Édition du 30 avril 2024

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Europe

Pays-Basque : la nouvelle donne

L’ETA vient d’annoncer qu’elle cessait toute action armée. Il appartient dorénavant aux gouvernements français et espagnol d’arrêter la répression à l’encontre des militants basques.

Bien qu’attendue, l’annonce par l’ETA, le 20 octobre, de «  l’arrêt définitif de son activité armée  » a été caractérisée par la plupart des médias et des commentateurs comme une décision historique.

Elle fait suite à une conférence internationale qui a eu lieu le 17 octobre à Donostia (Saint-Sébastien), au Pays basque, dans l’État espagnol. Étaient présents des personnalités politiques comme Jonathan Powell (ancien chef de cabinet de Tony Blair, il participa au processus en Irlande du Nord), Koffi Annan (ancien secrétaire général de l’ONU), Pierre Joxe (PS, ancien ministre de l’Intérieur, de la Défense et de l’Industrie), de nombreux membres d’organisations politiques et syndicales du Pays basque Sud et du Pays basque Nord (du PS à l’UMP en passant par le Modem, en plus des différents courants abertzale).

La journée s’est conclue par une déclaration invitant en particulier «  l’ETA à déclarer publiquement l’arrêt définitif de toute action armée et à solliciter le dialogue avec les gouvernements d’Espagne et de France…  », encourageant «  vivement les gouvernements d’Espagne et de France à bien l’accueillir et à consentir à l’ouverture d’un dialogue traitant exclusivement des conséquences du conflit  » et suggérant que «  les représentants politiques et acteurs non violents se rencontrent pour discuter des questions politiques et, en consultation avec la population, de tout autre sujet qui pourrait contribuer à créer une nouvelle ère pacifique  ».

Cette conférence est politiquement très importante car elle donne un cadre pour un règlement du conflit, tout en portant la question sur la scène publique internationale. Sa première demande envers l’ETA est aujourd’hui satisfaite. La balle est maintenant dans le camp des gouvernements espagnol et français.

Nouvelle période

Une nouvelle période s’ouvre en Pays basque, préparée en fait par l’évolution politique de la gauche indépendantiste. C’est en effet dès le 14 novembre 2009 qu’elle s’est engagée publiquement (déclaration d’Altsasu) à utiliser exclusivement «  des voies pacifiques, politiques et démocratiques  ». L’accord de Guernica/Gernika, signé par nombre de partis, syndicats, associations du Pays basque, le 25 septembre 2010, a suivi  : il demande à l’ETA et aux gouvernements «  de prendre les décisions et les initiatives qui permettront la mise en place d’un processus non violent avec des garanties et la normalisation politique progressive  »  ; le collectif des prisonniers politiques basques a lui-même récemment signé cet accord. De son côté, l’ETA a annoncé le 10 janvier 2011 «  un cessez-le-feu permanent, général et vérifiable par la communauté internationale  ».

La répression continue

Mais ces prises de position et décisions en faveur d’une solution négociée du conflit restent unilatérales. À ce jour, les gouvernements espagnol et français n’ont pas donné l’ombre d’un signe indiquant leur volonté d’aller dans le sens de la discussion et de la négociation. Pire, ils maintiennent voire accentuent la répression. Au Pays basque Sud, les arrestations de militantEs basques se poursuivent et la torture reste pratiquée par la police  ; Sortu, la nouvelle organisation de la gauche indépendantiste, n’est toujours pas légalisée.

Au Pays basque Nord, l’État français renvoie à Madrid les militantEs basques du Sud réfugiéEs en France en validant les mandats d’arrêt européens émis par l’Audiencia Nacional  ; la police française peut arrêter Aurore Martin, victime de nationalité française du mandat d’arrêt européen, à n’importe quel moment et la remettre aux autorités espagnoles. Plus de 700 militantEs basques sont emprisonnéEs (dont 139 en France), souvent dans des conditions très dures.

Alors, plus que jamais, l’heure est à la mobilisation pour obliger les États espagnol et français à faire immédiatement des gestes significatifs et aller vers la résolution politique du conflit. Le rapprochement immédiat des prisonniers basques, demandé par les familles et les organisations, est un premier pas vers l’amnistie qui doit être générale et sans condition. Il faut en terminer avec les juridictions d’exception, avec les illégalisations, comme avec le mandat d’arrêt européen, sinon… comment discuter d’une solution politique  ?

La question de fond au Pays basque est celle de l’autodétermination, c’est-à-dire du droit du peuple basque à décider de son destin  ; le débat politique et démocratique mettra vraisemblablement sur la table différentes options (le statu quo, plus – ou moins – d’autonomie, l’indépendance etc.). C’est la consultation de la population qui permettra de trancher. Ce ne sera ni simple ni rapide mais c’est la seule voie qu’impose la démocratie.

Rappelons que la trêve de l’ETA en 1998 avait libéré le mouvement social et que s’étaient multipliées grèves et manifestations, en particulier sur les salaires et la réduction du temps de travail. Aujourd’hui, au Pays basque comme ailleurs, le monde du travail supporte la crise du système capitaliste et les mesures d’austérité, particulièrement dures dans l’État espagnol. Si le contexte nouveau qui s’ouvre en Pays basque facilite les luttes et les résistances sociales, ce ne sera pas la moindre de ses conséquences positives  !

* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 121 (27/10/11).

Claude Larrieu

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