Édition du 10 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Israël - Palestine

La guerre Israël-Gaza : un point tournant ?

Toutes les contradictions de l’Occident se trouvent résumées dans l’interminable conflit israélo-palestinien.

Le dernier épisode en date (et peut-être le plus sanglant) est l’affrontement entre l’extrême-droite israélienne et son équivalente gazaouie. Le fanatisme en effet ne loge pas dans un seul camp. Israël compte aussi ses extrémistes, dont certains occupent de hauts postes dans le gouvernement, à commencer par le premier ministre Benyamin Netanyahou. Cela n’empêche pas la plupart des classes politiques occidentales de soutenir l’État hébreu sans condition, en dépit de réserves formulées épisodiquement sur la brutalité dont font preuve les autorités israéliennes à l’endroit des Palestiniens de Cisjordanie et de Jérusalem-Est et surtout de leur poursuite éhontée de la colonisation dans 60% des "territoires occupés".

Toutefois, l’actuel affrontement à Gaza représente peut-être un tournant dans ce conflit, peut-être le plus brutal en raison du grand nombre de victimes gazaouies entassées dans un si petit territoire (de la taille des trois quarts de l’île de Montréal) et de la solidité imprévue du Hamas dans sa défense de Gaza.

Tout d’abord, on observe un retournement ouvert d’une bonne partie des opinions publiques occidentales en faveur de la résistance palestinienne, en particulier aux États-Unis ; même le Parti démocrate est divisé sur cette question brûlante et certains y remettent en cause l’appui militaire sans failles que la Maison-Blanche a toujours apporté à l’État hébreu. Les déclarations de membres de la gauche démocrate comme Bernie Sanders (lui-même Juif) et Alexandria -Octavia Cortez l’illustrent bien, ce qui modère les ardeurs sionistes de Joe Biden et de sa garde rapprochée. Lors de la visite de Netanyahou au Congrès, plusieurs députés démocrates s’étaient ostensiblement absentés quand il s’est adressé aux congressistes.

On peut faire mention aussi des vastes mouvements de soutien à la cause palestinienne dans le milieu étudiant, aux États-Unis et ici même, une première dans ce dossier. Ces mouvements d’appui dureront-ils ou s’éteindront-ils peu à peu ? Difficile de le prévoir, mais chose certaine il n’y aura pas de retour en arrière. La cause palestinienne a quitté la marginalité et les classes politiques devront tenir compte de cette expansion.
La candidate démocrate à la présidence Kamala Harris ne s’est pas encore prononcée ouvertement sur le sujet, ce qui se comprend vu les divisions qui affectent son parti, mais chose sûre, si elle accède à la présidence, elle ne pourra que mieux faire pour résoudre ce problème délicat que Donald Trump.

Au Canada, les libéraux de Justin Trudeau sont divisés aussi entre une aile pro-israélienne et une autre pro-palestinienne, ce qui rend compte des louvoiements du gouvernement à l’égard de la guerre Israël-Gaza.

En Israël même, le conflit pèse lourdement sur l’économie, notamment le tourisme qui a chuté de manière spectaculaire. Mais le cabinet Netanyahou dans on obsession de "détruire le Hamas", a adopté une politique jusqu’au boutiste, ce qui illustre bien son aveuglement et sa témérité. Il va même jusqu’à faire assassiner de hauts gradés du Hamas et du Hezbollah respectivement en Iran et au Liban. Des considérations de politique interne entrent en ligne de compte pour expliquer cet acharnement de Netanyahou et consorts à poursuivre le conflit. C’est bien connu, rien de mieux qu’une guerre pour souder l’opinion publique de son côté et faire passer à l’arrière-plan ses turpitudes. La politique intraitable de Netanyahou est de plus en plus contestée en Israël, en particulier par les familles et les proches des otages détenus par le Hamas. De plus, des responsables militaires et politiques israéliens pourraient faire l’objet de poursuites pour crimes de guerre devant le tribunal pénal international. Netanyahou lui-même est poursuivi par la Justice de son propre pays pour diverses malversations. La continuation du conflit permet de repousser en avant ces poursuites au nom du "patriotisme".
Enfin, la guerre a montré les limites opérationnelles de l’armée israélienne jusqu’ici réputée invincible. Les maquisards gazaouis au contraire, bien que relativement mal armés en comparaison, lui tiennent résolument tête, malgré les coups de boutoir que l’armée ennemie lui inflige, mais surtout à la population civile.

Pour sa part, le gouvernement gazaoui a prouvé une remarquable capacité de planification et d’organisation par l’ingénieux réseau de tunnels qu’il a fait creuser afin d’assurer le succès de l’offensive du 7 octobre 2023.

Enfin, les autorités militaires israéliennes arrivent mal à maîtriser la résistance croissante de la population cisjordanienne et encore moins à l’écraser.

On pourrait donc affirmer avec prudence que la durée du conflit joue finalement en faveur du Hamas. Il est devenu impossible pour les alliés d’Israël de minimiser la gravité des affrontements entre les deux antagonistes. Surtout, vu les abus, voire les crimes de guerre commis par le gouvernement israélien à Gaza, la "méchanceté" change de camp. Des responsables israéliens risquent de faire face à des accusations devant la justice internationale. C’est déjà le cas pour les responsables du Hamas en raison de l’attaque du 7 octobre contre des civils israéliens, mais on peut faire ressortir qu’elle ne justifie nullement la démesure des représailles du gouvernement de Tel-Aviv contre les gens de Gaza. Ce serait la première fois qu’on reconnaîtrait le mauvais rôle à Israël et que certains de ses dirigeants feraient face à des poursuites judiciaires internationales. Si le gouvernement américain s’y opposait, sa crédibilité s’en trouverait grandement diminuée.
En définitive, la cause palestinienne en voit sa légitimité renforcée. Il est très dommage qu’une guerre ait été nécessaire pour en arriver là.

Washington, en tant qu’allié principal d’Israël aura un rôle important à jouer dans le processus de paix entre Israéliens et Palestiniens. Si la Maison-Blanche maintient la ligne dure envers la partie palestinienne et sa complaisance envers son équivalente israélienne, l’instabilité politique et militaire continuera à faire des ravages encore longtemps au Proche-Orient et qui se feront sentir ici même en Occident. Dans cet affrontement, les États-Unis sont à la fois juge et partie. Une politique déséquilibrée en faveur d’Israël ne peut que miner les efforts de paix que réclament un nombre grandissant de voix.
Pour finir, il faut insister sur un dernier point trop souvent négligé : laisser les Palestiniens choisir librement leurs représentants lors de futures négociations de paix. Il faut éviter d’essayer de leur imposer une délégation plus ou moins à plat-ventriste afin d’aboutir de leur part à une capitulation déguisée.

Un pareil "accord de paix" bancal ne tiendrait pas longtemps la route et s’effondrerait à cause du mécontentement populaire en Palestine. On en reviendrait donc au point de départ : le jeu de massacre. Est-ce vraiment ce que veulent les alliés d’Israël ?

Jean-François Delisle

*****

Abonnez-vous à notre lettre hebdomadaire - pour recevoir tous les liens permettant d’avoir accès aux articles publiés chaque semaine.

Chaque semaine, PTAG publie de nouveaux articles dans ses différentes rubriques (économie, environnement, politique, mouvements sociaux, actualités internationales ...). La lettre hebdomadaire vous fait parvenir par courriel les liens qui vous permettent d’avoir accès à ces articles.

Remplir le formulaire ci-dessous et cliquez sur ce bouton pour vous abonner à la lettre de PTAG :

Abonnez-vous à la lettre

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par les responsables.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Sur le même thème : Israël - Palestine

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...