Édition du 30 avril 2024

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Environnement

ERRATUM -L’urgence nécessite la cohérence

«  Mieux encore, notre premier Ministre nous cache le fait qu’en 2019, notre moyenne per capita était supérieure à celle de la Californie, de l’État de New York, et du district de Columbia. En 2020, nous tombions en 9e place ex-aequo avec le New Hampshire et en 2021, au 7e rang, derrière le Massachusetts, le Vermont et le Maryland et les États susmentionnés. » Héros de pacotille, PressMob Vol. 4 No 6i

 
par Marc Brullemans et Jacques Benoit,
co-rédacteurs du Plan de la DUC, et membres de GMob.
graphique tiré de : https://bit.ly/48H86Fr

À l’heure de la désinformation et de la mésinformation à dessein, de la polarisation des opinions, de la précipitation - et quoi encore -, l’exactitude des assertions en prend souvent pour son rhume, au détriment du lecteur, jeune ou vieux. À de nombreuses reprises, GroupMobilisation a tenté de rétablir les faits. Mal nous en prit, pourrait-on dire, lors du dernier PressMob intitulé “Héros de pacotille”. Le titre et le contenu général tiennent toujours, mais certaines comparaisons rapportées sont erronées.

Ainsi, s’il est vrai de dire que le Québec est, en Amérique du Nord, en termes d’émissions per capita, moins performant que le Mexique - et nous aurions pu dire aussi moins que la Barbade -, il était faux d’affirmer que le Québec se situait derrière la Californie, l’État de New York, le New Hampshire, le Massachusetts, le Vermont et le Maryland. Nous avions confondu les émissions de CO2 et les émissions de gaz à effet de serre (GES), lesquelles incluent les émissions de méthane, de protoxyde d’azote et d’une myriade de gaz servant comme réfrigérant ou dans d’autres secteurs de l’industrie.

Évidemment, il faut comparer les oranges avec les oranges, mais la situation se complique encore avec les méthodologies utilisées dans chacune des juridictions. Tient-on compte, par exemple, de la perte de zones naturelles comme des forêts, des milieux humides au profit de l’étalement urbain, ce qu’on appelle les changements d’affectations du territoireii, ou non ? Ainsi, au net, en tenant compte des puits de carbone, on pourrait considérer que les émissions per capita de GES de l’État de New York sont plus basses que celles du Québec, mais le hic est que les inventaires officiels du Québeciii ne tiennent pas compte des affectations du territoire. Pas facile dans ces conditions de comparer notre province à un état américain ou à un autre pays.

Ajoutons à cela les différents facteurs utilisés pour établir les inventaires des différentes juridictions. Prend-on les mêmes coefficients de potentiel de réchauffementiv, ou PRP, pour chacun des GES ? Prend-on les mêmes coefficients pour établir les émissions des véhicules ou des cimenteries ? Calcule-t-on de la même manière les changements d’affectation des terres ? Pas facile dans ces circonstances d’harmoniser les inventaires afin de pouvoir les comparer adéquatement.

Sans compter qu’il n’est pas rare, d’une année à l’autre, de voir les séries d’émissions d’un même État changer parce que l’on considère un nouveau facteur ou qu’on en considère un autrement… Sans oublier qu’il existe différents types de bilans de GES qui ne sont pas nécessairement territorialisés.

Puisqu’il n’existe pas une telle étude comparant les données État par État, et que les résultats ne pouvaient être facilement différenciés (différences suffisamment grandes d’un État par rapport à un autre), sauf exception manifeste, nous ne pouvons qu’affirmer que le Québec n’a pas le meilleur bilan de GES en Amérique du Nord, sans pouvoir spécifier son rang parmi 60 ou 100 juridictions.

Si le Québec n’est assurément pas le cancre de l’Amérique du Nord, il faut mettre cela au crédit de notre production d’hydroélectricité. Et s’il fallait trouver des héros, nous devrions plutôt nous tourner vers nos ingénieurs et travailleurs de ce secteur.

Mais la leçon la plus importante à tirer concerne les données et leur validation.

Dans le plan de la DUCv, nous faisions remarquer que les émissions de GES sont estimées et non pas mesurées. Ces estimations sont faites à partir des déclarations faites par les émetteurs eux-mêmes. De plus, au Canada, le fédéral et le provincial utilisent deux formulaires distincts ne collectant pas les mêmes données. Dans le graphique ci-dessous, on pouvait voir des différences pouvant aller jusqu’à 64 % dans les inventaires selon qu’ils sont faits au provincial (MELCC) ou au fédéral (ECCC), ou selon qu’ils incluent ou non les émissions découlant de la biomasse, ou encore selon le nombre « n » d’émetteurs en cause : 233 ou 81.

Nous ajoutions : “Les inventaires de GES, dans ce secteur comme dans d’autres, doivent être conduits avec plus de rigueur et on doit mettre un terme au principe de l’autodéclaration des émetteurs. Les émissions de GES doivent être mesurées et vérifiables de façon indépendante, et non estimées, même à l’aide de calculs en apparence rigoureux.”

Des données faibles, contradictoires, ne font que justifier l’inaction de nos gouvernements et retarder les décisions difficiles que nous devons prendre. Nous avons besoin de données fiables et cohérentes, et cela doit se faire partout sur la planète. Tous nos efforts doivent être mis pour la cause, par tous.

Comme le souligne si justement le Breakthrough National Centre for Climate Restorationvi, en matière de climat, nous n’avons plus droit à l’erreur. Nous devons éliminer rapidement nos émissions de GES. Il faut avoir le courage d’agir en fonction du pire des scénariosvii.

Sinon, nous ne ferons que produire des héros de pacotille !...

Notes
1.Lien : https://bit.ly/48YOcpA
2.Lien : https://bit.ly/3tsVdid
3.Lien : https://bit.ly/46pLebN
4.Lien : https://bit.ly/3ZWF3d2
5.Fiche C-DUC 8, page 64, lien : https://bit.ly/3S0x1xw
6.David Spratt (2023). Faster, Higher, Hotter. Lien : https://bit.ly/46DQCaU
7.David Spratt (2023). Betting against worst-case climate scenarios is risky business. Lien : https://bit.ly/3ZRrOKt

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Jacques Benoit

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