Édition du 23 avril 2024

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Santé

Lettre ouverte au ministre de la Santé

Pour une justice sociale, fiscale et budgétaire

Monsieur le ministre,

Dans le cadre des consultations pré-budgétaires du gouvernement du Québec, la Coalition solidarité santé vous soumet les idées suivantes pour permettre qu’un réel redressement des finances publiques s’opère et que notre société québécoise puisse conjuguer justice sociale, fiscale et budgétaire.

Tout d’abord, concernant le régime d’assurance médicaments : un seul régime universellement public, en lieu et place du régime hybride public-privé actuel, augmenterait le pouvoir du gouvernement dans l’achat de médicaments aux pharmaceutiques. Jumelé à une politique du médicament, cela permettrait de mieux en contrôler les coûts. Tel que démontré par le chercheur Marc-André Gagnon, on parle ici d’économies pouvant atteindre un milliard de $ annuellement.

Toujours pour gérer avec efficacité et efficience notre bien commun, nous demandons que le gouvernement réduise la sous-traitance et cesse la privatisation de nos services publics. Les services assumés par le secteur public nous sont rendus au prix coûtant, alors qu’avec le privé, nous devons payer en plus le profit qu’il veut engranger. À prix égal, la qualité ou la quantité des services rendus par le privé sera moindre, ou il rognera sur les salaires et les conditions de travail de ses employé-e-s. Et la pratique a démontré qu’il fera les deux… et augmentera quand même ses prix ! Il en va de même du financement pour la réalisation des services. Nous référons ici au mode en PPP. Comme le disait Pierre Hamel, professeur à l’INRS : « La plus grosse entreprise privée du monde va emprunter à un taux plus élevé que la plus petite municipalité du Québec. Quand c’est un privé qui finance, ça coûte plus cher ! » En décembre dernier, la FSSS-CSN soulignait l’impact à la hausse de ce mode sur les coûts de construction du CHUM (+ 385%) et du CUSM (+ 290%). Même le Vérificateur général s’en est inquiété. Le gouvernement doit mettre fin à ces pratiques dans les meilleurs délais.

Sur le moyen le plus équitable de contribuer au bien commun, nous voulons rappeler que ce n’est pas l’utilisateur-payeur qui remplit ce rôle mais bien la contribution en fonction de la capacité de payer, soit l’impôt progressif sur les revenus. Et sur tous les revenus : dividendes et gains en capital, revenus des individus et des entreprises, incluant les financières. Cela signifie que les tarifications appliquées de plus en plus dans les services publics doivent être bannies définitivement et remplacées par l’ajout de paliers supplémentaires d’impôts aux mieux nantis, individus et entreprises. Plus particulièrement, nous vous demandons de rappeler votre première proposition d’abolition de la taxe santé, qui la remplaçait par une augmentation des taux d’imposition pour les contribuables qui gagnent plus de 130 000 $ et en taxant davantage les gains en capital et les dividendes.

Toujours à la poursuite de notre bien commun, nous vous invitons à revoir les choix fiscaux :
  en réinstaurant plus de progressivité dans l’impôt des particuliers ;
  en rétablissant un équilibre entre les impôts des particuliers et les impôts des entreprises ;
  et en luttant contre la fraude : la corruption, bien sûr, mais aussi l’évitement fiscal et l’évasion fiscale.
À cet effet, nous vous référons aux propositions de la Coalition opposée à la tarification et la privatisation des services publics. Il y a là plusieurs milliards de dollars pour non seulement éliminer notre déficit et réduire notre dette, mais pour consolider également notre bien commun.

Parlant de bien commun, nous vous demandons que le présent budget rende concret l’engagement qu’a pris l’automne dernier votre gouvernement de hausser le financement des organisations communautaires en SSS de 120 millions de $ sur 3 ans. Mais, du même souffle, nous vous rappelons que votre promesse n’est pas à la hauteur de leurs besoins qui se chiffrent plutôt à 225 millions $ par année. L’impact de leur travail auprès de la population n’est plus à faire. Il ne vous reste maintenant qu’à le reconnaître à sa juste valeur.

Enfin, l’assurance autonomie qu’on nous promet pour 2015 ne doit pas échapper aux recommandations précédentes. L’exemple malheureux de l’Isle-Verte devrait particulièrement nous guider dans cette réorganisation des services et des soins par l’application du principe de précaution envers les personnes en perte d’autonomie et les personnes handicapées : les soins et services doivent être publics, gratuits à l’usage, et financés par les impôts des particuliers et des entreprises. Comme l’a si bien dit le Ministre Hébert à Paul Arcand ce matin : « Lorsqu’on laisse introduire du privé de plus en plus, ça coûte de plus en plus cher au contribuable. » Quant à l’idée d’une caisse autonomie, séparée des budgets de la santé et évoquée comme moyen de protéger les budgets, plusieurs d’entre nous craignent plutôt qu’elle puisse être utilisée pour limiter les services par rapport aux besoins, et ainsi forcer les gens à aller vers le privé, ou à s’en priver !

En terminant, Monsieur le ministre, des économistes et des chroniqueurs ont exprimé récemment que nos finances publiques vont frapper un mur si nous ne changeons pas nos façons de faire. Nous sommes d’accord avec cette affirmation. En effet, les dernières années ont vu les budgets de tous les gouvernements à Québec et à Ottawa donner la préférence aux mesures d’austérité de réduction des programmes sociaux et des impôts des plus hauts revenus et des entreprises privées et financières, avec le résultat désastreux que nous pouvons voir sur nos finances publiques.

Il est effectivement temps de changer nos façons de faire.

Jacques Benoit
Coordonnateur
Coalition solidarité santé
31 janvier 2014.

Jacques Benoit

Coordonnateur de la Coalition solidarité santé.

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