Édition du 16 avril 2024

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Livres et revues

Le N° 2 de la Revue du Crieur est en vente

Deuxième livraison de la Revue du Crieur, co-éditée par Mediapart et La Découverte. Trois numéros par an d’enquêtes sur les idées et la culture. Au sommaire, notamment : la boîte à idées de Podemos ; la nouvelle pensée unique française ; le krach de la pensée économique ; penser Internet ; la science-fiction africaine, etc.

Toutes les précisions sur la revue, ses sommaires et ses auteurs sont sur notre site dédié : www.revueducrieur.fr .

L’éditorial de ce deuxième numéro, « La haine des causes », est à lire ici, sur le blog de Joseph Confavreux, son corédacteur en chef avec Rémy Toulouse.

Voici le sommaire de ce deuxième numéro :

  Joseph Confavreux et Marine Turchi, Aux sources de la nouvelle pensée unique : du chevènementisme au FN, l’ascension d’une République conservatrice et nationaliste.

  Michaël Moreau, A quoi sert la Vila Médicis : dans les coulisses d’une institution à bout de souffle.

  Nicolas Chevassus-au-Louis, Pourquoi Badiou est partout : de Platon aux plateaux de télés, parcours d’un philosophe radical-médiatique.

  Oulimata Gueye, La science-fiction africaine, laboratoire d’un autre futur.

  Laura Raim, Le krach de la pensée économique : comment la crise a percuté les économistes.

  Portfolio de Kiluanji Kia Henda, Icarus 13 ou le premier voyage vers le soleil.

  Ludovic Lamant, La boîte à idées de Podemos : quand des intellectuels veulent conquérir le pouvoir.

  Zoé Carle, Les étranges métamorphoses de la chanson arabe : d’Oum Kalthoum à Haifa Wehbe, la musique moyen-orientale, entre commerce et politique.

  Philippe Bihouix, Les technosciences ou l’utopie corrompue.

  François Cusset, Les nouvelles logiques de la révolte : enquête sur le renouveau pratique et théorique de la contestation.

  Claire Richard, Penser Internet : une histoire intellectuelle et désenchantée du réseau.

La haine des causes
05 octobre 2015 | Par Joseph Confavreux

Depuis le 24 août 2015, les sciences politiques ont disparu d’Ouzbékistan. Le despote Islam Karimov a décidé de bannir tous les livres traitant de ce sujet, versés dans un « fonds spécial » inaccessible, et de remplacer ce cursus universitaire par des cours de « théorie et pratique de la construction d’une société démocratique en Ouzbékistan ». Le ministre japonais de l’Éducation, Hakubun Shimomura, s’est, lui, contenté, d’envoyer une lettre aux présidents des quatre-vingt-six universités du pays pour leur demander de se débarrasser des départements de sciences sociales et d’humanités « ou de les convertir afin qu’ils correspondent mieux aux besoins de la société ».

Sans parvenir à de telles extrémités, la France et l’Europe, du moins leurs classes dirigeantes, semblent habitées par une semblable peur des savoirs qui dérangent, expliquent et éclairent. Au temps long de la réflexion, elles préfèrent l’immédiateté de la communication. À la recherche des causes, par la perspective historique ou par l’investigation sociologique, elles opposent l’urgence de l’action. À la complexité d’une pensée en mouvement, elles préfèrent la simplicité de mots d’ordre qui figent, assignent et immobilisent : restaurer la République, faire la guerre au terrorisme, réduire les déficits publics – quoi qu’il en coûte aux peuples et aux individus.

Qu’il s’agisse de la crise grecque ou des menaces terroristes, des enjeux sécuritaires ou des questions économiques, la politique contemporaine dans sa version dominante a choisi d’ignorer ce qui fait les sociétés : leur histoire, leurs structures, leurs contradictions sociales et, par-dessus tout, leur foncière diversité ethnique, culturelle et religieuse. Les sciences humaines et sociales sont ainsi bannies, discréditées ou vilipendées, au nom du fait qu’elles installeraient une « culture de l’excuse ».

Tout effort d’explication historique ou d’analyse sociologique d’un phénomène social est disqualifié comme tentative de justification. Aussi absurde que grossier, ce soupçon est une arme idéologique au service de l’ordre établi, justifiant une politique fière de ne plus penser à long terme. Évacuées, les causes sociales de la délinquance, les origines historiques de l’État islamique et de la décomposition du Moyen-Orient, les fondations idéologiques de la crise des dettes publiques et de la zone euro. Circulez, il n’y a plus rien à penser !

Défendant en 1939, face aux totalitarismes, le ressort vital de l’exigence démocratique, le grand philosophe américain John Dewey avait par avance répondu à cet aveuglement politique tissé d’ignorance et de court terme. Recommandant de se « débarrasser des idées qui mènent à croire que les conditions démocratiques se maintiennent par elles-mêmes automatiquement ou qu’elles peuvent être identifiées à l’accomplissement des prescriptions inscrites dans une constitution », il plaçait l’enquête au cœur du « mode de vie démocratique », tant les savoirs qu’elle apporte sont indispensables pour construire patiemment des « habitudes démocratiques de pensée et d’action ».

C’est la raison d’être de la Revue du Crieur, dont le numéro 2 sera en librairie et en Relay le 22 octobre prochain, et en avant-première aux Rendez-vous de l’Histoire, de Blois, samedi prochain.

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