Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

États-Unis

ÉLECTIONS AMÉRICAINES 2010,

Des choix en pleine tempête,

Le 2 novembre prochain, les Américains voteront pour le renouvellement d’une partie de la Chambre des représentants et du Sénat ; ce sont les élections de mi-mandat. Il y a exactement 2 ans que M. Obama a été élu président.

Ces élections ne sont jamais anodines mais cette année elles revêtent une importance particulière.

1- Tous les observateurs et commentateurs politiques s’entendent pour dire qu’il est normal que le parti présidentiel, Démocrate cette année, perde des sièges. Il en est toujours ainsi. Mais selon le nombre, il se pourrait bien que le président perde les deux majorités qu’il détient en ce moment. La Chambre des représentants, où les Démocrates détiennent une majorité de 39 sièges, pourrait facilement passer sous contrôle du parti Républicain, semble-t-il. Au Sénat, le changement de majorité est moins probable, mais les Démocrates pourraient facilement perdre la majorité absolue dont ils jouissent et que les Républicains ont réussi à imposer comme règle de fonctionnement malgré qu’ils soient y minoritaires. Avec cette position, ils ont réussi à imposer leur empreinte sur la plupart des réformes que le président a présentées et finies par faire adopter, à en faire échouer celle sur le climat et trainer certaines autresi dont celle sur l’immigration.

Cette élection est donc cruciale pour la présidence et bien sûr pour la population qui est divisée plus que jamais.

2- Une des particularités de cette élection est l’opposition quasi systématique aux éluEs en place, de quelque parti soient-ils-elles. Souvent pour des raisons diamétralement opposées. Il est vrai qu’en temps de crise financière les électeurs veulent changer la donne.

Chez les Républicains,

Jusqu’à maintenant, le parti républicain, particulièrement son aile très à droite semble avoir le vent dans les voiles.

Ce parti de droite se voit doublé par une frange de sa base encore plus à droite, populiste regroupée dans le mouvement dit du Tea Party avec Mme Sarah Palin comme figure de proue. Ils et elles ont réussi à se faire élire candidatEs républicainEs dans les primaires parfois au grand dam de la direction du parti. Le président est présenté comme musulman, socialiste et anti-entreprise, à cause de son histoire personnelle, des réformes qu’il a fait adopter en matière d’assurance maladie et de contrôle de la finance. Leur programme se situe effectivement plus à droite que ce que le parti avait soutenu jusqu’à maintenant comme ligne politique. L’opposition à l’avortement, aux mariages gays, aux lois sur l’immigration actuelles prétendument trop libérales, l’appui indéfectible à la liberté de possession et de port d’armes est toujours le socle sur lequel cette opposition au gouvernement en place est assise. Mais ce qui les caractérise c’est une opposition farouche à toute intervention de l’État dans l’économie et dans la vie des citoyens par quelque moyen que ce soit ; jusqu’au refus d’aider les propriétaires en difficulté de paiement de leur hypothèque, menacés de saisie bancaire. Ils sont encore des millions dans cette situation. Refus de toute lutte contre les inégalités, pour le maximum de coupures d’impôt et la foi ; foi en la libre entreprise et en Jésus Christ !

Politiquement et économiquement c’est un message important présenté de façon hyper populiste. Les discours prennent appui sur le mécontentement réel et sincère de l’électorat et le formule pour que les gens s’y reconnaissent. Mais les solutions sont escamotées en ce moment, l’attention est mise sur les personnalités qui se revendiquent de leur proximité avec les gens d’en bas. La base du Tea Party est constituée en majorité de blancs chrétiens. Il n’y a pas de noirs dans ce regroupement et peu d’autres minorités. Les femmes par contre y tiennent une place importante. Les Républicains commencent d’ailleurs à se revendiquer comme un parti féministe. Pourtant, comme le dit Betsy Reed de la direction du magazine The Nation, il n’y a rien de féministe là. Ce parti et le mouvement ne soutiennent aucune des mesures dont les femmes ont besoin : subvention pour la garde des enfants, aide à la santé reproductive, libre accès à l’avortement, etc. etc. Il ne s’agit que d’une opération de marketing de la part des Républicains.
Le parti vient d’ailleurs de déposer son programme officiel encore une fois intitulé « Contrat avec la nation ». On y retrouve toutes les propositions qui ont fait l’assise de la politique néo- libérale des trente dernières années et qui a mené le monde à la pire récession depuis 1929. Bien sûr les coupures d’impôt y figurent en priorité.

Chez les Démocrates,

De son côté, le président Obama est lâché par les éléments les plus progressistes de sa base. Donc, le parti démocrate également. On tient pour ridicules les réformes adoptées dans l’assurance santé et des institutions financières. On ne leur pardonne pas le maintient des troupes en Afghanistan et en Irak, malgré le retrait partiel dans ce pays. On ne tolère surtout pas que les banques aient été sauvées par le trésor public, (même si les sommes ont été remboursées pour la plupart et qu’une partie soient des investissements qui rapporte au trésor public) et que les Américains moyens perdent toujours leurs emplois, n’en trouvent pas de nouveaux et perdent aussi leurs maisons. La pauvreté a sensiblement augmentée aux États-Unis ; on dénombre 43 millions de pauvres en ce moment, soit des familles de quatre personnes vivant avec moins de 22,000$ par année.

De fait, M. Obama s’est sensiblement éloigné de ceux et celles qui ont « mené la meilleure campagne que j’ai vue de ma vie politique » dit Howard Dean, ex- président du parti Démocrate. Ils constituent pourtant une force politique indéniable dans la vie américaine. Après l’élection, l’organisation qui avait si bien servie avec des stratégies et des moyens nouveaux, s’est retrouvée intégrée à la direction du parti qui navigue toujours avec les mêmes vieilles méthodes et outils. Le président n’avait pas dans ses priorités de s’occuper de la réforme du parti et son organisation est passée de co-agent d’élaboration des politiques et de leur défense à un service de marketing de l’administration. Le contrat entre le président et sa base était rompu. Le mouvement s’est endormi, s’il n’est pas mort. M. Obama s’est aussi enferré dans sa volonté de gouverner avec les Républicains alors qu’il était évident qu’ils ne le feraient jamais ; question de principe et de stratégie : surtout ne pas être conflictuel.
Les Républicains se sont donc emparé de l’espace public laissé libre et l’ont occupé avec leurs propres politiques pour reconquérir le pouvoir. Avec une poussée encore plus à droite comme nous l’avons vu précédemment.

En plus, M. Obama s’est entouré de figures bien connues pour leurs positions et leurs actions en faveur des politiques néolibérales en matière financière. Ils étaient les artisans des dérégulations dans l’administration Clinton et tous issus des milieux financiers de Wall Street. À la faveur de la crise économique, bien en place au moment de l’investiture de M. Obama, les politiques mises de l’avant, dont l’objectif avancé était de sortir toute la population du marasme, ont en fait favorisé les détenteurs de capitaux, les plus fortunéEs, appauvri la classe moyenne et laissé la partie la plus faible de la population dans une situation désastreuse. Dans les faits, l’administration s’est inféodée au pouvoir de la finance qui s’est considérablement renforcée.

3- Conjoncture générale,

C’est donc dans une conjoncture de crise économique grave sans amélioration notoire en vue, que va se tenir le scrutin de novembre. Mois après mois les chiffres du chômage ne tombent pas vraiment et ceux des saisies de maisons non plus. La moyenne des revenus ne cesse de baisser car ceux et celles qui travaillent se concentrent dans le secteur des services qui ne génère pas le niveau de salaire de la grande industrie. Ce sont ces facteurs qui déterminent les électeurs-trices cette année.

Les politiques de stimulation de l’économie mise de l’avant par le gouvernement ne donnent pas l’impulsion voulue à la vitesse nécessaire. Les entreprises privées n’embauchent toujours pas. Celles qui ont de l’argent ne l’investissent pas parce que les perspectives de retour ne leur paraissent pas encourageantes. Les Américains sont peu habitués au chômage de longue durée et leurs filets de sécurité ne sont pas adaptés à cette situation. Le programme des timbres contre des aliments fonctionne à un niveau sans précédent. Le ressentit des injustices est très important et la recherche de boucs émissaires se manifeste, même si ça n’est pas dans la rue. C’est ce qu’exploitent les Républicains et le Tea Party.

Mais si, comme le souligne l’économiste J.K. Galbraith, le gouvernement ne peut à lui seul ramener la prospérité, il est vrai que, pour que son action soit efficace, les montants attribués à la reprise auraient dû être beaucoup plus importants. Quitte à augmenter considérablement le déficit qui est déjà considérable. L’enjeu se trouvait là. Mais le Président s’étant entouré de conseillers orthodoxes en matière économique, la restriction a été de mise. Il s’est trouvé pris entre les tenants des déficits considérés comme un problème et ceux, qui hors de son cabinet pensent exactement le contraire. En temps de crise, surtout si elle est grave et profonde, les déficits sont un devoir. Ils seront résorbés par la reprise qu’ils enclencheront.
J.K. Galbraith voudrait plus que ce qui se fait en ce moment ; « une direction claire sur les changements climatiques, un programme pour l’emploi, des poursuites contre les banques frauduleuses, un engagement contre toutes restrictions de bénéfices pour les bénéficiaires de la Sécurité Socialeiiet Medicareiii, la sortie de l’hystérie par rapport au déficit et à la dette publiqueiv.
D’autres, comme Robert Scheerv, ne manquent pas d’ajouter qu’il est plus que temps que priorité soit donnée aux propriétaires en grande difficulté plutôt qu’aux banques.

Un élément nouveau intervient aussi dans cette campagne par rapport à celles du passé. Un récent jugement de la Cour Suprême a établi que les entreprises pouvaient financer les partis politiques sans restriction, au nom du droit à la libre expression. Le Président est intervenu cette semaine à ce sujet demandant un minimum de décence à ses adversaires dans ce contexte. Certaines informations font valoir que des entreprises étrangères contribueraient à la campagne de certainEs candidatEs. Les Républicains ne sont surement pas les seuls à profiter de cette ouverture, mais la proximité qu’établit leur programme avec le secteur privé leur donne un avantage probable.

CONCLUSION,

Il est fort probable que, réflexion faite, bien des électeurs et électrices ne se jettent pas dans les bras des Républicains. Ils et elles ont déjà commencé à examiner ce que l’avenir pourrait leur réserver si ce parti augmentait son contrôle sur les affaires publiques. Un sondage de Project Vote auprès des électeurs-trices de 2008, montre que les jeunes Afro Américains de moins de 30 ans et gagnant moins de 30,000$ par an ont des opinions diamétralement opposées à celles défendues par les supporters du Tea Party. Ils veulent que le gouvernement soit l’artisan du développement de l’emploi, qu’il aide les propriétaires qui font face à la saisie alors que seulement entre 13% et 15% pensent de même dans le Tea Party. Pourtant ceux-ci seraient de loin les plus pessimistes face à l’avenir. Il semble bien que ce soient ceux et celles qui sont les plus affectés par la conjoncture qui aient le plus confiance au Président Obama pour s’en sortir collectivement et individuellement. Ce sont les jeunes, les gagne petits et les Afro Américains qui ont donné la victoire au Président en 2008.

CertainEs de la base d’Obama semblent avoir compris que si mauvaise soit la situation actuelle, elle ne pourrait qu’empirer advenant une prise de contrôle des deux Chambres par les Républicains.

Alexandra Cyr

Retraitée. Ex-intervenante sociale principalement en milieu hospitalier et psychiatrie. Ex-militante syndicale, (CSN). Ex militante M.L. Actuellement : membre de Q.S., des Amis du Monde diplomatique (groupe de Montréal), animatrice avec Lire et faire lire, participante à l’établissement d’une coop. d’habitation inter-générationnelle dans Rosemont-Petite-Patrie à Montréal. Membre de la Banque d’échange communautaire de services (BECS) à Montréal.

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