Édition du 23 avril 2024

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Critique du "Précis républicain à l’usage des Québécois"

Danic Parenteau vient de publier chez Fides un petit livre intitulé Précis républicain à l’usage des Québécois. Le sujet est important, mais son traitement est problématique. Il s’agira ici de questionner la majorité des thèses de l’auteur qui défend une conception identitaire de la république.

Le livre s’articule autour des concepts de pratique républicaine et d’imaginaire républicain et de quatre thèmes : vision laïque de la société, exigences d’intégration et de citoyenneté, rôle de l’État dans la promotion de l’identité nationale et, enfin, primauté de la souveraineté populaire.

La méthode vise à prêter une série de caractères intrinsèques à la société québécoise qui relèveraient d’un imaginaire républicain et d’opposer ces caractères à ceux de la réalité canadienne qui s’inscriraient dans une logique libérale anglo-saxonne. La société québécoise serait une société caractérisée par une pratique républicaine, mais qui n’aurait pas conscience des fondements de sa pratique. Ainsi, la société québécoise méconnaîtrait son imaginaire républicain un peu comme monsieur Jourdain parlait en prose sans le savoir. Et, il l’avoue candidement : "cette pratique républicaine n’a jusqu’ici jamais été pleinement assumée par les Québécois eux-mêmes." [1] Plus encore : ... " le modèle en tant que conception de la société, demeure largement méconnu du grand public et est majoritairement perçu, par la classe politique ou médiatique et une bonne partie des intellectuels, comme une théorie étrangère au Québec - s’imposent alors les modèles républicains français ou étatsuniens, lesquels sont en effet étranger à notre expérience nationale." [2]

Thèse 1 : La société québécoise tendrait vers le principe républicain de laïcité

Cette thèse trouverait son fondement sur la profondeur et la rapidité de la déconfessionnalisation des institutions de la société québécoise. En devenant des Québécois, l’élément identitaire religieux a presque complètement été abandonné. Cela a été vécu comme une libération. C’est pourquoi une majorité des QuébécoisES ne voudraient pas d’un retour à l’univers social et religieux prévalant au Canada français avant les années 1960. Et il conclut : " leur pratique s’inspire davantage de la laïcité républicaine que du sécularisme libéral". [3]

Ici, il semble que l’auteur généralise rapidement et indûment. Le débat sur la Charte n’a-t-il pas démontré tant la diversité des opinions sur les formes que devait prendre la laïcité au Québec ? La défense d’une catholaïcité n’est-elle pas revendiquée par beaucoup, plaçant les traditions catholiques dans le patrimoine national et ignorant superbement le problème des subventions aux écoles publiques religieuses qui sont majoritairement catholiques ? La déconfessionalisation qu’a connue le Québec a été d’abord un phénomène socio-culturel de sécularisation lié aux processus d’industrialisation et d’urbanisation de la société québécoise qui a affaibli l’encadrement paroissial des fidèles. Cette déconfessionalisation n’était pas d’abord le fruit de débats et d’une démarche politique laïque. Même la loi 60, formant le ministère de l’Éducation, conservait les écoles confessionnelles catholiques et protestantes et reconduisait la prérogative des évêques dans la formation du comité catholique. [4] Cette réalité se maintiendra encore des décennies.

Le débat sur la laïcité s’est développé dans le cadre des débats sur les accommodements raisonnables (particulièrement religieux) et s’est inscrit dans les peurs suscitées par le renforcement de l’immigration en provenance des pays d’Afrique du Nord, du Proche et du Moyen-Orient. La laïcité, traditionnellement défenderesse des libertés et de la cohabitation, s’est alors servi du discours républicain pour couvrir des politiques marquées par la défense des discriminations en direction de ces populations. Cette nouvelle laïcité falsifiée [5], -culturelle et identitaire - était en rupture avec le processus historique de laïcisation qui correspondait à davantage d’égalité et de liberté pour les différentes composantes de la population. En plus d’affirmer la généralité du soutien à une laïcité républicaine qu’il ne démontre en rien, il confond le processus de sécularisation qui a marqué la Révolution tranquille avec le récent débat sur une laïcité qui s’appuyait pour sa part sur une caricature d’une véritable laïcité républicaine.

Quand Danic Parenteau entreprend de faire ressortir l’originalité de la posture de la société québécoise qu’il oppose au sécularisme libéral qu’il attribue aux expériences de sociétés anglo-saxonnes, il réduit manifestement ici le phénomène socio-culturel historique de la sécularisation qui a traversé les siècles et différents pays du monde à des règles de droit qui définissent des laïcités spécifiques à différents pays.

Thèse 2. La pratique sociale et l’imaginaire collectif des Québécois témoignent d’une conception de la citoyenneté d’inspiration républicaine qui se distingue de celle des Canadiens

Danic Parenteau réussit le tour de force de poser la question de la citoyenneté sans poser le caractère tronqué de toute citoyenneté québécoise. Il méconnaît superbement son caractère plus virtuel que réel tant que le Québec demeure une société définie par sa réalité de minorité politique à laquelle échappent les décisions stratégiques fondamentales tant en ce qui a trait aux décisions de politique économique qu’à ce qui a trait à son rapport aux autres nations.

Alors que nous vivons dans une monarchie constitutionnelle qui détermine la structuration du pouvoir dans la société québécoise, il réussit, tel un prestidigitateur tirant un lapin de son chapeau, à dessiner une conception républicaine de la citoyenneté qui serait la conception dominante au Québec.

Plus, il fait découler de cette conception de la citoyenneté républicaine, l’existence d’un modèle d’intégration des immigrantEs qui serait plus exigeant pour les nouveaux arrivants "quant aux efforts qu’ils doivent déployer pour s’adapter à leur nouvelle société, et finalement, l’intégrer." [6] La société d’accueil aurait d’abord comme tâche de " fournir aux nouveaux arrivants tout ce dont ils ont besoin pour devenir citoyens et véritablement exercer leur citoyenneté. Cette obligation comprend, certes, minimalement, l’enseignement de la langue nationale du pays, mais bien sûr aussi, la transmission de certains codes culturels. La citoyenneté ne saurait être dénué de toute dimension culturelle, qui seule donne tout son sens à ce statut juridique". [7]

Identifier une demande de conformité culturelle des immigrantEs comme le signe d’un esprit républicain est pour le moins allé à l’encontre du républicanisme lui-même. Le débat sur la Charte des valeurs a démontré jusqu’où pouvait nous conduire une telle conception. L’utilisation d’une laïcité identitaire qui nie les rapports différents à la religion, qui utilise une pseudolaïcité catholaïque a eu pour effet de semer la méfiance et la peur face à un projet de souveraineté nationale. L’identification d’un tel projet à la restriction des libertés démocratiques pour les nouveaux et nouvelles venuEs dans la société québécoise bloque leurs aspirations à s’intégrer. Les résultats électoraux ont démontré que cette conception de l’intégration a renforcé le camp fédéraliste. Quand une telle démarche se combine au refus de lutter effectivement pour l’indépendance, nous avons tous les ingrédients pour le type des résultats électoraux que nous avons connus.

Un modèle réellement républicain d’intégration devrait poser le problème de l’égalité citoyenne. Il devrait d’abord s’appuyer sur le refus de toute discrimination que ce soit face à l’emploi, à l’inégalité salariale, à la reconnaissance des qualifications, au logement et aux diverses dimensions de la vie publique. Il serait attentif à la réussite scolaire des enfants d’immigrantEs ; il favoriserait l’emploi dans le secteur public ou dans les médias, et il inviterait les institutions de la société civile comme les partis et les syndicats, à adopter des mesures pour favoriser une intégration sur des bases d’égalité. Un tel modèle combinerait à cette approche égalitariste une reconnaissance que la société québécoise est en cours de transformation et que les nouveaux nouvelles venuEs vont participer de la redéfinition de la société québécoise.

Au niveau politique, toute idée de bloquer l’expression politique de la population immigrante : par le contrôle tatillon de l’expression électorale, par le refus d’ouverture à la participation électorale au niveau des institutions municipales ou scolaires, par la multiplication des obstacles à leur accès au droit de vote au niveau national n’est en rien républicain et isole les tenants de l’indépendance du Québec des nouvelles et nouveaux arrivants.

D’autre part, il faut comprendre, le report d’une lutte conséquente pour l’indépendance aux calendes grecques, place les nouvelles et nouveaux arrivants dans une situation intenable. D’une part, ils sont accueilliEs dans un nouveau pays et ils sont appeléEs à devenir des citoyennes et citoyens canadiens. D’autre part, la société québécoise dont ils et elles devraient devenir des citoyenEs est clivée, divisée sur son destin national. Rien pour rendre facile et faire du ralliement au combat pour l’indépendance le chemin spontané de l’intégration citoyenne.

S’il est vrai que le multiculturalisme a été, à l’origine, un instrument pour dénier le caractère national du Québec et en finir avec la théorie des deux peuples fondateurs et avec le biculturalisme, il n’est nullement démontré, que ce dernier constitue aujourd’hui la politique concrète mise de l’avant par la bourgeoisie canadienne et que le Canada subirait les affres d’un communautarisme bloquant l’intégration des immigrantEs à la vie canadienne. En fait, ce n’est pas tant un modèle multiculturaliste que le maintien de pratiques discriminatoires et de surexploitation de ces secteurs de la population par la bourgeoisie canadienne qui est ici en cause. À cela s’ajoute la politique militariste et suiviste du gouvernement fédéral face aux intérêts de Washington qui doit être questionnée.

La pratique du "nation building canadian" ne semble pas particulièrement en panne. Les politiques visant une identification positive de la population aux symboles canadiens, l’anglicisation facilitée par le statut international de la langue anglaise, une certaine ouverture à l’expression du pluralisme culturel facilitent la consolidation de la nation canadienne qui sait profiter de son statut de nation dominante au Canada.

En somme, prêter un républicanisme identitaire qui serait atavique à la société québécoise et qui serait la voie d’une meilleure intégration, c’est se mettre la tête dans le sable et risquer de nous faire connaître de nouveaux lendemains d’élections douloureux.

Thèse 3. Au-delà de la réalité constitutionnelle, sur le plan symbolique, l’État du Québec apparaît comme une véritable institution nationale.

S’il part d’un constat important, celui que l’État québécois est perçu par les QuébécoisEs comme un État national qui se donne comme tâche de faire la promotion de l’identité nationale des QuébécoisEs, Danic Parenteau identifie ce rôle attribué à l’État à une conception républicaine de la nation.

En ce sens, il souligne que les autres États provinciaux n’ont pas ce caractère national, mais que "les Canadiens entretiennent une relation essentiellement instrumentale à l’égard de l’État canadien. Il s’agirait pour ce dernier de gérer les affaires courantes de la société. Les Québécois, eux, entretiendraient avec leur État national une relation plus complexe et proche du républicanisme." [8]

Ici, la dénégation du réel conduit à en une sous-estimation d’une réalité aveuglante : le nationalisme canadien se consolide. Le nation building qu’il soit piloté par les Libéraux et ou par les Conservateurs a marqué des points. Le nationalisme canadien, y compris dans l’arrogance de sa dénégation de la réalité nationale du Québec, est l’idéologie politique dominante au Canada.

Mais c’est le caractère clivé de la société québécoise et l’enfermement de la nation québécoise dans la nation canadienne qu’il refuse d’analyser par ce jeu d’oppositions binaires et schématiques. La réalité c’est que l’État québécois n’est pas seulement un État national, c’est un État national tronqué enfermé dans les oripeaux d’un État provincial, un palier de l’État canadien, qui, dans son organisation même, dans la distribution des pouvoirs qu’il institue, est également un État provincial d’une monarchie constitutionnelle. Comment déduire le rapport à cette réalité institutionnelle monarchique à un rapport républicain. Par quel procédé une telle opération pourrait-elle se produire ? La concentration du pouvoir dans les mains du premier ministre Charest n’est-elle pas le meilleur exemple de la concentration de pouvoirs dans les mains du premier ministre de Sa Majesté qui fait de ce dernier un véritable régent de la société québécoise. Où est le républicanisme dans ce contexte ?

Mais la situation est encore plus complexe. La société québécoise est une société clivée nationalement. Une partie des élites québécoises est ouvertement et clairement fédéraliste. Ces élites et les couches et classes sociales qu’elles dominent ont un rapport spécifique à leur identité nationale. Elles se définissent à la fois comme Québécoises et comme Canadiennes. L’étude que cite Danic Parenteau lui-même est révélatrice à cet égard. "Dans un sondage commandé en décembre 2010, par l’Association d’études canadiennes, on apprenait ainsi que 31,3% des Québécois francophones se définissent seulement comme Québécois et que 39,2% se définissent comme Québecois d’abord, mais aussi Canadiens. Chez les Québécois anglophones, les résultats sont rigoureusement inversés, puisque 45% d’entre eux se définissent comme Canadiens d’abord, mais aussi comme Québécois et 21% comme Québécois et Canadien simultanément. Un maigre 2% se définit comme seulement Québécois : www.acs-aec.ca/pdf/polls/Quebec%20Identity%202011-FR.doc (page consultée le 3 octobre 2013)." [9]

Ce caractère emboîté de l’identité nationale (Canadienne et Québécoise à la fois) de secteurs importants des élites québécoises y compris francophones, - qu’on peut expliquer par les modalités de la construction de l’État canadien, qui ont permis à ces élites d’en être partie prenante - , explique la réalité complexe de cette identité. Ces élites fédéralistes, qui sont partie prenante des classes dominantes ont un impact sur de nombreux secteurs de la société québécoise. L’impuissance politique de la nation québécoise à assumer son destin indépendantiste trouve ici son explication essentielle.

Cette pourquoi, il est faux d’affirmer que les Québécois se détournent de l’État fédéral. S’il est vrai que la majorité populaire n’y reconnaît pas son État, il n’en reste pas moins que la majorité de la société québécoise participe aux élections fédérales et reconnaît cette participation comme un droit important. Si les souverainistes ont fondé un parti pour participer aux élections fédérales, c’est qu’ils croyaient que l’impact des choix de l’État canadien sur la société québécoise était suffisamment important pour tenter de les influencer.

Le caractère plurinational de la société québécoise n’est reconnu par Danic Parenteau que lorsqu’il parle des Autochtones. Car "le cas des Autochtones et des Inuits du Québec est exceptionnel dans la mesure ou ceux-ci forment des nations, au même titre que la nation québécoise. " [10] Mais, en fait, ce caractère plurinational de la société québécoise est beaucoup plus complexe comme on l’a vu. La principale conséquence politique qu’on peut et doit tirer de cette réalité, ce n’est pas l’impuissance politique structurelle de la nation québécoise face à sa lutte de libération nationale qui lui permettrait de dépasser son statut de minorité politique au Canada, mais la compréhension que les élites québécoises sont structurellement divisées et seront incapables de mener jusqu’au bout la lutte pour l’indépendance. Conséquemment, seule l’organisation politique autonome des classes subalternes de la société québécoise sur des bases indépendantistes permettra de créer la force politique capable de construire une majorité pour l’indépendance et pour la formation d’une véritable république sociale qui balaiera l’ensemble des institutions héritées de la monarchie britannique.

Thèse 4, Si les Québécois sont républicains, c’est d’abord et avant tout parce qu’ils accordent une place centrale à la souveraineté populaire.

Il est vrai que le statut de minorité politique et l’oppression nationale qui en découle induisent une résistance qui se concrétise par la multiplication de luttes nationales qui cherchent à remettre en question cette situation de fait. Mais définir les QuébécoisEs comme des républicainEs, pourvuEs d’un imaginaire républicain, c’est adopter une vision idéaliste des rapports sociaux et particulièrement des rapports au pouvoir politique qui découleraient d’un imaginaire particulier qui préexisterait à la réalité des pratiques réelles concrétisant ces rapports au pouvoir.

Qu’il y ait eu des référendums sur le destin du Québec, n’illustre pas d’abord un quelconque caractère républicain du Québec, mais la construction d’un vaste mouvement national qui posait la nécessité pour une partie de la nation québécoise d’assumer sa souveraineté nationale. Que ces référendums aient débouché sur des défaites exprime que la mobilisation nationale, la rupture d’avec le fédéralisme et d’avec les élites qui le défendent n’était pas à la hauteur d’une rupture nationale... Le pouvoir fédéral restait en mesure d’affecter et d’attirer une majorité de la société québécoise derrière son projet national.

L’analyse de Danic Parenteau sur le printemps érable illustre bien cette approche idéaliste qui fait marcher la société sur sa tête. "De tous les événements récents ayant marqué la scène politique québécoise, celui qui illustre avec le plus de clarté la vision résolument républicaine de l’agir politique reste le « printemps érable »." [11] Les manifestantEs se seraient réclaméEs d’une conception résolument républicaine affirme-t-il. Où ça ? Quand ça ? C’est pourquoi, il doit ajouter en grande partie de manière inconsciente... En fait, il faut remettre la réalité sur ses pieds. Le mouvement du printemps érable a posé clairement, par la force de ses mobilisations, l’arbitraire du pouvoir des élites, leur mépris de la majorité de la jeunesse en lutte. Charest défendait l’État de droit des politiciens en place : leur droit de décider n’importe quoi une fois qu’un mandat électoral obtenu dans un exercice, truqué par l’argent et les rapports aux médias, lui eut permis d’accéder aux fonctions gouvernementales. Il est vrai que la mobilisation étudiante a posé la question des limites de la démocratie dans laquelle nous vivons.

Cet exemple nous permet de comprendre que la souveraineté populaire ne pourra qu’être le résultat d’une mobilisation active de la majorité populaire en lutte contre les politiques du 1% et contre des institutions de la démocratie représentative qui sert aujourd’hui à protéger leurs privilèges et leurs intérêts.

Conclusion : Les Québécois sont dans un état d’irrésolution collective, dont ils semblent avoir peine à se sortir."

Pourquoi cette irrésolution ? Cet état d’irrésolution répond-il trouve sa source dans "une tension permanente entre deux modèles de sociétés irréconciliables qui se font concurrence au Québec, à savoir le libéralisme anglo-saxon et le républicanisme." [12]

Enfin, la société québécoise n’est plus réduite à un républicanisme dont elle serait inconsciente, mais qui guiderait son action. Il y aurait une lutte entre deux modèles présents dans la société québécoise elle-même, dans la tête des Québécois et des Québécoises, pourrait-on dire. Mais notre auteur ne quitte pas le terrain de l’idéalisme méthodologique... En effet, Danic Parenteau en déduit qu’il s’agit de cesser de se représenter la réalité à l’aide de schémas de pensée inadéquats pour être capable de se décider avec conviction en faveur d’un pays libre.

Si la souveraineté populaire donne au peuple le pouvoir constituant, il ne s’agirait que de s’engager dans une démarche constituante pour avancer dans la bonne direction.

Ici encore, il confond des modalités de l’accès à la souveraineté populaire et la réalité et les fondements de cette souveraineté populaire elle-même. Le pouvoir constituant, l’actualisation d’une souveraineté populaire dans une assemblée constituante, ne peut être que le dernier moment d’une mobilisation populaire en défense de ses propres intérêts économiques, politiques et culturels qui s’appuient sur une réorganisation majeure de la société civile afin d’avoir les moyens politiques et organisationnels permettant de s’opposer aux élites en place, comme a commencé à le démontrer le printemps érable. Cette accession à une souveraineté populaire réelle ne sera certainement pas, principalement le don, d’un parti politique accédant au pouvoir et qui déciderait des modalités d’expression de cette souveraineté populaire et de la possibilité de s’imposer dans un processus de transformation de la société québécoise. C’est la dynamique contraire qui sera nécessaire.

On voit que la tâche principale des indépendantistes n’est pas d’abord de libérer la population de "schèmes de pensée inadéquats" mais de construire les conditions d’organisation et de mobilisation qui permettront de remettre en question le pouvoir de l’oligarchie dominante et en finir avec sa domination.

La simplification de la société québécoise et de la société canadienne, le déni de la diversité qui traverse chacune d’elles, leur mise en opposition systématique et le refus de la reconnaissance de convergences liées à des expériences communes, tout cela conduit à une vision schématique et réifiée qui laisse échapper les réalités complexes dont il prétend rendre compte.

Reconstruire la réalité autour d’un théâtre d’ombres où s’affrontent des conceptions idéelles ne permet malheureusement pas de fournir des pistes pour une intervention politique réelle. C’est pourquoi ce Précis républicain à l’usage des Québécois mérite d’être discuté si nous voulons écarter des méthodes qui ne nous aident pas vraiment à identifier les problèmes réels ni à esquisser les pistes de leur résolution.


[1Précis républicain..., page 17

[2..., page 17

[3..., page 31

[4voir Yvan Lamonde, L’heure de la vérité, la laïcité québécoise à l’épreuve de l’histoire, Delbusso, 2010, pp. 111-116

[5Voir Jean Baubérot, La laïcité falsifie, La découverte, 2012

[6..., Page 67

[7..., page 67

[8..., Page 100

[9..., note 22, page 84

[10..., Note 34, page 106

[11..., Page 130

[12..... Page 145

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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