Édition du 16 avril 2024

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Asie/Proche-Orient

L’escalade militaire et criminel du régime Assad et de ses alliés contre Alep et les zones libérées

La guerre du régime Assad et de ses alliés contre la population syrienne continue toujours et s’intensifie, particulièrement contre les quartiers libérés d’Alep – qui ne sont pas sous la domination du régime Assad, ni des groupes djihadistes comme Etat Islamique (EI) ou Fateh al-Sham (ex Jabhat al-Nusra) – à nouveau assiégés et qui compte encore environ 250,000 à 300,000 personnes.

Entre le 26 septembre et le 2 octobre, encore plus de 350 civils sont morts, dont une centaine d’enfants, dans les bombardements russes et du régime Assad sur Alep libre, tandis que sur le terrain les forces du régime avec l’aide de plusieurs milliers de combattants du Hezbollah et des milices confessionnelles fondamentalistes chiites encerclent et avancent sur les derniers quartiers sous le contrôle de l’opposition. L’armée syrienne a appelé dimanche le 2 octobre dans un communiqué les groupes d’oppositions armées à évacuer les quartiers est d’Alep affirmant qu’elle garantirait la sécurité de leur passage et leur fournirait l’aide nécessaire. Pour rappel, depuis 2013, le régime de Bachar al-Assad largue des barils d’explosifs sur les secteurs libérés d’Alep, causant des milliers de victimes et des destructions massives.

Deux nouveaux hôpitaux, dont le plus grand hôpital des quartiers libres « l’hôpital M10 », ont du suspendre leurs activités à la suite de bombardements. Seuls six établissements sont encore en activité dans les quartiers est d’Alep. Il faut savoir qu’il y a une politique délibérée du régime Assad et des forces russes de détruire les installations médicales dans les zones libérées. Il y a eu en effet 382 attaques contre des installations médicales en Syrie entre Mars 2011et Juin 2016. 90% des bombardements ont été menées par les forces du régime Assad ou de l’aviation russe. Ces forces ont également tué plus de 700 travailleurs–euses du personnel médical en Syrie. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), la Syrie est le pays le plus dangereux pour les personnels soignants avec 135 attaques contre des centres médicaux en 2015. En même temps, les centres de la Défense civile, connus sous le nom « des casques blancs », qui viennent en aide à la population civile sont également la cible des bombardements. Depuis la fin de la trêve, de trois des quatre centres de la Défense civile et 19 de ces véhicules ont été détruits seulement à Alep. Cela a des conséquences désastreuses sur leur capacité d’intervention en urgence, cette capacité ayant été réduite de moitié alors que les bombardements s’intensifient.

Des membres de Médecins du monde ont d’ailleurs lancé le dimanche 2 octobre 2016 dans le journal Le Monde un cri d’alarme sur la situation des quartiers libérés de l’ Est de la ville d’Alep, en Syrie. La tribune dénonce “un massacre de masse” et “l’abandon d’un peuple” et détaille le terrible quotidien de “la trentaine de médecins héroïques qui ont survécu et qui sont restés” sur place malgré “l’impossibilité d’exercer des soins adaptés” : “opérations réalisées à même le sol, faute de médicaments, (…) amputations de sauvetage réalisées sans anesthésie”…

Plusieurs manifestations et rassemblements ont eu lieu dans certaines zones libérées en solidarité avec Alep et condamnant Putin et Assad comme criminels de guerres comme à Bosra Sham dans la province de Deraa et à Douma dans la province de Damas (voirhttps://syriafreedomforever.wordpress.com/2016/10/04/demonstrations-in-solidarity-with-aleppo-مظاهرات-تضامنا-مع-حلب/).

Dans d’autres régions du pays, les forces du régime Assad aussi poursuivaient des offensives militaires. Dans la province de Damas, la ville libérée de Douma a été la cible de raids intenses par l’aviation du régime Assad et russe. Soutenues par le Hezbollah et des milices fondamentalistes chiites afghanes et même iraniennes, les forces du régime se situent désormais à trois kilomètres à l’est de Douma, la plus grande ville de l’opposition de la Ghouta orientale.

En même temps, le groupe de l’État islamique (EI) a revendiqué ces derniers jours des attentats-suicide, notamment dans la ville de Hama contrôlée par le régime, faisant au moins deux morts et surtout dans village proche de Hassake dans laquelle au moins 22 civils ont été tués et des dizaines d’autres blessés dans une attaque-suicide ayant visé un mariage. Un kamikaze s’est fait exploser à l’intérieur d’une salle dans le village de Tall Tawil au nord de Hassaké où se déroulait le mariage d’un combattant des Forces démocratiques syriennes (FDS).

La poursuite de la guerre par le régime Assad et ses alliés russes, iraniens, du Hezbollah et autres milices confessionnelles contre le peuple syrien rend en l’occurrence impossible tout retour à la paix dans les conditions actuelles. La Russie a d’ailleurs annoncé qu’il enverrait encore davantage d’avions de combats pour intensifier sa campagne militaire en Syrie. Les discussions entre les gouvernements russes et états-uniens pour une nouvelle trêve sont au point mort. Les États-Unis ont d’ailleurs annoncé le 3 octobre qu’ils suspendaient leurs pourparlers avec la Russie sur un cessez-le-feu en Syrie. Malgré la suspension de leurs tractations sur la Syrie, les États-Unis et la Russie vont continuer à échanger des informations à travers le mécanisme de « deconfliction » qui vise à éviter un incident entre leurs avions au-dessus de la Syrie.

Le problème des Etats occidentaux, voire de certains courants de « gauche », dans leur politique dite « réaliste », est de penser qu’on peut réussir à se débarrasser de l’EI et de ses semblables, considérés comme ennemis principaux en Syrie et non le régime Assad responsable de la quasi majorité des environs 500,000 morts et des destructions depuis 2011, avec les mêmes éléments qui ont nourri leur développement : soit l’appui au maintien de régimes ou groupes autoritaires et confessionnels, le soutien apporté à des politiques néolibérales et des interventions militaires…

Or il ne suffit pas de mettre fin militairement aux capacités de nuisance de l’EI et consorts, au risque de les voir réapparaître à l’avenir comme ce fut le cas dans le passé, il s’agit de s’attaquer aux conditions politiques et socio-économiques qui ont permis leur développement. Il faut se rappeler que l’EI, élément fondamental de la contre-révolution, a connu une avancée sans précédent à la suite de l’écrasement des mouvements populaires, en se nourrissant de la répression massive perpétrée par les régimes autoritaires d’Assad et consorts et en attisant les haines religieuses.

Il s’agit donc de lutter contre les éléments qui permettent le développement de l’EI et ses semblables et non les maintenir, tout en soutenant les mouvements populaires démocratiques et non confessionnels qui, malgré des reculs importants, se poursuivent à travers la région, défiant à la fois les régimes autoritaires et les organisations fondamentalistes religieuses. C’est le seul moyen d’éviter des erreurs du passé : la paix, ou une nouvelle Syrie, ne sont pas possibles avec Assad et ses colistiers.

Joseph Daher
4 octobre 2016

Joseph Daher

Militant révolutionnaire syrien résidant actuellement en Suisse

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