Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Le devoir de résistance !

Je ne sais pas si vous êtes comme moi mais n’avez-vous pas cette fâcheuse impression, de plus en plus prégnante, partagée par plusieurs, que l’on se fait avoir de tous bords tous côtés ?

Poursuivant la recension d’événements de l’actualité propres à susciter de sérieux questionnements, j’aimerais revenir sur quelques exemples, parmi tant d’autres, d’agissements et de décisions, de la part de nos élites (sic) politiciennes et économiques qui, selon moi, devraient nous préoccuper, voire nous porter à exiger des correctifs et de profonds changements dans la façon de faire. Je dirais même qu’il y a, de plus en plus, de la part de la société civile, un certain devoir de résistance.

Haro sur les CPE

S’il est un volet des politiques familiales du gouvernement du Québec qui, depuis sa création en 1997, a contribué à l’amélioration des conditions de vie de tous les Québécois, ce sont bien les CPE ou Centres de la petite enfance. Ces pépinières des citoyens de demain ont à la fois favorisé le développement des jeunes enfants tout en permettant à de nombreuses femmes, jusqu’à soixante-dix mille, au fil des ans, d’intégrer le marché du travail, en étant assurées que leurs enfants soient entre bonnes mains. Ce réseau, salué par d’autres gouvernements a, selon les statistiques, même été profitable à l’État, faisant augmenter le PIB de cinq milliards de dollars et le taux d’emploi de 1,7 %. Cela est fort appréciable.

Mais aujourd’hui, ce bel édifice vacille. Depuis la vague d’austérité, ce véritable tsunami de coupes à la ronde qui s’abat sur le Québec depuis l’arrivée au pouvoir du Parti libéral, cet important volet de la vie en société chez nous subit les coupes à la tronçonneuse d’une administration qui ne carbure qu’au sacro-saint équilibre budgétaire, au détriment d’une gestion des affaires de l’État davantage axée sur l’humain. Des hausses de tarifs, résultats d’une nouvelle modulation, ainsi que des coupes, de l’ordre de 120 millions de dollars dans le budget des CPE, sont en train de rendre exsangues ces entreprises dont la mission, des plus bénéfiques pour toute la société, n’est plus à prouver.

Selon Louis Sénécal, président de l’AQCPE, l’Association québécoise des centres de la petite enfance, cela peut représenter 12 % du budget annuel d’un CPE, soit l’équivalent de devoir couper de deux à trois postes d’éducatrices, des heures à la cuisine et un fort pourcentage des dépenses en entretien ménager. De plus, la nouvelle modulation des tarifs fait en sorte que plusieurs parents vont devoir payer des milliers de dollars en plus pour ces services. Et ce n’est pas l’offre quelque peu cynique d’un nouveau programme de prêts pour acquitter ces factures, annoncé par le Mouvement des Caisses Desjardins, qui pourra recoller les pots cassés... Finalement, tout cela fait ressortir la volonté, de plus en plus affichée, de favoriser le réseau des garderies commerciales privées. Or, des études ont clairement indiqué que le service offert dans les CPE est meilleur que dans les garderies privées.

Ici même aux Îles, Sylvie Bourgeois, directrice du CPE La Ramée, lance un cri d’alarme à l’effet que si le gouvernement va de l’avant avec ses coupes appréhendées, ce Centre de la petite enfance se dirige tout droit vers la faillite technique. Cela n’augure rien de bon !

Une question toute simple. Dans quel genre de société vivons-nous quand, du même souffle, on investit 1 Milliard 300 Millions$ de fonds publics dans une entreprise d’aéronautique privée, Bombardier, pour ne pas la nommer, investissement sans garantie de retours profitables à la collectivité, et que l’on coupe allègrement dans les services de première ligne du savoir-vivre en société, nos garderies ? Et que dire du scandale de ces millionnaires, clients de la firme-comptable KPMG, qui ont été graciés de toute pénalité quand leur stratagème visant à éviter de payer leur juste part d’impôts a été découvert...

Au plus fort la poche

Puis, dans le camp des nantis, des pleins jusqu’à l’os, nous apprenons que, l’an dernier, les salaires des cinq dirigeants des grandes banques à charte canadiennes, plus celui de la directrice des Caisses Desjardins, supposément mouvement coopératif, ont fait, en 2015, des bonds appréciables s’élevant, pour ces seules 6 personnes, à la coquette somme totale de 51, 5 millions de dollars.

Dites-moi donc ce que ces privilégiés, banquiers et autres PDG, vont faire avec tout cet argent ? Qui a vraiment besoin de tant de fric ? Comment peuvent-ils justifier de telles rétributions ? On va certes, nous seriner que c’est la compétitivité entre les entreprises qui est en cause de telle sorte qu’il faut toujours payer plus cher que le voisin pour trouver la meilleure personne... Ce charabia immonde convainc de moins en moins de gens. Ne doit-on pas plutôt y voir le fait que, dans nos sociétés inégalitaires à outrance, il y a des hommes et des femmes qui, littéralement, vivent dans un monde à part, hors du commun de la population. Dignes représentants de ce que d’aucuns ont qualifié, à juste titre, de capitalisme sauvage, pensez-vous que ces gens se posent des questions telles que de savoir si le dernier objet de luxe qu’ils vont s’offrir puisse être le résultat du travail d’enfants maltraités qui, dans des pays du tiers-monde, les ont fabriqués ? Ou de l’effet sur notre environnement de cette logique consumériste qui poursuit, sans freins, la dévastation écologique de tant de contrées sur notre planète ? Je me permets d’en douter...

Ces exemples, parmi tant d’autres, devraient, je l’estime, nous porter à réfléchir sur le type de société dans lequel nous vivons. Toutes ces fuites en avant destructrices de tout ce qui ressemble, de près ou de loin, à de l’entraide, au souci du voisin, à son bien-être, surtout celui des moins bien nantis, nous mènent dans un cul-de-sac. Cette façon de gérer le bien commun, cette gouvernance à l’aune de la seule logique comptable du néolibéralisme, tout cela heurte, de plein fouet, la notion d’un partage plus équitable de la richesse. Aussi, l’on voit poindre, dans de plus en plus de milieux, un véritable ras le bol de gens qui revendiquent, à juste titre, plus d’équité et plus d’attention au bien commun. Il faudra bien qu’un jour, l’apathie générale de tant de nos concitoyens cède la place à la prise en mains de nos affaires, dans l’intérêt de toute la population et non d’un seul groupe sélect. J’oserais même dire que les puissants de ce monde, qu’ils en soient conscients ou pas, sont en train de créer les conditions d’un soulèvement populaire qui, si les choses ne changent pas, ne manquera certes pas de se manifester, un jour ou l’autre...

Michel Saint-Laurent

Ile de la Madeleine

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