une hausse de 24% de demande en assurance-salaire pour cause de maladie. Selon un sondage de la FSSS fait auprès de 13 000 travailleurs·euses du réseau, « 80 % des répondantes rapportent que leur charge de travail s’est alourdie dans les trois dernières années » et « plus du tiers des répondantes se sont absentées du travail au cours des 12 derniers mois en lien avec des manifestations de détresse psychologique. »

Le temps supplémentaire obligatoire (TSO), la pénurie de personnel et le non-remplacement systémique ne font que gonfler la charge de travail créant ainsi un cercle infernal. L’une des causes, c’est évidemment la réforme Barrette, mais également les volontés des différents gouvernements et de l’administration, par la tarification et les coupures, de favoriser encore davantage le privé. Il ne faut pas se mettre la tête dans le sable, les libéraux et la CAQ sont contre l’idée d’un système de santé gratuit, accessible et de qualité.

Gaétan Barrette a imposé sa réforme comme un tyran. Dès la commission parlementaire sur l’adoption de la loi 10, plusieurs groupes et personnalités sont intervenus auprès du ministre en affirmant que cette réforme causerait des torts irréparables. Ce dernier a joué à l’autruche et a même eu l’arrogance de prétendre dans les médias à cette époque que personne ne s’était opposé à cette réforme. Le ministre s’est arrogé des pouvoirs et les a concentrés dans ses mains comme lorsqu’il a aboli le commissaire à la santé en mars 2018. Depuis, c’est le ministre lui-même qui « s’auto-critiquera » sur ses politiques en matière de santé. Cette situation reste inchangée avec l’arrivée au pouvoir de la CAQ. Danielle McCann ne fera qu’appliquer, à sa façon, exactement le même programme et n’a aucunement l’intention de défaire cette réforme.

La vraie nature de la CAQ

La CAQ ne va jamais dire clairement qu’elle ne croit pas au réseau public, par peur de perdre un appui important dans la population, mais tout ce qu’elle fait le confirme. Le programme de la CAQ vise exactement le même objectif que les libéraux, soit la création d’un réseau de santé à deux vitesses, l’un pour les riches et un autre pour nous. L’idée de créer des maisons des aînés privées symbolise bien la vision de la CAQ en santé. Elle nous vend le privé comme étant plus efficace, mais oublie de mentionner que les centres d’hébergement privés existent déjà et sont loin d’être des modèles à suivre.

Son projet d’usine unique de préparation alimentaire pour la région de Québec est un autre exemple. Elle démontre le même mépris que Barrette, soit une vision centralisée qui ne tient pas compte des besoins spécifiques des différentes missions des établissements tout en déroulant le tapis rouge pour la privatisation. Encore là, l’idée proposée c’est de faire des économies, mais la question de l’approvisionnement alimentaire externe privé avait été abandonnée au CHUM et au CUSM il y a quelques années précisément parce que cela revenait plus cher. Le cheval de Troie de la privatisation est déjà bien en place, pas seulement au CUSM et au CHUM, mais partout au Québec, tel que les 6 CHSLD privés du Groupe Santé Arbec en Montérégie.

L’idée de favoriser le privé au nom des économies a encore une fois volé en éclat sur la question des PPP (partenariat public-privé). Fin novembre 2018, le Journal de Montréal titre en première page « Les rénovations des méga-hôpitaux en PPP vous coûteront une fortune jusqu’en 2047 ». La seule réponse de McCann a été un mensonge ; soit qu’il « faut qu’on respecte le contrat qui a été signé et on en a pour 25 ans. » C’est faux, il y a une clause dans les contrats qui dit très clairement que nous pouvons résilier le contrat sans pénalités. Étant donné que le CUSM est « la plus grande fraude de l’histoire du Canada » pour l’UPAC, nous aurions pu le faire depuis des années. Pour le CHUM, il suffit de gratter un peu du côté de l’obtention du contrat et faire l’inventaire des vices de construction. C’est d’ailleurs sur cet enjeu que le Syndicat des employé·e·s du CHUM lutte depuis des années pour « la divulgation de toutes les clauses tenues secrètes entre le CHUM et le consortium privé comme première étape pour la résiliation du contrat en PPP et pour que le CHUM soit 100% propriété publique. »

Cela démontre que tous les beaux slogans de la CAQ, sur le « changement » et contre le « gaspillage des fonds publics », s’effondrent devant le droit de propriété bourgeois. C’est ça la vraie nature de la CAQ, se départir du secteur public pour l’offrir aux compagnies privées. Rien d’autre. C’est à ce type de gouvernement que nous aurons affaire lors de notre prochaine négociation. Il faudra donc très clairement le présenter ainsi.

La meilleure défense, c’est l’attaque !

Devant le saccage du réseau, il est primordial pour les travailleuses et les travailleurs de riposter à ce gouvernement au service des grandes corporations et des lobbyistes de toutes sortes. Les syndicats doivent converger vers une unité syndicale et faire en sorte que rien ne vienne nous diviser. Les guerres de bannières (maraudage) n’intéressent pas les travailleurs et les travailleuses du réseau de la santé qui veulent d’abord améliorer leurs conditions de travail et les services publics.

Depuis les dernières négociations locales, les salarié·e·s ont continué les moyens de pression : manifestation, refus de travail, blocage, etc. Les travailleurs et les travailleuses les mieux organisées de la société veulent en découdre avec cette élite arrogante et assoiffée de profits. Récemment, il y a eu de nombreuses initiatives locales comme des sit-in entrepris par des infirmières à plusieurs endroits au Québec. Le syndicat du CIUSSS de Laval de la 2 et la 3 ont occupé l’entrée des bureaux de l’administration pendant près de 3 mois lors de ces négos locales ! Des exemples comme ça, il y a en eu des dizaines et des dizaines dans la dernière année. La plupart de ces actions ont été menées dans le cadre du renouvellement des conventions collectives locales où les travailleurs·euses n’avaient pas le droit de grève légale, mais donnent un excellent avant-goût de ce que va être la prochaine ronde de négociations pour les conventions collectives nationales.

La grogne est palpable chez les salarié·e·s du réseau de la santé. Menottés par la loi des services essentiels, les syndiqué·e·s devront renouer avec la désobéissance civile si elles veulent vraiment se faire entendre, mais également ne pas hésiter à contourner ces lois répressives par des moyens créatifs tout aussi efficaces. Nous ne pouvons pas sortir sans de lourdes amendes, mais nous pouvons occuper le parlement pendant des mois si nous nous organisons bien ! Il faut s’attaquer aux privilégiés tels que les compagnies pharmaceutiques, les entreprises privées qui ont fait de juteux profits grâce à la privatisation, les médecins spécialistes, le ministère de la Santé et les hauts cadres du réseau.

La grève restera toujours notre meilleure arme. Alliant grève et désobéissance civile, il est possible de déstabiliser le patronat. Dans nos actions, nous devons exiger l’abolition de la loi 160 et faire de ces négociations non seulement une grève pour les services publics, mais également en faire un symbole pour le respect du droit de grève pour l’ensemble de la classe ouvrière.

L’espoir est dans les syndicats locaux et à l’unité

Les bureaucrates syndicaux plutôt que de combattre les différentes politiques des gouvernements pour nous diviser s’y sont adaptés. L’alliance de l’APTS et de la FIQ en est le meilleur exemple. Est-ce que le SCFP va se rallier à eux pour marauder la FSSS ? Nous ne le savons pas encore, mais s’ils le font toute tentative dans ce sens devrait être dénoncée en nommant les choses comme elles se doivent « traître à la classe » (l’inverse est aussi vrai). Que les professionnelles décident de faire cavalier seul ce n’est pas nouveau, mais que des gens de la même catégorie se combattent, c’est impardonnable. Le réseau de la santé publique s’écroule, ce n’est pas le temps de se chamailler entre nous. De plus, ce gouvernement n’a presque aucune expérience pour une négociation de cette ampleur, nous devons en profiter.

Ce n’est pas parce que les directions sont prêtent à accepter n’importent quoi qui n’attaque pas leurs privilèges qu’il faut oublier que plusieurs milliers de travailleurs.euses de ces syndicats veulent réellement défendre et améliorer le système de santé publique. Les structures sont tellement grandes qu’une proportion importante de travailleurs.euses accorde peu d’importance à leurs affiliations syndicales. Notre rôle en tant que socialiste est d’organiser les luttes le plus largement possible sans distinctions. Si l’ennemi est le même, nous devons nous unir pour le combattre.

Pour gagner et éviter d’être piégés par nos directions respectives, encore une fois, nous devons être solidement organisés localement. La création de comités d’actions intersyndicaux et d’assemblées intersyndicales d’organisation serait un bon moyen pour canaliser l’énergie des militant·e·s à la base. Ne comptons que sur nos propres moyens et investissons nos syndicats locaux et créons nos comités d’actions !

Pour un gouvernement des travailleurs·euses ! Remplaçons les bandits à cravates par des gens comme nous !

 L’entrée en action prochainement d’un demi-million de travailleurs·euses du secteur public a le potentiel pour fédérer l’ensemble des secteurs de la société en lutte contre l’austérité et de poser clairement la question suivante : Qui doit gouverner la société ? Les travailleurs·euses ou des banquiers, des avocats, des business man et des médecins ?

Partout à travers le monde, la classe des travailleuses et des travailleurs remet en question le capitalisme. Les salarié·e·s québécois·e·s ne sont pas en dehors du débat. La colère des gilets jaunes en France est également notre colère.

L’objectif du syndicalisme est l’amélioration des conditions de vie de la majorité laborieuse, mais pour en finir avec ces attaques incessantes, il faut renverser la bourgeoisie et construire une société socialiste où se sont ceux et celles qui travaillent qui déterminent les priorités de la société et non une minorité possédante.

Alternative socialiste lutte :

• Pour la bonification et l’amélioration de tous les congés sociaux et d’études.

• Pour une cinquième semaine de vacances supplémentaires dès 5 ans.

• Pour la rémunération de tous les stages et le droit à la syndicalisation des stagiaires.

• Pour une retraite sans pénalités après 30 ans de services.

• Pour l’indexation automatique de nos salaires en fonction du coût de la vie.

• Pour un plancher d’emploi déterminé en fonction des besoins et non des budgets des établissements.

• Pour l’expropriation des GMF et sa prise en charge par les communautés.

• Pour la nationalisation sous contrôle démocratique des compagnies pharmaceutiques et la création d’une assurance médicaments 100% publique.

• Pour un système de santé gratuit, de qualité, accessible et démocratique.

• Pour des comités d’actions intersyndicaux implantés localement.

• Pour des actions de perturbations économiques et des grèves qui ont un impact sur la minorité possédante ! Nous ne voulons plus simplement faire des actions de visibilité !

• Pour des négos du public, PUBLIC ! Les travailleurs·euses de la santé paient avec ses cotisations ses dirigeant.es syndicaux et par ses impôts le gouvernement. Il n’y a aucune raison pour que ses négociations se fassent derrière des portes closes.• Pour un gouvernement des travailleurs·euses élu·e·s et révocables ! Remplaçons les bandits à cravates par des gens de notre classe !

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