Édition du 10 décembre 2024

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Québec

Québec solidaire : Se donner les statuts d’un Parti enraciné dans les luttes sociales

Nous présentons dans une première contribution, des statuts qui favorisent les débats les plus démocratiques et l’action la plus unitaire et solidaire pour un parti qui veut renforcer le camp populaire. Nous reviendrons dans une seconde contribution sur une évaluation des réformes proposées aux statuts et avancerons des propositions plus précises pour alimenter la discussion ouverte dans Québec solidaire qui doit se conclure lors du congrès qui se tiendra les 15, 16 et 17 novembre prochain.

Dans ce texte nous nous concentrerons sur les objectifs de la réforme des statuts qui sont présentés comme suit :

« 1) Se doter de statuts favorisant notre implantation et notre croissance sur l’ensemble du territoire ;
2) Se doter de statuts favorisant une direction fonctionnelle dans le contexte de croissance du parti ;
3) Se doter de statuts favorisant et facilitant l’engagement politique des membres ;
4) Se doter de statuts donnant davantage de pouvoir décisionnel directement aux membres ;
5) Se doter de statuts favorisant l’inclusion et la juste représentation de toutes les diversités au sein de Québec solidaire. »

Ces propositions ne se basent pas sur un bilan le moindrement étoffé et les propositions plus concrètes sont suggérées comme des avenues possibles. Les lacunes du Cahier de propositions risquent de déboucher sur des discussions abstraites, esquivant les bilans concrets et risquant d’éviter les débats sur plusieurs aspects de la vie du parti qui ont été contestés par ses militantes et militants :
• Le peu de préoccupation accordée à l’enracinement dans différents secteurs sociaux – chez les travailleurs et travailleuses, dans le milieu étudiant, parmi les secteurs racisés de la population,
• la politique de communication essentiellement verticaliste,
• le fonctionnement du parti ne plaçant pas la démocratie participative au service de l’action politique du parti [2],
• le dépérissement de la place attribuée à la formation politique,
• la centralisation de la capacité de décision et d’initiative dans la direction du parti, allant de la détermination des campagnes au choix des candidatures,
• l’autonomisation de l’aile parlementaire,
• les difficultés de maintenir la parité hommes femmes et celles rencontrées avec les militant-es issu-es de la diversité,
• la place amoindrie accordée à la porte-parole femme comme symptôme de la mise de côté de l’importance du féminisme,
• la difficulté d’appliquer, dans le travail électoral, le travail d’équipe, pour faciliter l’intégration et la place des femmes, des personnes d’autres identités de genre et des personnes racisées en politique, laissant libre cours aux comportements machistes, aux attitudes de petit coq et à l’attachement au pouvoir manifesté par certains membres des instances.

Bilan et perspectives pour dépasser les problèmes politico-organisationnels identifiés

Nous voulons préciser ces points du bilan de notre fonctionnement politico-organisationnel et esquisser des pistes de modification des statuts visant à nous aider à dépasser les problèmes rencontrés jusqu’ici.

1. Un sous-développement du parti de la rue et la nécessité d’une politique d’enracinement dans les classes ouvrières et populaires et dans les différentes régions

S’il est important de viser une présence effective sur l’ensemble du territoire du Québec, nous ne pouvons limiter la question de notre implantation à la seule dimension territoriale. Il faut également poser la question de l’enracinement dans les différents secteurs sociaux : milieux de travail (syndiqués et non syndiqués), milieu étudiant (collégial et universitaire), milieux de la diversité culturelle et de ses organisations, milieux communautaires et environnementaux. Les structures répondant à ces besoins d’enracinement (réseaux militants, associations de campus) sont peu développées et les réseaux n’ont eu que très récemment la possibilité de faire des propositions et d’avoir une délégation dans les différentes instances décisionnelles du parti.

Pour répondre à cette problématique, il convient de :

Introduire à tous les niveaux des structures sectorielles ayant des pouvoirs de recrutement, de proposition et de délégation afin de faciliter l’enracinement du parti dans différents secteurs de la majorité populaire et de pouvoir construire le parti de la rue. Cela passera par la construction de structures sectorielles, par leur financement et par la facilitation de candidatures provenant des milieux militants.

2. Surmonter une communication centralisée et verticaliste en maximisant la participation des membres aux différentes prises de parole et la communication horizontale entre les militant-es de différentes régions et de différents secteurs.

Le site reflète bien le verticalisme de la communication au sein de QS. En première page, nous retrouvons essentiellement les communiqués des porte-paroles et de l’équipe parlementaire. Les expériences et les bons coups réalisés par des militant-es de différentes régions ou de différents secteurs du parti ne sont pas facilement accessibles. À l’interne, nous ne recevons les prises de position des associations qu’au dernier moment de la discussion sans pouvoir faire les échanges préalables entre les régions. On constate également l’absence d’appel aux contributions des membres à notre politique de communication.

Pour favoriser et faciliter l’engagement politique des membres, il faut d’abord permettre leur prise de parole sur une base régulière et systématique, que ce soit dans la vie interne du parti ou sur la scène publique. Pour répondre à cette problématique, on pourrait :

• Favoriser les échanges entre les membres en organisant la circulation horizontale des informations tant en ce qui concerne les différentes initiatives et réussites des membres de différentes régions et secteurs sociaux qu’au niveau des débats, pour renforcer le partage des idées et initiatives,
• Diffuser des analyses portant sur la situation économique, politique et sociale au Québec, sur les luttes des mouvements sociaux (syndical, féministe, populaire, étudiant, écologiste, antiraciste et de solidarité internationale…) et chercher pour ce faire à impliquer les militant-es.

3. Réviser les formes de délibération et les types de délégation pour qu’ils puissent donner davantage de pouvoir directement aux membres

Les débats sur l’évaluation de la situation politique et sur les enjeux stratégiques des différents mouvements sociaux tendent à être remplacés par des discussions sur des amendements pointus. Les différentes sensibilités politiques ne sont pas représentées dans les délégations au sein des différentes instances de débats alors que plusieurs courants politiques sont présents dans les bases militantes. Les procédures encadrant nos débats doivent être revues pour favoriser le pouvoir de décision des membres. Les pistes suivantes pourraient nous aider à concrétiser ces objectifs :

• Impliquer les membres dans l’élaboration de l’analyse de la conjoncture et des stratégies et des campagnes du parti ; leur accorder des échéances leur permettant de véritables discussions en profondeur et faciliter le partage horizontal des positions entre les différentes instances locales et sectorielles ; instaurer des élections à la proportionnelle de votes obtenus sur les questions d’orientation afin que les différentes sensibilités et courants présents dans le parti soient représentés dans les instances de débats et dans les instances de direction.

4. En finir avec le recul de l’importance accordée à la formation politique en enrichissant la formation et l’éducation politique des membres afin de permettre une appropriation des enjeux historiques et sociopolitiques au Québec, au Canada et dans le monde

Durant les premières années de la vie de Québec solidaire, la formation politique des membres, notamment par la préparation de camps, occupait une place importante. Les formations sont devenues plus techniques et pratiques. La responsabilité de la formation a été confiée à une seule personne au lieu d’établir une équipe du parti responsable au niveau national et ayant des relais dans les différentes régions du Québec. Des plans nationaux de formation ne sont pas soumis à la discussion. La formation politique est nécessaire pour renforcer l’unité du parti et la capacité d’intervention de ses membres sur différents sujets.

L’engagement politique des membres passe par le renforcement de la formation. C’est pourquoi il est important de :

• Définir un plan de formation et en confier la réalisation à une équipe de formation, chercher à identifier des membres engagé-es dans ce travail et préciser les modalités de cette formation (camps, écoles, publications, etc.)

5. La défense de la démocratie dans le parti passe par le refus d’un fonctionnement essentiellement centralisé

Nous avons assisté ces dernières années à une centralisation du parti à tous les niveaux : concentration des moyens financiers, centralisation des choix de communication, instrumentalisation des instances régionales et locales, maintien de la marginalisation des réseaux militants, etc.
Pour réaliser une démocratie solidaire véritable, une décentralisation s’avère nécessaire. Les statuts devraient permettre de :

• Impliquer les membres dans l’élaboration des stratégies et des campagnes du parti et élargir le nombre de militant-es pouvant parler pour le parti ; libérer les capacités d’initiatives et de propositions des structures régionales du parti ; fournir des moyens financiers aux associations locales et aux réseaux militants pour leur permettre de se construire et d’agir ; renforcer les capacités d’initiatives des instances régionales concernant les campagnes, la formation des membres et le choix des candidatures afin de favoriser la parité.

6. Reconnaître les pressions sociales allant à l’encontre de notre fonctionnement égalitaire et mieux définir notre volonté politique et les mécanismes permettant de la concrétiser.

La défense d’un fonctionnement permettant l’égalité des femmes et l’intégration de différentes composantes de la diversité fait l’objet de pressions constantes allant à l’encontre de cet objectif. Les statuts balisent déjà cette volonté politique. Mais le recul de la parité constaté aux dernières élections nécessite de renforcer cette volonté et les mécanismes qui permettent de la concrétiser.

• Définir des mécanismes renforçant notre vigilance face aux pressions sociales remettant en question le caractère féministe, antiraciste et anticapacitiste du parti que ce soit au niveau du choix des candidatures et de la défense de la parité, au niveau de la priorité donnée à la lutte antipatriarcale dans les plates-formes du parti ou au niveau d’un fonctionnement antiraciste et anti-capacitiste

7. L’autonomisation du travail de l’aile parlementaire et les moyens d’une meilleure articulation de ce travail à l’ensemble du parti

Le rapport du travail de l’aile parlementaire se limite le plus souvent à un rapport de fin de session qui décrit l’ampleur du travail abattu. Mais ce travail ne fait pas l’objet de discussion et de bilan véritable dans les instances du parti en ce qui concerne les choix politiques faits, les rapports établis avec les mouvements sociaux et les liens avec l’ensemble du parti pour le soutien à sa députation.

Les statuts devraient préciser ce rapport et
• permettre de discuter dans le parti les intentions et politiques gouvernementales, définir les réponses que l’aile parlementaire prévoit apporter et tirer le bilan de l’efficacité de ses réponses suite à une session.

8. Structurer notre travail de contacts internationaux et préciser les moyens organisationnels que l’on se donne pour assurer ces tâches.

Québec solidaire, depuis sa naissance, ne s’est pas donné les moyens politiques et organisationnels d’une véritable politique internationale (contacts, relations soutenues avec différents partis ou groupes), positions claires, définies collectivement par rapport aux enjeux internationaux à une époque où l’ensemble des problématiques économiques, sociales, politiques, sanitaires… prennent d’emblée une dimension internationale. Des initiatives ont été prises par des militant-es mais sans un caractère organique quelconque.

• mettre en place un bureau des relations internationales
• définir une politique claire de développement de rapports internationaux comme étant une tâche essentielle du parti.

Conclusion

Il faudra effectuer ce travail par des propositions concrètes relevant des différentes clauses des statuts et ce, pour le congrès de novembre. Ainsi, nous serons en mesure d’affermir cette orientation politico-organisationnelle face à celle qui est proposée par la direction.

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Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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