Édition du 23 avril 2024

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Afrique

Crise sociale au Maroc après la mascarade électoral et avant la COP 22

Depuis le 28 octobre, des manifestations de masse ont lieu dans plusieurs villes du Maroc. Moins d’un mois après la farce électorale largement boycottée, le peuple redescend dans la rue contre la hagra (le mépris).

L’élément déclencheur a été un simple « fait divers » : un vendeur de poisson, Mouhsine Fikri, âgé de 31 ans, a vu son gagne pain confisqué par la police, en dehors de toute procédure légale. Cherchant à les récupérer dans la benne à ordures, il a été broyé sur l’ordre, semble-t-il, des mêmes agents de la police.

Comme en Tunisie en 2010 pour Mohamed Bou’azizi, cet événement, largement diffusé sur Internet, est apparu comme le symbole d’un système qui broie les pauvres à tous les niveaux, ainsi que du sentiment d’impunité qui règne dans le royaume.

Les manifestations largement spontanées se répandent comme une tâche d’huile dans le Rif ainsi que dans tous le Maroc. Les initiatives du pouvoir (visite du ministre de l’Intérieur à la famille du défunt, commission d’enquête, report de la visite de Mohamed VI en Éthiopie,…) ne calment pas la colère. La population du Rif, où les événements se sont déroulés, garde la mémoire des jeunes assassinés lors de la mobilisation du Mouvement 20 Février dans la même ville, pour qui aucune justice n’a été rendue, cinq ans après.

Depuis quelque jours, les scandales sur la monarchie font la une de la presse (sauf au Maroc). WikiLeaks révèle, via l’affaire des email d’Hillary Clinton, que le roi Mohamed VI a fait un don de 12 millions de dollars à la Fondation Clinton. Que le roi Mohamed VI offre son aide financière pour les frais de justice et conseille même des avocats au chanteur Saad Lamjarred, décoré par lui, et arrêté pour "viol aggravé" à Paris vendredi 28 octobre, tandis que le peuple soufre de la misère, du chômage, de la corruption et du mépris des élites. Le peuple marocain dit stop à la Hogra, aux mépris, la l’injustice sociale et aux discriminations.

Ces mobilisations interviennent après des élections législatives qui ont eu lieu le 7 octobre 2016. Elles ont été remportées par le Parti de la justice et du développement (PJD, islamo-conservateur monarchiste) qui a obtenu 125 députés, contre 102 à son principal rival, le Parti Authenticité et Modernité (PAM, social libéral monarchistes), sur un total de 395 sièges.

Le roi Mohamed VI vient de nommer Abdelilah Benkirane du PJD comme chef de gouvernement pour un second mandat. Ces élections se sont tenues sous la houlette d’un pouvoir qui a façonné une constitution lui décernant la totalité des pouvoirs. Elles ont pour rôle de conférer une légitimité politique à cette monarchie de droit divin.

Les partis politiques en lice sont tous des partis monarchistes qui s’attellent à gérer la politique du régime. Le mode de scrutin est un scrutin proportionnel à plus fort reste avec un mécanisme de découpage qui accentue le morcellement de la scène politique. La loi organique relative aux partis politiques en vigueur garantie la sacralité de la monarchie.

La Gauche marocaine était divisé pour ces élections : la Voie Démocratique appelait au boycott des élections, contrairement à la Fédération de la gauche démocratique (FGD gauche qui réclame une monarchie constitutionnelle à l’espagnole) a obtenu 2 sièges. La FDG, alliance de trois partis de gauche dite radicale : le Parti socialiste unifié (PSU), le Parti de l’avant-garde démocratique et socialiste (PADS) et le Congrès national Ittihadi ainsi que le mouvement de la société civile Clarté Ambition et Courage (CAC), n’a pas su convaincre les Marocains.

Auteure d’une très bonne campagne électorale, la porte-parole Nabila Mounib a pâti des déchirements de la gauche radicale. La Gauche Verte (parti issue du PSU et des Verts marocains) obtient 1 siège. Nous ne considérons pas les communistes marocains dans la gauche radicale, car le PPS (qui obtient 12 sièges contre 16 auparavant) s’est allié au islamo-conservateur du PJD, ce qui a affaibli la gauche et pousse une bonne partie du peuple de gauche à bouder le scrutin.

Le taux d’abstention élevé (55 %) reflète le rejet d’une grande partie de la population pour cette mascarade démocratique. Ces élections sont intervenues dans un recul de la dynamique de masse initiée par le Mouvement du 20 février qui réclamait la justice sociale, la liberté et la dignité. Par des concessions, le pouvoir a réussi à reprendre l’initiative et contenir la colère populaire dans un cadre de paix sociale relative avec cette constitution. Malgré des luttes sociales qui ne cessent de grandir, elles sont éparpillées et souffrent d’un manque de centralisation pour constituer un rapport de forces.

A une semaine de l’ouverture de la COP 22, qui se déroule du 7 au 18 novembre 2026 à Marrakech, commence le jour ou le Maroc fête la célébration annuelle du Sahara Occidental. L’image d’un régime stable, vole en éclat et montre son vrai visage. Celui du colonialisme, du mépris, des affairistes et du capitalisme. En effet le 28 juin dernier, un bateau en provenance d’Italie, se dirigeait vers le port de Jorf Lasfar. À son bord près de 2500 tonnes de déchets à destination d’une cimenterie à Casablanca pour être incinérée. Pourquoi en plein débat public sur les déchets plastiques, à quelques mois de la COP22, a-t-on laissé faire, comme si de rien n’était, l’importation d’Europe de déchets qui nuisent à l’environnement et à la santé au Maroc ? Encore et toujours ce même mépris que dénonce le peuple marocain.

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