Édition du 23 avril 2024

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Afrique

Des meutres insensés en Lybie

Les meurtres de l’ambassadeur américain et de trois de ses collègues en Lybie est outre passe la raison. Et le blâme en retombe lourdement sur les épaules de ceux qui les ont perpétrés. Jusqu’à quel point il s’agit de réactions à quelques minutes d’une vidéo délibérément insultante pour l’Islam, par ailleurs absolument mauvaise, n’est pas encore clair. Et même s’il s’agissait de cela ?

The Progressive, 12 septembre 2009
Traduction, Alexandra Cyr

Ironiquement, les manifestants de Bengazi qui disaient vouloir se venger de ce film, se dressaient en fait contre la tradition la plus fondamentale de leur religion qu’ils prétendent pourtant défendre. Le pardon est une vertu chérie en Islam, surtout lorsque les musulmans sont en colère. Quand le prophète Mahomet est rentré à La Mecque, un événement sacré dans l’Islam, il a sanctuarisé la ville : « Je ne déclarerai pas de censure contre vous aujourd’hui (pour ce qui est arrivé, ce que vous avez fait). Que Dieu, qui est le plus grand parmi ceux qui pardonne, vous pardonne ». Il a aussi dit : « Dieu comble de paix et de foi le cœur de celui qui ravale sa colère, même s’il peut la laisser éclater ».

Une autre vertu à laquelle l’Islam accorde beaucoup de prix est la miséricorde. Dans le Coran, (7 :151) on trouve. Dieu est : « le plus miséricordieux des miséricordieux ». Et plus loin, (39 :53) « il pardonne aux plus miséricordieux ».

Pour, Abdullah Yousouf Ali, auteur et traducteur respecté du Coran, « Les musulmans sont condamnés à exercer une retenue personnelle dans la mesure du possible. La force est une arme dangereuse. Il se peut qu’on ait à l’utiliser pour se défendre ou pour se protéger mais, nous devons toujours nous rappeler que la retenue est agréable aux yeux de Dieu ».

En ignorant ces préceptes, les attaquants de Benghazi, s’ils s’élevaient vraiment contre un film anti-Islam, ont commis un acte outrageant qui a donné une renommée mondiale à un mauvais projet par ailleurs inconnu. Le professeur Juan Cole, un expert du Proche-Orient, nous situe le contexte politique : « L’élection en Lybie, d’un gouvernement nationaliste plutôt que fondamentaliste, l’arrivée au pouvoir des Frères musulman, plutôt modérés, en Égypte ont marginalisés les courants militants islamistes. Un des moyens que ces groupes peuvent utiliser pour combattre leur marginalisation et pour soutenir leur pertinence politique, dans la foulée du printemps arabe, c’est de créer une controverse qui force les populations à se joindre à eux ».

Comme le souligne M. Cole, en Lybie et en Égypte les foules de protestataires n’étaient pas si importantes. C’est une indication du manque d’appuis que ces organisateurs subissent.

Le professeur Marc Lynch, auteur d’un nouveau livre sur le printemps arabe, demande lui aussi aux AméricainEs de ne pas généraliser : « Le 9 septembre aurait dû nous apprendre à ne pas nous fier aux actions de petits groupes radicaux et marginaux pour nous faire une idée d’une société toute entière. Mais l’avons appris » ?

Heureusement, l’administration Obama n’est pas tombée dans ce piège. Avec la secrétaire d’État, Mme Clinton elle a fortement souligné que les Lybiens ont aidé à défendre le consulat de Benghazi et à transporter les Américains vers un hôpital à proximité. Ici, Mme Ingrid Mattson, une musulmane respectée, ancienne présidente de l’Islamic Society of North America, et M. Eboo Patel, chef de l’Interfaith Youth Core, ont condamné les meurtres en soulignant que l’opinion mondiale dont bénéficiaient les attaquants avait peu de portée dans cette partie du monde.

Même des Républicains, heureusement, demandent à la population de ne pas étirer la sauce.

Les sénateurs McCain et Lindsey Graham, ainsi que l’indépendant J. Liberman, ont déclaré que : « Malgré cet acte horrible, nous ne devons pas succomber à la tentation de penser que notre appui aux aspirations démocratiques des peuples de Lybie, d’Égypte, et d’ailleurs au Proche-Orient, est naïf ou erroné. Nous ne pouvons pas croire que le printemps arabe était un faux exercice, une fausse une aspiration à la démocratie et à la liberté qui a inspiré des millions de personnes. Ce n’était pas l’action de sombres terroristes fanatiques ».

Si Mitt Romney avait fait une déclaration de cette qualité, nous ne serions pas dans une telle eau chaude en ce moment.

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