Édition du 23 avril 2024

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Question nationale

États généraux sur la souveraineté du Québec – Phase II. Une première consultation dans la région de la Capitale nationale

Dimanche le 24 novembre dernier, le Conseil de la Souveraineté de la Capital nationale rassemblait une cinquante de personnes pour le lancement de la Phase II des États généraux sur la souveraineté du Québec. Cette assemblée était la première d’une série de consultations régionales qui se tiendront dans les prochains mois. Un rapport préliminaire devrait être produit en mars ou avril prochain. La démarche débouchera sur un Grand congrès indépendantiste qui se tiendra les 14 et 15 juin et qui devrait adopter un projet de pays pour un Québec indépendant.

Le document en discussion abordait deux chantiers : le premier chantier concernait la souveraineté populaire et la démarche de constituante ; le deuxième chantier abordait le thème des impacts économiques de la souveraineté surs lesquels les participantEs étaient invités à intervenir autour de trois questions : 1. la décentralisation et le développement régional, 2. le développement durable, l’environnement et le transport et enfin 3. la politique de l’emploi dans un Québec indépendant.

Québec solidaire de la région de Québec en collaboration avec la commission thématique « Stratégie pour le souveraineté du Québec » a élaboré ses réponses aux questions et aux thèses soulevées. La thème de la démarche constituante s’articulait autour d’une série de questions portant sur la démarche elle-même et sur les grands principes devant guider l’écriture de cette future constitution du Québec.

Québec solidaire avait des réponses à certaines questions posées. Certaines questions nécessiteront des débats que Québec solidaire n’a pas encore fait. Il faut souligner qu’un certain nombre de partipant-ES ont exprimé de sérieuses réticences à une démarche constituante. Mais comme la discussion se limitait à des échanges et qu’il n’y avait aucune proposition soumise aux votes, on pouvait difficilement apprécier l’appui à l’approche avancée.

Les propositions concernant l’économie d’un Québec souverain étaient passablement éloignées, pour dire le moins, des positions de Québec solidaire et cela a été clair dans les échanges.

Voici les réponses apportées aux questions posées sur la démarche constituante. Elles ont été élaborée par un comité de la région de Québec de QS en collaboration avec la Commission thématique souveraineté.


Chantier 1 – Souveraineté populaire et démarche constituante
Hypothèse 1– Sur la démarche constituante

La démarche constituante consiste à définir la façon par laquelle le peuple du Québec se dotera de sa loi fondamentale (ou constitution) en utilisant son pouvoir constituant. Voici quelques questions à clarifier :

1. La démarche du peuple québécois sera-t-elle initiée par un vote de l’Assemblée nationale, par un référendum, par une initiative de la société civile ou autrement ?

La démarche de l’assemblée constituante sera initiée par un mouvement de la société civile, qui amorcera une rupture constitutionnelle et donc une mobilisation populaire en faveur d’un projet de pays. Une éventuelle majorité parlementaire indépendantiste ne peut être envisagée qu’à partir de l’existence préalable d’un processus constituant démocratique, que l’Assemblée nationale viendra consacrer en lui donnant des ressources matérielles et force de loi. Tel est le sens de la souveraineté populaire, qui précède la souveraineté nationale.

2. Le contenu de la constitution du Québec devrait-il être élaboré par une Assemblée constituante et si oui, cette assemblée serait-elle composée de citoyens élus à cette fin, de députés de l’Assemblée nationale, d’élus des municipalités québécoises, ou d’une autre façon ?

L’Assemblée constituante sera élue au suffrage universel et sera composée d’un nombre égal de femmes et d’hommes. Le mode de scrutin assurera la représentation proportionnelle des tendances et des différents milieux socio-économiques présents au sein de la société québécoise. L’élection de cette Assemblée constituante devra permettre aux candidats et aux candidates de tous moyens et toutes origines d’avoir un accès équitable aux moyens de communication. Les membres de l’Assemblée nationale ne pourront pas être se faire élire à l’Assemblée constituante, puisque cette participation requiert une disponibilité à temps plein.

3. Quelles devraient être les grandes étapes de démocratie participative : une tournée nationale dans toutes les grandes villes du Québec, une consultation par le biais d’Internet ou autrement ?

L’Assemblée constituante aura la responsabilité et les moyens de mener un vaste processus de démocratie participative visant à consulter le peuple dans toutes les régions du Québec pendant une durée de 12 mois. Cette tournée nationale sera divisée en thèmes, dont l’indépendance et le statut constitutionnel de l’État québécois, de même que les différentes valeurs et institutions politiques qui y sont rattachées. Des assemblées populaires organisées dans les municipalités permettront de favoriser la démocratie délibérative, c’est-à-dire des débats publics en face à face ouverts à tous et à toutes. Les propositions de ces assemblées sera transmis aux membres de l’Assemblée constituante et disponibles en ligne, de même que les réunions hebdomadaires des constituants qui seront diffusées en direct sur Internet. La publicité, la transparence et l’inclusion de cette démarche sont essentielles à sa légitimation, et donc à son efficacité référendaire.

4. Quel rôle devrait-on réserver aux Premières nations et à la minorité anglophone du Québec dans cette démarche ?

L’Assemblée constituante réaffirmera la souveraineté propre aux nations autochtones, et invitera ces nations à se joindre à cet exercice démocratique par les moyens qu’elles décideront, y compris, si c’est leur volonté, en leur accordant une place importante dans le cadre même de l’Assemblée constituante.

5. Quelle devrait être la nature de cette constitution : constitution d’un Québec souverain dans le cadre du droit international, constitution autonomiste dans le cadre canadien, ou les deux étant entendus que si la mise en œuvre de la constitution autonomiste est bloquée, la constitution d’un Québec souverain s’appliquera ?

 ?

6. Pour conclure la démarche, la constitution du Québec devrait-elle être adoptée par voie référendaire, par un vote de l’Assemblée constituante, par un vote unanime ou aux deux tiers de l’Assemblée nationale, ou autrement ? Devrait-elle faire l’objet d’une décision unilatérale en cas de blocage de la volonté populaire par l’État canadien ?

Le projet de constitution issu de l’Assemblée constituante sera soumis au choix de la population par référendum, ce qui marquera la fin du processus. La souveraineté populaire signifie que c’est le peuple dans sa totalité qui possède la prérogative de son autodétermination, et non l’Assemblée nationale. Dans le cas d’une victoire référendaire et d’un blocage éventuel de l’État canadien, le gouvernement québécois aura l’autorisation de déclarer unilatéralement l’indépendance du Québec et la mise sur pied des institutions politiques inscrites dans sa nouvelle constitution.

Hypothèse 2 - Les grands principes devant guider la rédaction de cette future constitution du Québec

La constitution du Québec peut contenir plusieurs types de dispositions qui concrétisent la forme de démocratie qui s’appliquera dans un Québec indépendant. Voici quelques questions à clarifier :

1. Comment inscrire le principe de la souveraineté populaire dans la future constitution du Québec ? Doit-on y intégrer les principes de la loi 99 tels quels ? Doit-on y intégrer les éléments clé d’une constitution républicaine ?

La souveraineté populaire nécessite l’inscription de principes républicains clairs. La république doit être le dépositaire de l’intérêt général et reposer sur une démocratie qui rejette toute forme de concentration du pouvoir vidant de sa substance la souveraineté populaire.

2. Quelle forme de régime politique devrait être proposée dans la constitution du Québec : présidentiel, parlementaire ou mixte ?

 ?

3. Doit-on reconnaître les droits des Premières nations dans la constitution du Québec ? Devrait-on faire une place à la protection des institutions de la minorité anglophone ?

Les peuples autochtones n’ont jamais renoncé à leur souveraineté, ni par traité ni autrement. Ils s’affirment donc toujours comme des peuples souverains. Plusieurs d’entre eux occupent de vastes territoires sur lesquels les non-autochtones sont très peu présents. Pour l’ensemble des peuples autochtones, leur souveraineté signifie qu’ils ont le libre choix de leur avenir et qu’il s’agit là d’un droit inhérent. Il nous faut reconnaître cette réalité et éviter d’avoir une politique de « deux poids, deux mesures ». Le peuple québécois ne peut refuser aux autres peuples ce qu’il revendique pour lui-même. Si son existence même, comme peuple, lui confère le plein droit à l’autodétermination, la même chose devrait s’appliquer dans le cas des peuples autochtones. Il ne s’agit pas là d’une question de nombre, mais de droit fondamental. Le droit à l’autodétermination des peuples autochtones peut s’exercer de diverses façons : l’autonomie gouvernementale en représente une ; l’indépendance aussi, bien qu’aucun des peuples autochtones ne porte présentement de projet à cet effet. Des relations égalitaires avec les peuples autochtones n’en nécessitent pas moins le remplacement de l’a priori de l’intégrité territoriale du Québec par une tout autre notion, celle de la nécessaire cohabitation sur un même territoire de peuples souverains pouvant disposer librement de leur avenir.

On sait qu’une importante minorité anglophone a participé depuis longtemps à l’histoire du Québec. À travers le temps, elle a fondé des institutions (entre autres dans le domaine de la santé et de l’éducation) et a acquis des droits spécifiques. C’est pourquoi la constitution du Québec doit reconnaître la légitimité de l’existence de ces droits et de ces institutions, d’autant plus que les anglophones représentent une minorité importante faisant partie intégrante de la nation québécoise et partageant son destin politique.

4. La constitution du Québec souverain devrait-elle prévoir l’existence de gouvernements régionaux élus au suffrage universel ?

Le Québec est composé de régions uniques, généralement définies par des territoires spécifiques et habitées par des populations qui partagent une histoire commune qui en font des communautés vivantes. Ces communautés devraient participer au développement de l’ensemble du Québec et en ont la capacité. Ces régions sont d’ailleurs un peu comme des parties, dont le tout est plus grand que la somme. La constitution doit favoriser le développement des régions du Québec par une démocratisation des instances régionales et la prise en charge par les citoyen-ne-s de ce développement. Pour ce faire, ces instances doivent être représentatives de l’ensemble de la société québécoise et inclure des représentant-e-s élu-e-s incarnant la réalité québécoise dans toute sa diversité, non seulement politique, mais aussi sociale, culturelle et ethnique. Les membres des instances démocratiques seront élus au suffrage universel. Ces dernières seront dotées de pouvoir et de revenus autonomes, ainsi que de mécanismes de péréquation et de démocratie participative.

5. Devrait-on intégrer à la constitution, la Charte de la langue française en la rétablissant dans sa plénitude ?

La nation québécoise se reconnaît déjà elle-même comme diversifiée aux plans ethnique et culturel, avec le français comme langue commune d’usage ainsi que facteur d’intégration. Elle se définit par l’histoire propre de la communauté francophone, mais transformée peu à peu par l’intégration successive d’éléments provenant d’autres communautés. Comme la langue française représente le socle de la culture publique commune, permettant d’opérer le dialogue entre la majorité fondatrice et les minorités, la constitution devra intégrer la Charte de la langue française en la rétablissant dans sa plénitude.

6. Devrait-on intégrer dans la constitution la Charte des droits et libertés de la personne telle quelle, ainsi que le principe de la laïcité ?

La constitution devra intégrer la Charte des droits et libertés de la personne qui consacre les libertés civiles, de même que des droits socio-économiques tels que le droit au logement, à l’éducation etc., ainsi que des droits de troisième génération comme les droits écologiques, des générations futures et à un environnement sain.

La constitution du Québec laïque doit consacrer la séparation des institutions religieuses et de l’État, combinant la neutralité des institutions publiques sur le plan des croyances (incluant le scepticisme et l’incroyance) avec la liberté, pour l’individu, d’exprimer ses propres convictions, dans un contexte favorisant l’échange et le dialogue. Le processus de laïcisation des institutions du Québec n’est toujours pas terminé. L’avancement de ce processus dépend autant d’une politique d’État claire que d’une volonté de l’ensemble de la société d’établir sans concession et de façon définitive la neutralité de l’État sur le plan de la religion. L’État étant laïque, les signes religieux ne sont pas admis dans les institutions publiques (ex. : croix dans le salon de l’Assemblée nationale), ni les manifestations religieuses lors des activités institutionnelles (ex. : prière lors d’une rencontre d’un conseil municipal). C’est l’État qui est laïque, pas les individus. Le port de signes religieux est accepté pour les usagers et les usagères des services offerts par l’État. En ce qui concerne les agents et agentes de l’État, ces derniers peuvent en porter pourvu qu’ils ne servent pas d’instrument de prosélytisme et que le fait de les porter ne constitue pas en soi une rupture avec leur devoir de réserve. Le port de signes religieux peut également être restreint s’ils entravent l’exercice de la fonction ou contreviennent à des normes de sécurité.

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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