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De New York à Paris, Extinction Rebellion bloque les centres-villes

Des militants du mouvement de désobéissance civile écologiste occupent, depuis lundi matin, les entrées de Westminster dans la capitale britannique, la place du Châtelet à Paris, la place de la Colonne de la Victoire à Berlin et le Financial District à New York. Soixante actions sont organisées à travers le monde.

Tiré de Libération | 7 octobre 2019

Par Isabelle Hanne, correspondante à New York , Sonia Delesalle-Stolper, correspondante à Londres , Johanna Luyssen, correspondante à Berlin , Aude Massiot et Nelly Didelot —

De New York à Paris, Extinction Rebellion bloque les centres-villes
A 15h15, les roulements de tambours et les chants ont remplacé les bruits de moteurs et coups de klaxon place du Châtelet, à Paris. Surgis des rues environnantes, plusieurs centaines de militants du mouvement écologiste radical Extinction Rebellion (XR) ont bloqué le pont au Change et les autres voies d’accès au carrefour avec des bottes de paille, des structures de tente en bambou et même un bateau à la voile frappée du logo XR. Un atelier de permaculture s’installe doucement et des cours de méditation s’improvisent en arrière des chaînes humaines. Surmotivés, les « rebelles » promettent d’essayer de rester en place pendant trois jours.

Parmi tous ceux qui s’installent sur la place, beaucoup sont des militants récents comme Quentin, 29 ans. « Je suis à Extinction Rebellion depuis ce matin. J’avais déjà entendu parler du mouvement et le blocage du centre commercial Italie 2 ce week-end ça m’a décidé à les rejoindre », explique-t-il assis sur une des bottes de foin qui soutiennent un hamac suspendu. Ils sont nombreux à être venus de loin pour cette semaine de mobilisation, comme Fabien, Toulousain qui a pris quelques jours de congé pour participer au blocage. « En perturbant le quotidien, on fait prendre conscience aux gens qu’on est confrontés à un problème sérieux, on les oblige à se poser des questions, et peut-être qu’on va accélérer leur cheminement militant », espère le jeune homme.

L’affluence grandit d’heure en heure. Plus d’un millier de personnes installent des tentes et accrochent des hamacs aux arbres et aux lampadaires pour se préparer à la nuit. Des voisins et des curieux déambulent. Dolorès les interpelle avec son filet de pêche où elle a suspendu autant de bouteilles en plastique que de poissons en peluche. « On profite du blocage pour sensibiliser à l’effondrement de la biodiversité des océans, pour rappeler que si on ne change rien, en 2100 il y aura trois fois plus de plastique que poissons dans les mers. Mais on essaie de le faire avec ce genre d’installation qui intrigue les passants plutôt qu’avec des discours mortifères. »

A Londres, le pont de Westminster bloqué

L’action la plus impressionnante de la « rébellion internationale d’octobre », censée durer deux semaines, se déroule à Londres, dans le pays de naissance de XR. Le blocage annoncé du quartier de Westminster, le cœur politique du Royaume-Uni, a démarré doucement lundi matin. Des barrages, par des foules modestes mais très efficaces, ont été érigés sur différents points stratégiques. Le pont de Westminster, perpendiculaire au parlement, Whitehall, l’avenue où sont regroupés les principaux ministères et le 10, Downing Street, ont notamment été totalement bloqués à la circulation. Sous l’œil de dizaines de policiers, plusieurs milliers d’activistes, de tout âge et certains venus en famille avec leurs enfants, ont déployé sacs de couchage et matériel de camping, déterminés à s’installer sur le long terme.

Pas sûr cependant que les autorités britanniques se montrent aussi compréhensives qu’en avril, lors du dernier mouvement d’ampleur d’Extinction Rebellion. Plusieurs lieux de passage, dont le pont de Waterloo, étaient restés bloqués une semaine. Lundi à 12h30, la police annonçait avoir procédé à 135 arrestations, notamment lors de l’évacuation de Lambeth Bridge, le pont suivant Westminster Bridge en allant vers l’ouest de la capitale.

Ambiance bigarrée

A Berlin, « nous devons rester ici et nous rebeller jusqu’à ce que le gouvernement déclare l’urgence écologique et agisse en conséquence ». Il est un peu plus de midi place de la Colonne de la Victoire, non loin du parc du Tiergarten à Berlin, et l’ex-capitaine du Sea Watch 3 Carola Rackete s’adresse aux militants écologistes d’Extinction Rebellion depuis une arche en bois. Sur cet immense rond-point fermé à la circulation, ils sont plusieurs centaines à camper depuis l’aube avec des chants et des banderoles annonçant : « Pardon du dérangement, mais il y va de notre survie. » La police a toutefois prévu de libérer la place pour 20 heures.

Si le nombre de manifestants est loin d’égaler ceux de la marche pour le climat du 20 septembre – plus de 200 000 personnes y avaient pris part dans la capitale, un record – sur la Potsdamer Platz, plusieurs centaines de personnes se sont regroupées dans une ambiance bigarrée : musique, déguisements d’animaux, body painting et parapluies multicolores. Sur le podium, Luisa Neubauer, figure de proue du mouvement Fridays for Future en Allemagne, est venue soutenir Extinction Rebellion : « Nous avons besoin de gens qui marchent dans les rues en masse, des masses sans précédent, afin de commencer à faire partie de la solution. »

La colère est particulièrement vive chez les militants écologistes allemands depuis qu’on a appris dimanche soir que le fameux plan climat pour l’Allemagne, dévoilé en grande pompe par le gouvernement fédéral le 20 septembre, devrait être bien moins ambitieux qu’annoncé. Vidé d’une grande partie de sa substance selon les premiers éléments ayant fuité dans la presse, il sera présenté en Conseil des ministres mercredi. Ce jour-là, les militants d’Extinction Rebellion ont prévu de bloquer le pont Marshall, à quelques centaines de mètres seulement du Bundestag et de la Chancellerie.

60 actions prévues dans le monde

A New York, les militants ont pris part à une « marche funèbre pour le climat », jetant de la peinture rouge sang sur le Taureau de Wall Street, une statue en bronze emblématique du quartier de la Bourse, après un rassemblement à Battery Park (Manhattan), dans le Financial District. La police aurait procédé à une trentaine d’arrestations. Les activistes devaient ensuite organiser un « Rebel Fest » (festival) dans l’après-midi à Washington Square Park. D’autres actions sont prévues dans la semaine.

Fuseau horaire oblige, cette première journée de protestations avait débuté à Wellington, en Nouvelle-Zélande, où les militants ont organisé un die-in et occupé l’entrée du ministère du Travail. Certains se sont mêmes collés les uns aux autres à la super glue pour former une chaîne humaine et bloquer l’entrée des employés du ministère. En Australie, des marches et des sit-in ont réuni plusieurs centaines de personnes à Sydney, Brisbane et Canberra, donnant lieu à une trentaine d’arrestations.

Ces niveaux de participations sont pour l’instant bien inférieurs à ceux des grèves pour le climat – celle du 20 septembre avait réuni 350 000 personnes dans toute l’Australie – mais Extinction Rebellion ne s’est développé que récemment dans le pays. Le recours à la désobéissance civile prôné par le mouvement effraie peut-être encore certains écologistes, d’autant que de hauts responsables australiens ont réclamé la semaine dernière que les membres du mouvement touchent des prestations sociales réduites. Le ministre de l’Intérieur, Peter Dutton, s’est aussi fendu d’un appel à la délation en déclarant que « les gens devraient prendre les noms et des photos de ces personnes et les distribuer aussi loin et aussi largement que possible afin de leur faire honte ».

A Amsterdam, pour la première action d’ampleur de XR aux Pays-Bas, 900 rebelles ont bloqué la circulation devant le musée national et 50 ont été arrêtés. D’autres blocages sont en cours en Autriche, en Espagne, en Suède.

D’après les organisateurs, soixante actions sont prévues lundi autour du globe. 
 
Isabelle Hanne correspondante à New York , Sonia Delesalle-Stolper correspondante à Londres , Johanna Luyssen correspondante à Berlin , Aude Massiot , Nelly Didelot

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