Déjà quand ont commencé les discussions au sein des gens qui se reconnaissaient à gauche du spectre politique, on observait un « vide politique laissé par le PQ » sur sa gauche. Un thème nouveau de débats était à l’ordre du jour : la lutte contre le sectarisme malsain qui s’était manifesté parmi les marxistes-léninistes. Les vives discussions entre différentes chapelles ont abouti à l’échec et le mouvement a éclaté sous le poids de ses contradictions internes non sans laisser derrière lui une immense déception devant le projet révolutionnaire et ses embuches.
Le débat a évolué vers la mise sur pied d’une organisation qui répondait aux appels et à la recherche d’une « alternative politique » au sein de la CSN, entre autre. C’est donc que déjà plusieurs personnes avaient abandonné l’idée de voter pour « le moins pire » et qu’ils envisageaient même de contribuer à créer une organisation singulière s’identifiant comme eux à la gauche authentique.
C’est donc à l’aboutissement de ce projet qu’on a vu apparaître l’accusation de la division du vote. Mais une bonne partie de l’électorat traditionnel du PQ avait déjà de sérieux doutes quant à l’allégeance à ce parti envers lequel ils n’entretenaient plus de préjugés favorables.
La division du vote existait donc bien avant la création de Québec solidaire. La mise sur pied de ce parti répondait plutôt aux inquiétudes de voir une organisation de gauche répondre aux différentes attentes d’électeurs déçus du virage à droite du PQ. L’accusation est restée, mais devant la prétention du PQ d’avoir le monopole sur la question nationale et de n’envisager, sans concession, que sa seule prise du pouvoir autoriserait l’accession à l’indépendance, bien des gens se sont avoués ne pas être d’accord et se sont mis à la recherche de cette alternative que commandait l’apparition de conséquences désastreuses des politiques néolibérales pour la population. On ne pouvait convenir que le vote de quiconque puisse appuyer ces manifestations politiques d’un conservatisme qui n’en portait pas le nom mais s’affichait comme « la révolution du gros bon sens » en Ontario. Les expériences de pouvoir à la Reagan et à la Thatcher suscitaient trop de critiques pour qu’on en reste au Québec à les voir se reproduire ici en restant passifs. Déjà la rue s’insurgeait contre l’armement nucléaire, par exemple. Pourquoi le PQ n’a-t-il pas défendu la position sociale-démocrate que certaines municipalités ou pays adoptaient en faisant de leur territoire des zones libres d’armement nucléaire ? Pourquoi ne pas avoir envisagé la reconversion du complexe militaro-industriel québécois au civil ? Pourquoi avoir flirté avec les traités de libre échange alors que 60,000 manifestants québécois et invités internationaux au Sommet des Peuples en appréhendaient la portée pour leurs emplois et les services publics ?
Alors quand Madame Marois appelle maintenant à ne pas diviser le vote progressiste ou souverainiste, on saura qu’elle emprunte à la gauche une logique et un motif auquel ont voulu répondre une bonne partie de la « faune politique » québécoise qui ne se reconnaissait plus dans les aspirations à un pouvoir soi-disant alternatif et populaire du PQ.
Est-ce que personne au PQ n’a vu venir le danger de la division ? Et pourquoi ne pas la prévenir en mettant de l’avant ces concessions qui auraient unies à nouveau tout le monde autour d’une social-démocratie renouvelée et à l’offensive ? Seul le SPQ –Libre aurait sans doute pu le faire. Mais il faudra désormais compter sur une alliance non sectaire entre les trois partis souverainistes pour réparer le manque de clairvoyance du PQ dont une certaine modestie serait de mise pour n’avoir pas envisagé lui-même ce projet d’alliance à cause de son prétendu monopole sur la question nationale. Cette acharnement à être le parti guide ne sert ni la démocratie, ni le Québec.
Voulant prévenir une division au sein de la gauche, attendue celle-là par le PQ pour faciliter son accession au pouvoir, bien des gens, pour affirmer leurs choix politiques, ont décidé de s’investir dans une organisation nouvelle qui n’avait pas à subir ces déchirements interminables entre droite et gauche dans le PQ. Et c’est Québec solidaire qui en est issu. Cette organisation, au lieu de tergiverser entre ces deux orientations politiques qui taraudent le PQ constamment, a décidé fièrement de s’afficher ouvertement à gauche pour trancher avec les hésitations de ce parti souverainiste et social-démocrate qui recule encore maladroitement devant l’unité des forces souverainistes au nom d’une exclusivité du discours et des positions nationalistes. Rappelons que l’existence de collectifs à l’intérieur de Québec solidaire contribue grandement à ce que différents courants de la gauche, de la réformiste à la plus révolutionnaire, cohabitent sans se déchirer (comme ces brouilles se sont manifestées au sein de l’ADQ) parce que leur existence et leurs droits politiques sont respectés.
Combien de rendez-vous manqués faudra-t-il au PQ pour modestement concéder à Québec solidaire une légitimité indépendantiste qui ouvrirait un nouveau chapitre de l’histoire du Québec sur la voie de son émancipation nationale et sociale ? Souhaitons que la « division du vote », encore invoquée comme prétexte à refuser les alliances, fasse réfléchir les plus intransigeants péquistes et que le projet de cette alliance rallie un courant assez courageux au sein de ce parti pour revendiquer l’unité. Pourquoi le SPQ-Libre ne serait-il pas ce ferment de maturité politique qui ferait oublier au PQ son attitude de seul représentant du Québec souverainiste qui l’empêche de mettre en premier le bien commun de la nation ?
Guy Roy, militant du parti communiste du Québec, membre de la FTQ et du collectif PCQ reconnu de Québec solidaire.
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