Édition du 16 avril 2024

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Le Monde

Que penser des rumeurs de guerre ?

Selon les grands titres et les derniers "tweets", un jour la guerre est imminente, le lendemain les tensions s’apaisent. La confusion règne. Suite aux aventures désastreuses en Irak et en Afghanistan, les États-Unis veulent-il vraiment repartir en guerre ? La population américaine, quant à elle, ne veut sûrement pas la guerre nulle part.

Par Félix Deschênes-Boivin

Un regard sur les multiples fronts où opère l’impérialisme américain (en particulier au Moyen-Orient, en Amérique Latine, et la confrontation montante avec la Chine) permet de mettre en évidence l’importance stratégique des sanctions économiques ; leur ampleur varie selon les situations et peut aller jusqu’à l’embargo total contre un pays.

LES SANCTIONS ÉCONOMIQUES AFFECTENT LA VIE DE MILLIONS DE LATINOS ET DE LATINAS

Les sanctions économiques contre les 2 pays, Cuba et le Venezuela, qui n’obéissent pas, sont cruelles. Un économiste d’envergure internationale, Jeffrey Sachs, estime à 40,000 les morts en excès au Vénézuela dues aux sanction économiques (1). La réimposition par Trump des sanctions économiques contre Cuba rend aussi la vie plus dure pour le peuple cubain.

Le vil calcul électoraliste qui fait souffrir le Venezuela et Cuba vise à renforcer l’exil de la droite vers la Floride pour qu’elle appuie les Républicains dont la mince majorité est menacée par l’afflux des Portoricains qui fuient leur pays à cause des ouragans induits par les changements climatiques.

Pourtant, l’impérialisme américain n’a pas besoin, dans sa logique intrinsèque, d’agir ainsi. Le Venezuela n’est pas une "menace révolutionnaire", ni Cuba, ni le Nicaragua compte tenu de sa misérable condition présente.

La véritable menace actuelle vient du danger de guerre civile au Venezuela à l’instigation même des USA. Ce cauchemar provoquerait une nouvelle vague de réfugié.e.s qui se dirigerait vers les pays limitrophes notamment vers la Colombie, une situation qui rallumerait la guerre civile dans ce pays.

Alors qu’à Washington c’est le mépris cynique pour la vie de millions de Latinos et de Latinas, d’autres pays (le Mexique et l’Uruguay) défient pourtant les ordres des USA en essayant de négocier une solution politique au Venezuela.

TRUMP VEUT-IL S’ENGAGER DANS UNE AUTRE GUERRE AU MOYEN-ORIENT ?

"En ce moment, le gouvernement américain détruit l’économie iranienne par des sanctions économiques restreignant l’accès de la population à la nourriture et aux médicaments, encercle l’Iran de bases militaires et de forces armées à la fois terrestres, maritimes et aériennes. Pour sa part, l’Iran ne fait rien de comparable avec les États-Unis" (2). Si on fie à l’exemple de l’Irak, les sanctions économiques ne sont pas un substitut à la guerre, mais bien des préparatifs de guerre. La campagne actuelle pour étrangler l’Iran économiquement, et son industrie pétrolière, menace de déclencher la prochaine conflagration au Moyen-Orient.

Quand le secrétaire d’État américain Pompeo a menacé de "réduire à zéro les exportations de pétrole iranien", c’était dans le but de provoquer le régime iranien, ce qui lui fournirait un prétexte pour l’attaquer. La menace de représailles contre des pays ou des banques qui font affaire avec l’Iran est une autre tentative de l’impérialisme américain de montrer que c’est lui qui dirige la planète

Les USA ne semblent néanmoins pas vouloir de guerre avec l’Iran présentement. En faisant campagne contre l’Iran (sans parler d’autres initiatives dans la région), les États-Unis essaient plutôt de restaurer leur domination perdue suite aux guerres en Irak et en Syrie.

Les provocations de l’administration Trump seront-elle suivies d’une guerre ? C’est une faible probabilité mais qui comporte de possibles conséquences inimaginables à moins qu’on applique les freins une fois la dynamique enclenchée

Une attaque contre l’Iran provoquerait : 1. une escalade génocidaire de la guerre au Yémen menée par l’Arabie saoudite et soutenue par les Américains ; 2. la violente déstabilisation de l’Irak pousserait les forces américaines exposées à attaquer, créant les conditions pour la réincarnation de "l’État islamique" ; 3. Israël attaquant les forces pro-iraniennes du Hezbollah ; ou si le régime iranien se sent acculé au pied du mur, il pourrait donner son autorisation à la branche armée du Hezbollah de viser des cibles en Israël ; 3. ce qui amènerait en retour les éléments nationalistes extrêmes en Israël et sa droite religieuse (qui sont en partie seulement contrôlés par le gouvernement et par l’armée) à expulser les Palestiniens.nes des territoires occupés et en profiter pour liquider définitivement la lutte des Palestinien.nes pour leur auto-détermination.

Ce sont des scénarios extrêmes. Le monde voudrait-il si s’y risquer ?

LES TENSIONS AVEC LA CHINE (3)

La confrontation rapide et grandissante avec la Chine est un conflit politico-économique qui pose une menace à l’hégémonie mondiale des USA.

Au XXe siècle, au cours des 2 Guerres mondiales, les États-Unis ont supplanté l’Angleterre, la France et d’autres pays européens pour devenir la superpuissance de l’impérialisme capitaliste. Aujourd’hui, la Chine pose un défi aux USA pour la domination de la planète.

Pendant des générations, les États-Unis ont utilisé leur technologie et leur suprématie militaire pour dominer la région de l’Asie du Pacifique, cherchant à contrôler les frontières de la Chine aux prises avec de puissants voisins hostiles, notamment l’Inde. Il n’y a pas seulement une rivalité commerciale et technologique mais aussi potentiellement militaire entre la Chine et les États-Unis et pas uniquement en mer de Chine du Sud.

Le secrétaire d’État américain Pompeo a affirmé que la fonte rapide de la glace en Arctique ouvrait de grandes opportunités de navigation et d’extraction de ressources qui s’y trouve ; ressources que les États-Unis étaient déterminés à exploiter et à protéger par des moyens militaires aussi bien que commerciaux. La Chine et la Russie ont aussi les yeux rivés sur les mêmes ressources. Se faisant, Pompeo célèbre les changements climatiques qui détruisent l’agriculture de base des pays latino-américains, accélérant ainsi l’exode de ces populations vers le Nord où les attendent les centres de détention de Trump destinés à l’immigration.

CONCLUSION

Le 21 juillet 1969, l’Américain Neil Armstrong posait les 1ers pas de l’homme sur la Lune. Il y a 50 ans, la course vers la Lune permettait aux USA de développer les technologies essentielles à l’affrontement nucléaire avec la Russie. Les missions Apollo ont coûté l’équivalent de 290 milliards US aujourd’hui, de quoi satisfaire les besoins de base d’une grande partie de la population mondiale, mais les décideurs avaient d’autres priorités.

Aujourd’hui, plusieurs grandes puissances se préparent à retourner sur la Lune comme plate-forme vers Mars... et continuent de développer et de moderniser leur arsenal. Après 6 mois de dialogue de sourds et d’accusations mutuelles, le Traité de désarmement INF (portant sur les forces nucléaires à portée intermédiaire) entre la Russie et les États-Unis vient tout juste d’arriver à expiration le 2 août 2019, laissant entrevoir une nouvelle course aux armements. Le secrétaire de l’ONU, Antonio Guterres : "Le monde va perdre un outil précieux contre la guerre nucléaire" (4)

L’urgente nécessité d’un mouvement anti-guerre enraciné à la base et celle d’un grand mouvement écologique n’a jamais été aussi impérative. Bientôt, quand la température de la planète atteindra les 2 degrés, il sera trop tard pour stopper le désastre induit par le basculement irréversible. Les mobilisations de masse populaires peuvent cependant permettre des avancées significatives qui paveront la voie à la transition énergétique.

La croissance des partis Verts en Europe (même s’ils sont capitalistes) signale l’éveil d’une conscience écologique dans les populations, les grèves étudiantes contre l’inaction des gouvernements et des grandes compagnies en matière climatique, de même qu’un renouveau du militantisme socialiste aux États-Unis sont des motifs d’espérer.

Au niveau mondial, la convergence d’un éventuel mouvement anti-guerre avec le mouvement écologique naissant actuel pourrait contribuer à changer le cours des événements.

NOTES

1. L’écriture de ce texte s’inspire de "How Many More Wars", Against the Current Editors, paru le 4 juillet 2019, sur le site "International Viewpoint".

2. Gregory Shupak, "Creating a climate for war with Iran", cité dans "Si tu veux la guerre, prépare la guerre", par Serge Halami et Pierre Rimbert, Le Monde diplomatique, août 2019, page 22.

3. Pour une évaluation plus nuancée, voire contradictoire, des véritables ambitions de la Chine : 1. Chine. Ascension en tant que puissance mondiale, entretien avec Au Loong Yu, membre du Conseil éditorial de China Labor net et du Globalisation Monitor basés à Hong Kong, paru dans Inprecor, no 662-663, avril-mai 2019 ; 2 . , par Magdaline Boutros, Le Devoir, 10 août 2019.

4. Le Devoir, 3-4 août 2019, B5.

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