Édition du 16 avril 2024

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Climat et énergie : le Québec à l’heure de vérité

Pendant que la planète Apple buzz à ses nouveaux gadgets, la planète Terre a une fièvre qui continue d’augmenter sans médecine pour la résorber. Deux récents rapports de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et de PricewaterhouseCooper (PwC) tirent de nouvelles sonnettes d’alarme sur les enjeux climatiques et énergétiques actuels. L’heure de vérité sonne aussi à Québec. À la veille des grandes manifestations et du sommet de New York sur le climat et du dépôt officiel du projet d’oléoduc Énergie Est à l’Office national de l’énergie, les contradictions s’empilent sur le bureau du premier ministre du Québec entre les actions nécessaires pour atténuer les dérèglements climatiques et les intérêts économiques de la pétro-finance.

L’auteur de cet article, Alain Brunel, est directeur climat énergie, Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA).

Soulignons que l’OMM relève, entre 2012 et 2013, le plus fort taux annuel d’augmentation du dioxyde de carbone (CO2) depuis 1984. L’OMM mentionne que « des données préliminaires laissent supposer que cela pourrait être dû à la réduction des quantités de CO2 absorbées par la biosphère terrestre alors que les émissions de ce gaz continuent de croître. » Le méthane (CH4), deuxième gaz à effet de serre en importance, 86 fois plus réchauffant que le CO2 sur une période de 20 ans, a atteint un nouveau pic en 2013 « en raison de l’accroissement des émissions anthropiques. Après une période de stabilisation, la teneur de l’atmosphère en méthane augmente de nouveau depuis 2007. » Inquiétant.

Océans en péril

Au-delà des nombreux phénomènes climatiques extrêmes et records de chaleur survenus en 2013 (dont 51°C au Pakistan !), l’OMM attire l’attention dans son rapport sur le rôle majeur des océans dans le système climatique. Ayant absorbé le quart des émissions mondiales de CO2 depuis le début de l’ère industrielle, ils sont devenus 30% plus acide. Les coraux, crustacés et ptéropodes, en souffrent déjà. Les ptéropodes sont à la base de la pyramide alimentaire des océans. La vie marine est menacée d’effondrement…

Un objectif insuffisant ?

La température planétaire moyenne a augmenté de moins de 1 degré Celsius depuis le début de l’ère industrielle et les effets sont déjà majeurs. L’objectif partagé par la communauté internationale est de limiter le réchauffement moyen global à 2°C d’ici 2100. Mais plusieurs scientifiques, dont le renommé James Hansen, estiment que cet objectif, davantage politique que scientifique, est insuffisant pour « stabiliser les concentrations des gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique », ce qui est « l’objectif ultime » de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques.

Or, la tendance actuelle nous mène vers un réchauffement moyen de 4°C d’ici 2100…

Budget carbone épuisé dans 20 ans !

Pour atteindre l’objectif d’un réchauffement limité à deux degrés d’ici la fin du siècle, le rapport de PwC dit qu’il faudrait décarboner l’économie mondiale à un rythme 5 fois plus rapide que celui de 2013, soit – 6,2% par an jusqu’en 2100. L’intensité carbonique, c’est-à-dire la quantité de carbone émise par million de dollars de production, a quand même globalement décru de – 1,2% en 2013. Mais au rythme actuel, selon les calculs de PwC, le budget carbone total alloué pour limiter le réchauffement à 2 °C sera épuisé en 2034, dans moins de 20 ans…

La somme des engagements internationaux de réduction des GES actuellement sur la table donne une trajectoire aboutissant à 3°C, donc encore loin du compte. Le problème, c’est que plusieurs pays, dont le Canada, ne réalisent pas leurs objectifs annoncés de réduction des GES. D’où en fait une évolution vers un réchauffement de 4°C.

Lueurs d’espoir

Deux lueurs d’espoir sont néanmoins soulignées par le rapport de PwC. Pour la première fois, le groupe des pays émergents, dit E7, décarbone son économie plus vite que le groupe des pays du G7. Deuxièmement, ce phénomène s’appuie sur une croissance très rapide des énergies renouvelables, dont certaines (solaire et éolienne) deviennent compétitives avec les énergies fossiles. Ceci pave la voie à une accélération de leur déploiement sur toute la planète.

Le Canada hors champ

Dans ce portrait, le Canada est hors champ. Un dinosaure à la botte du complexe pétro-financier. S’il a réussi à réduire son intensité carbonique de 2,5% en 2013, grâce notamment à la fermeture des centrales au charbon en Ontario, il ratera son objectif auto proclamé de réduction absolue de 17% des émissions de CO2eq en 2020 par rapport à 2005, en raison essentiellement des sables bitumineux. La production du pétrole bitumineux était de 1,9 millions de barils par jour en 2012. Elle doublerait à 3,8 mb/j en 2022 et augmenterait jusqu’à 5 mb/j en 2030.

L’institut Pembina a calculé que les émissions anticipées de GES des sables bitumineux en 2022 équivaudraient à ajouter plus de 22 millions de voitures sur les routes chaque année. La production envisagée en 2030 ajouterait 94 millions de tonnes de CO2éq annuellement par rapport au total émis en 2012. Ce volume supplémentaire est 20% plus important que les émissions totales de GES du Québec en 2012.

Autrement dit, pour compenser la seule croissance des émissions de GES du pétrole bitumineux prévue en 2030 par rapport à celles de 2012, il faudrait retrancher la totalité des émissions québécoises de 2012, plus 20% !

Le grand écart de Québec

On voit bien que le développement envisagé des sables bitumineux est incompatible avec les exigences de réduction radicale des GES requise par la science. Une réduction qui doit se faire dans le monde entier. Le gouvernement du Québec voudrait bien en même temps diminuer ses GES et profiter de la manne pétrolière. C’est un grand écart impossible à tenir. ­L’oléoduc Énergie Est, s’il était réalisé, entraînerait à lui seul une augmentation des émissions de GES des sables bitumineux de 30 à 32 millions de tonnes par an. Cela représente 40% des émissions québécoises de 2012.

Québec a beau se targuer d’être écouté lorsque son gouvernement se prononce à l’Office national de l’énergie, les émissions de GES que l’oléoduc entraînera en amont et en aval sont un sujet qui a été expressément exclu de ses travaux…

TransCanada voit juste. Grâce à la grande sagesse de la constitution canadienne que nous n’avons pas signée, les vraies affaires : oléoducs, mais aussi rails, aéroports, ports, voies navigables, entre autres, se décident à Ottawa. Quant aux investissements, l’individu « pétromane », la bouche pleine d’argent, pourra toujours se consoler ainsi d’avoir, dans un climat en folie, des cadavres de bélugas plein les bras…

AQLPA

NOTRE MISSION

L‘AQLPA est un regroupement indépendant de personnes physiques et morales travaillant activement à améliorer la qualité de l’atmosphère au Québec. Nous avons pour objectif principal de favoriser la mise en place de solutions concrètes et adaptées à la réalité des besoins des parties prenantes, par l’acquisition de connaissances, l’éducation et la sensibilisation.

Afin de réaliser sa mission, l’AQLPA :

Assure une veille stratégique sur les questions liées à la qualité de l’air, les changements climatiques et les polluants atmosphériques ;
Sensibilise et informe les intervenants du milieu face aux méfaits de ce type de pollution : citoyens, groupes, organismes, industries, commerces et gouvernements ;

Fait la promotion d’idées, de stratégies et de recommandations visant la réduction des polluants ;

Mobilise les intervenants du milieu autour de projets communs et rassembleurs favorisant ainsi une concertation et des échanges constructifs ;

Représente et fait connaître les intérêts, les choix, les préoccupations ou encore les positions des intervenants du milieu auprès des décideurs ;

Collabore à des accords communs ;

Participe activement à tout mandat confié par les différents paliers de gouvernements ;

Élabore un centre de documentation et offre un service de conférences.

NOS VALEURS

Solidarité

Derrière toute décision, il y a des gens ;

Chaque geste, chaque action posée a des impacts sur des milliers d’êtres humains : des voisins, des amis, nos enfants ;

Contribuer à leur bien-être, c’est aussi contribuer au nôtre.

Intégrité

La cohérence entre ce qui est affirmé et ce qui est fait.

Responsabilité

Faire primer le principe de précaution dans certaines circonstances ;

Nécessité dans tous les cas d’agir et de ne plus reporter à demain et/ou balayer aux générations futures.

NOTRE VISION

L’AQLPA est déterminée à demeurer une référence citoyenne incontournable au Québec, en matière d’actions et de solutions, quant aux enjeux liés à la pollution atmosphérique.

L’humain est au cœur de tous les enjeux que nous défendons. La santé est au premier plan.

La pérennité des ressources pour les générations futures doit être défendue.

L’écologie stimule l’économie : protéger l’environnement crée des emplois.

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