Édition du 23 avril 2024

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Asie/Proche-Orient

6 ans après l’incendie de l’usine Tazreen, après le Rana Plaza, les travailleurs du Bangladesh à nouveau condamnés dans des usines dangereuses ?

Le 24 novembre 2018 a marqué le 6ème anniversaire de l’incendie de l’usine Tazreen, survenu en 2012 au Bangladesh, 6 mois avant l’effondrement du Rana Plaza, et dans lequel 112 travailleuses au moins ont péri. Elles y produisaient pour de grandes entreprises multinationales comme Walmart, C&A, El Corte Ingles ou KiK.

tiré de : Entre les lignes et les mots 2019 - 1 - 5 janvier : Notes de lecture, textes et annonce

Alors que les familles et les survivant-e-s commémorent ce triste jour, alors que, 6 mois après, la négligence des acteurs du secteur conduisait au pire accident de toute l’industrie, le Bangladesh se dirige vers une situation dans laquelle les usines de textile pourraient redevenir de véritables pièges pour les travailleurs.

En effet, l’Accord sur la sécurité et les incendies, signé par plus de 200 marques sur la pression de la société civile et des citoyens quelques semaines après le Rana Plaza, et qui a permis de rénover 1600 usines, est menacé de fermeture prématurée, après une décision de la Cour suprême du Bangladesh, sur la plainte d’une usine textile. Si cela se produisait, ce serait un retour en arrière inédit dans la lutte menée ces 5 dernières années pour la protection des droits – ici la sécurité – des travailleurs et cela replongerait le pays dans une situation où les 4 millions de travailleurs du secteur risqueraient leur vie en entrant sur leur lieu de travail.

L’incendie de Tazreen était dû à l’incurie du patron et l’état déplorable de l’usine. Les travailleurs ont été enjoints à ignorer l’alarme incendie. Quand ils ont décidé de fuir, les portes étaient closes, il n’y avait pas de sortie de secours et les fenêtres des étages inférieurs étaient condamnées. Des dizaines de travailleurs sont morts ou lourdement handicapés après avoir sauté des étages supérieurs. Des dizaines d’autres sont morts pris au piège des flammes. Certains n’ont jamais pu être identifiés.

Raju, 18 ans à l’époque et opérateur machine a survécu mais perdu sa mère dans l’incendie : « Il y avait beaucoup de fumée et nous ne pouvions utiliser aucun des escaliers. Je me suis échappé à travers une bouche d’aération puis j’ai sauté sur l’immeuble d’à côté. Je ne sais pas ce qui est arrivé à ma mère. Je ne l’ai pas vue. Tout était noir. »

Depuis 5 ans, l’Accord a permis de réaliser de nombreuses réparations et d’améliorer considérablement la sécurité des usines du pays. Ainsi, en 2013, l’Accord indiquait que 97% des 1 600 usines inspectées n’avaient pas de sorties de secours et 91% pas de système incendie adéquat. 5 ans après, 97% des grillages obstruant les portes ont été ôtés, 74% des systèmes incendie ont été rétablis. Il reste toutefois de nombreuses mises aux normes à mener.

La fermeture prématurée de l’Accord réduirait considérablement les possibilités d’inspecter et de surveiller le programme de rénovation. Elle violerait l’accord passé entre le gouvernement, les multinationales et les syndicats internationaux entérinant que l’initiative demeureraient dans le pays jusqu’à ce que l’État ait la volonté politique et la capacité opérationnelle de prendre le relais – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

La tâche est encore grande pour assurer, à minima, la sécurité des travailleurs qui demeurent par ailleurs parmi les moins payés au monde, sont contraints à des horaires de travail démesurés et subissent une importante répression syndicale. Près de 1 500 usines échappent par exemple à tout contrôle car elles ne produisent pas d’habillement mais des tissus d’ameublement ou des services de teinture. Aujourd’hui, la seule initiative crédible et efficace, transparente et inclusive est l’Accord. Il constitue une mesure essentielle de vigilance pour les multinationales qui se fournissent au Bangladesh, qui devront prouver, le cas échéant, quels mécanismes elles mettent en œuvre pour prévenir les risques d’atteintes à la sécurité des travailleurs. Le collectif Éthique sur l’étiquette appelle les multinationales françaises concernées ou non par l’obligation de vigilance selon la loi française, à peser auprès des acteurs économiques au Bangladesh, et notamment de la puissante fédération BGMEA pour maintenir l’Accord sur le territoire.

Le Collectif Éthique sur l’étiquette et la Clean Clothes Campaign demandent au gouvernement du Bangladesh de protéger les droits de ses travailleurs, comme l’y obligent les textes internationaux, en soutenant l’appel introduit par l’Accord auprès de la Cour suprême pour qu’elle lève l’obligation de cesser ses activités à la fin du mois.

Collectif Éthique sur l’étiquette

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