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Cordillère des Andes : la fonte des glaciers menace la population sud-américaine

Alors que la Terre se réchauffe, la cordillère des Andes, la plus grande chaîne montagneuse continentale du monde, voit ses glaciers fondre à grande vitesse. Les glaciers andins ont pourtant un rôle hydrologique essentiel et certaines régions sud-américaines en subissent déjà les conséquences. Dans un futur proche ou lointain, les glaciers vont-ils complètement disparaître ?

19 avril 2022 | tiré de la lettre d’Élucid

La cordillère des Andes s’étend sur plus de 7000 km de long et traverse sept pays d’Amérique du Sud, à partir du Venezuela, en passant par la Colombie, l’Équateur, le Pérou, la Bolivie et en terminant son parcours en Patagonie, dans le sud du Chili et de l’Argentine. « Son rôle est essentiel, car c’est un facteur déterminant dans la circulation du vent sur le continent sud-américain. De plus, l’existence de glaciers et de sommets enneigés, dans la zone tropicale et subtropicale, garantit un cycle hydrologique », explique Jésus Gomez López, Directeur de recherche à l’Institut National de Recherche sur les Glaciers et les Écosystèmes de montagne (INAIGEM) au Pérou.

Cependant, la cordillère des Andes n’échappe pas aux effets du changement climatique avec, dans un premier temps, le réchauffement global de la planète caractérisé par une hausse moyenne des températures à l’échelle mondiale et, dans un second temps, la diminution des précipitations solides sur les glaciers dans certaines régions. « Dans les Andes tropicales, les glaciers sont très sensibles aux changements de température, même minimes. Au contraire, en Patagonie, les changements au niveau des précipitations ont un impact plus fort sur les glaciers. Chaque glacier et chaque zone ont une sensibilité différente aux changements climatiques », a confirmé la glaciologue chilienne, Inés Dussaillant.

De plus, le changement climatique est particulièrement amplifié dans les Andes. Par exemple, « les Andes centrales d’Argentine et du Chili se réchauffent deux à trois fois plus vite que la moyenne de la planète », a clairement expliqué Pierre Pitte, docteur en sciences géologiques à l’Institut Argentin de Nivologie, Glaciologie et Sciences de l’environnement (IANIGLA), tout en ajoutant que « les vents d’ouest transportant les précipitations de l’océan Pacifique vers les Andes ont été déplacés vers le sud, asséchant toute une partie de la cordillère des Andes ».

À cela s’ajoutent l’utilisation de combustibles fossiles et la pollution atmosphérique, responsables du dépôt de particules sur la neige et les glaciers, qui participent à l’accélération du recul des glaciers andins. « Dans les Andes tropicales, jusqu’à 80 % de la masse glaciaire pourrait disparaître au XXIe siècle », a indiqué Jésus López, tout en précisant qu’au Pérou « plusieurs chaînes de montagnes sont destinées à perdre toute leur couverture glaciaire dans les prochaines années : Chila, Chonta et Huanzo. »

Le recul des glaciers andins, une ressource en eau en voie de disparition
Au Venezuela, en Colombie et en Équateur, les glaciers sont de si petites tailles que, malgré leur recul à grande vitesse, ils ne représentent pas une ressource en eau importante pour la région et participent plutôt à l’activité touristique de ces pays.

Au contraire, le long d’une grande partie des Andes tropicales et sèches - zones arides du Pérou, de la Bolivie, du Chili et de l’Argentine -, la situation est extrêmement critique, car nombreux sont les glaciers qui jouent un rôle essentiel dans le cycle hydrologique de plusieurs villes très peuplées. « Dans ces zones, les glaciers assurent la présence d’eau pendant l’été. L’eau des fleuves provient essentiellement de la fonte des neiges et lorsqu’il n’y a plus de neige, celle-ci provient directement de la fonte des glaciers », a assuré Inés Dussaillant. C’est pourquoi, si les glaciers rétrécissent beaucoup trop vite, ils ne seront plus en capacité d’approvisionner en eau plusieurs régions andines.

Si nous prenons le cas du Chili, d’après un classement sur le niveau de stress hydrique dans les différents États membres des Nations Unies, réalisé par le World Resources Institute, c’est le seul pays sud-américain à faire partie des 30 États du monde où le stress hydrique est le plus élevé (18e place du classement). « On parle de méga-sécheresse car, pendant dix années consécutives, il y a eu moins de 25 % des précipitations moyennes annuelles », a-t-elle ajouté.

C’est pourquoi, ces dernières années, les glaciers ont fondu en grande quantité afin d’assurer la ressource en eau tous les mois. Cependant, ce phénomène qui porte le nom de « Peak Flow » a atteint ses limites dans certaines zones centrales du Chili et de l’Argentine. « À Santiago, j’ai pu observer les changements au cours de ces dix dernières années, comment le paysage s’est modifié de manière impressionnante et je pense que, si la sécheresse continue, dans les prochaines décennies, il n’y aura plus d’eau pendant les derniers mois d’été et peut-être même d’autres mois de l’année. »

Paradoxalement, alors que les glaciers de Patagonie ont un des taux de fonte les plus élevés de la planète, comparables à ceux connus en Alaska, la situation n’est pas si alarmante, car il y a beaucoup de pluie et de chute de neige et la population locale, peu nombreuse, n’est pas impactée. « En Patagonie, il y a suffisamment de glace pour que les glaciers ne disparaissent pas avant plusieurs milliers d’années. Cependant, dans d’autres régions, surtout dans la zone tropicale des Andes, en Colombie par exemple, des glaciers rétrécissent rapidement et vont soudainement disparaître, comme on a pu le voir pour les glaciers d’Afrique, sur le mont Kenya », a-t-elle clairement expliqué.

Des impacts forts sur l’environnement et la population, mais quelles solutions ?
Rien ne permet d’indiquer que la fonte des glaciers andins va entamer un processus de ralentissement dans les prochaines années… Même si, dans un monde complètement utopique, nous arrêtions d’émettre des gaz à effet de serre, « comme les glaciers ont un train de retard, ils continueront de réagir aux changements du climat passé », a affirmé la glaciologue Inés Dussaillant.

Les conséquences de l’accélération du recul des glaciers andins sont déjà bel et bien présentes avec, notamment, la hausse du niveau de la mer. « D’après les observations des deux dernières décennies, la fonte des glaciers de montagne est le deuxième contributeur à l’élévation observée du niveau de la mer, suivie par la fonte des glaciers en Antarctique et au Groenland. »

Face à cette problématique de taille, il n’y a malheureusement pas de solution miracle, la population doit prendre conscience de l’urgence d’agir et commencer à s’adapter dès maintenant aux changements. Par exemple, à Santiago, la capitale chilienne très affectée par la méga-sécheresse, la population commence à migrer vers le sud où il y a moins de manque en eau.

Des mesures doivent être prises rapidement pour mener à bien l’Accord de Paris et réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre. « La diminution de l’agriculture sur brûlis et des incendies de forêt en Amazonie contribuerait à la réduction de la concentration du noir de carbone dans l’atmosphère et donc à l’augmentation de la durée de vie des glaciers », ont ajouté les experts de l’INAIGEM, Jésus López et Daniel Martínez.

Cependant, les glaciologues s’accordent à dire que ce n’est malheureusement pas une priorité gouvernementale… « La destruction de l’environnement depuis deux siècles, mais surtout son accélération pendant les 50 dernières années, nécessite une prise de conscience et des actions immédiates qui ne sont pas dans l’agenda de nos sociétés », a conclu Pierre Pitte.

Photo d’ouverture : La cordillère de Huayhuash, située dans les régions d’Ancash, de Huánuco et de Lima, au Pérou - @TimothéVienne

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