Édition du 26 mars 2024

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Collaboration Ricochet-Presse-toi à gauche

La demi-victoire des indépendantistes

En fait, la décision est partagée et leur victoire, contestée.

Les deux regroupements indépendantistes ont obtenu la majorité des sièges au terme de l’élection régionale, transformée en plébiscite sur la question nationale. Or, ils sont tombés à court de la majorité des voix. La coalition du président Artur Mas, Junts pel Si (Ensemble pour le Oui), a décroché 62 sièges. Sa majorité tient aux 10 élus de la Candidature d’Unité populaire (CUP), parti souverainiste d’extrême gauche. À deux, ils ont obtenu 47, 9% du vote populaire

Participation record

Les Catalans ont investi les urnes comme jamais auparavant. Le taux de participation de 77% constitue une victoire en soi pour les indépendantistes. Il prouve qu’ils sont parvenus à faire de ce scrutin un vote unique, loin des élections de routine qu’a tenté de dépeindre le premier ministre espagnol Mariano Rajoy.

Ce résultat laisse place à l’interprétation et permet aux deux camps de claironner. « Nous avons un mandat démocratique que nous honorerons. Nous avons la légitimité, car nous avons gagné », a déclaré un Artur Mas convaincu aux Catalans réunis au centre-ville de Barcelone.

Son plan : lancer un processus de 18 mois qui, dit-il, mènera à la création d’un nouveau pays en 2017.

Le premier ministre espagnol ne fait pas la même lecture de la situation. « Les prétentions de quelques-uns étaient et restent en dehors de la loi. Mais en plus maintenant, il a été démontré qu’ils n’ont pas l’appui de la majorité des citoyens », a réagi Mariano Rajoy plus de 12 heures après l’annonce des résultats.

Rajoy s’est dit ouvert au dialogue tant qu’il n’est pas question de l’unité de l’Espagne et de l’indépendance catalane. Bref, sa position n’a pas bougé d’un iota.

Dans ce contexte, les élections espagnoles de décembre dicteront la tangente du processus indépendantiste. Rajoy réélu : toujours plus de bâtons, jamais de carottes. Rajoy battu : son successeur pourrait être un adepte du vrai dialogue.

Un vrai problème

Il n’est plus possible de l’ignorer : le « problème » indépendantiste catalan existe. Il a été chiffré pour la première fois. Son poids : au moins 48% de la population. « Au moins », parce que 11% des Catalans ont voté pour des partis qui plaident pour la tenue d’un référendum sans appuyer l’indépendance. C’est donc dire qu’ils sont 39% à avoir clairement rejeté l’indépendance. Les indépendantistes réunis au centre-ville dimanche soir savent que leur victoire manque de panache, contrairement aux pas de danse qu’Artur Mas s’est permis sur le podium.

« J’aurais cru avoir une majorité plus convaincante », a laissé tomber Gerard, dans la vingtaine, un drapeau indépendantiste en guise de cape.

Plus loin, Mar, début trentaine, a beau affirmer qu’ « aujourd’hui, c’est la journée qui fait la différence », le manque d’éclat de son sourire trahit son doute.

Les défis de Mas

Artur Mas a le mandat qu’il désirait, mais plusieurs défis l’attendent. D’abord, former cette alliance avec la CUP.

Quand Mas s’est présenté sur scène, la foule a scandé « président », mais ce statut ne semble pas garanti. La CUP ne veut pas de lui à la tête du gouvernement. Elle lui reproche ses politiques de centre-droit et les soupçons de corruption qui pèsent sur son parti Convergencia. Les Québécois s’y reconnaîtront : on suspecte son parti d’être à l’origine d’un système d’attribution de contrats en échange de redevances de 3% !

Mas devra ensuite relancer les négociations avec Madrid. Avec moins de 50% des appuis populaires, il est peu probable que la communauté internationale intervienne à son avantage pour faire bouger l’intransigeant gouvernement espagnol.

Et puis, Mas devra éviter de tomber dans les pièges juridiques tendus par Madrid tout en construisant les structures d’État qu’il a promises et en rédigeant la constitution de cet éventuel pays. Le premier ministre Mariano Rajoy a amorcé une réforme du Tribunal constitutionnel pour rendre plus facile la suspension du président catalan advenant une déclaration unilatérale d’indépendance.

Les indépendantistes catalans ont l’amertume à la bouche en ce lundi de septembre. Mais après des années à préparer leur baluchon, ils viennent de franchir le premier pas d’une randonnée dont ils ignorent la destination exacte, mais qui pourrait les mener vers les sommets où habitent leurs rêves.

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