Édition du 21 octobre 2025

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Planète

Réponse à Robert Lochhead : le capitalisme vert en grand est un cul-de-sac

L’écosocialisme est incontournable, bon marché, solidaire, emballant

En quelques lignes, dans sa série de deux articles publiés par le site À l’Encontre et repris par ESSF et Presse-toi-à-gauche, Robert Lochhead brosse un tableau percutant de l’état du monde tout en soulignant pourquoi l’essentiel, la crise climatique, est perdue de vue :

Depuis 1990, toute la politique du réchauffement climatique n’a-t-elle donc été qu’un théâtre hypocrite ?

L’objectif de Paris en 2015, c’était de ne pas dépasser en 2100, 1,5ºC-2ºC de plus qu’en 1850. Or aujourd’hui, nous avons déjà atteint 1,5ºC de plus et le monde continue à brûler toujours plus de combustibles fossiles. À ce rythme, nous allons vers 3ºC voire 4ºC de plus en 2100. Soit un monde invivable pour les milliards d’êtres humains les plus vulnérables.

L’ambiance est plombée par l’extermination des Palestiniens à Gaza, la récente guerre d’Israël et des États-Unis contre l’Iran, et la poursuite de l’offensive russe contre l’Ukraine, et les progrès partout de l’extrême-droite, qui est négationniste du réchauffement climatique.

La faim, la misère, les guerres, l’oppression, l’exploitation avec ses bas salaires et la précarité, ainsi que les distractions des médias, masquent le problème aux yeux des larges masses que les gouvernements ne se préoccupent d’ailleurs pas d’éclairer et alerter.

Tout le bla-bla-bla des COP, de dire Greta Thunberg, depuis plus de trente ans, soit depuis la conférence internationale sur le climat à Rio de Janeiro en 1992, a abouti à ce que « [d]e 1990 à 2021, la part à la production mondiale primaire d’énergie des combustibles fossiles a, certes, baissé de 81,36% à 80,34% grâce au développement des énergies renouvelables. Mais leur quantité absolue a presque doublé… » Côté génération d’électricité, « le solaire et l’éolien [en] représentent aujourd’hui 10%. » Pourquoi ce quasi-boycott de la prise en main climatique ? D’expliquer Robert Lochhead :

Globalement, le coût de remplacement de l’infrastructure fossile et nucléaire existante est d’au moins 15 à 20 trillions [mille milliards] de dollars. […] Les capitalistes des fossiles ne défendent pas seulement leurs profits mais surtout la rentabilité de leurs gigantesques capitaux fixes pas encore amortis et résultant d’investissements réalisés relativement récemment partout dans le monde. Probablement que beaucoup de décideurs du monde se rassurent en pensant que le progrès scientifique va apporter dans dix ou vingt ans des solutions insoupçonnées aujourd’hui qui ne perturberont pas la marche du business et permettront même de faire des bonnes affaires. Et, si possible, faire payer la facture aux salariés-consommateurs, par le jeu des prix protégeant les profits, ce qui ne cesse de discréditer la lutte contre le changement climatique aux yeux des couches les plus pauvres de la population, ce que l’extrême-droite exploite malicieusement.

Le mythe de la gratuité des énergies dites renouvelables ignorant les coûts fixes

À cette explication lapidaire mais en plein dans le mil, l’auteur en ajoute cependant une autre : « …la baisse des prix des énergies renouvelables diminue la rentabilité des capitaux qui s’y placent pour les vendre. Une fois que les panneaux solaires sont vendus et installés, le soleil est gratuit alors que les combustibles fossiles doivent être achetés tous les jours. Seuls les combustibles fossiles offrent des bénéfices à deux chiffres. » Ce point apparaît exact mais il est finalement incorrect. Les énergies solaire et éolienne sont certes plus qu’abondantes, partout et apparemment gratuites mais elles sont aussi diffuses (non concentrées comme celles fossiles) et intermittentes. En découle que par kWh elles requièrent beaucoup plus de matériaux et d’espace que les hydrocarbures y compris pour les fermes de batteries ou autres technologies d’entreposage.

On objectera fort à propos que les énergies solaire et éolienne étant partout, elles n’ont pas besoin de coûteux systèmes de transport (pipelines, chemins de fer, bateaux, ports) en autant que leur production soit décentralisée. Sauf pour le solaire auto-produit, il faut quand même un réseau électrique adaptée au grand nombre de sources de captation et au caractère variable de celle-ci, ce qui n’est pas bon marché. Somme toute, si les énergies solaire et éolienne ont un coût variable nul, leur coût fixe dû aux équipements gargantuesques pour les capter et les stocker est loin de l’être. À bien y penser, les hydrocarbures sont eux aussi gratuits sous forme brute. Ils sont aussi un cadeau de la nature. Leurs coûts résident dans leur extraction, leur raffinage pour le pétrole, et surtout leur transport tandis que les coûts des énergies solaire et éolien résident dans leur captationtransformation, une forme d’extraction, et leur transport.

La rente des fossiles soutenue par les ÉU les avantage malgré un coût supérieur

Dans les deux cas, le prix rentabilise les coûts fixes non seulement en fonction du profit moyen de l’économie globale mais aussi de la rente propre à l’extraction des ressources naturelles. La rente des hydrocarbures est surtout fonction de la difficulté de l’extraction mais aussi de la distance du transport. La rente des productions éolienne et solaire est fonction du degré d’ensoleillement ou de l’intensité-régularité du vent de la localisation des équipements de captation et aussi du transport. La différence entre les deux systèmes est que celui des hydrocarbures est mature. En termes de la loi du développement capitaliste menant à la centralisation-concentration il est sous l’emprise d’oligopoles géants, privés et étatiques, opérant mondialement. Le système des énergies renouvelables est en développement, quoique certaines entreprises émergent. Donc ce dernier reste fortement concurrentiel comme en témoignent les difficultés de l’industrie des panneaux solaires en Chine et même celle éolienne sous attaque trumpienne.

Il en découle que le secteur des hydrocarbures paraît plus rentable que celui solaire-éolien bien que le coût moyen par kWh de l’énergie solaire-éolienne est depuis peu moins élevé en général que celui des hydrocarbures. Ce facteur économique se combine à un facteur politique. Dans l’affrontement des deux superpuissances pour l’hégémonie mondiale, la plus puissante a opté toutes voiles déployées pour les hydrocarbures au point de menacer la rentabilité du secteur éolien par ses annulations de projet. La Chine, quant à elle, a opté pour le solaireéolien au point de mettre en cause la rentabilité du solaire par son généreux soutien à ce secteur.

Attention ici au terme chargé idéologiquement de « renouvelable ». Les réserves de charbon peuvent encore durer plus d’un siècle, et la technologie du fracking a repoussé les réserves pétrolières et gazières prouvées à un demi-siècle dans chaque cas. Cependant, les sites les moins chers pour l’extraction des hydrocarbures ont été épuisés depuis longtemps quoique les dictatures du MoyenOrient, en connivence avec les grandes pétrolières, les égrainent à petit feu pour maximiser leurs rentes. Quant au solaire-éolien, les meilleurs sites abondent encore non seulement ceux les plus ensoleillés ou venteux mais ceux à proximité des réseaux de transport et des importantes clientèles. Ce facteur rentier y est pour beaucoup afin d’expliquer le récent coût inférieur des énergies dites renouvelables.

Les énergies solaire-éolienne amplifient et se superposent aux énergies fossiles

Les énergies renouvelables charrient leur lot de pollution et d’épuisement des ressources y compris pour les émanations de GES et la destruction des habitats. Comme les énergies fossiles, elles ne remettent pas en question la domination du système de transport par le véhicule solo, celui électrique se substituant celui à essence, et de ce fait la domination de l’habitat humain par la « villa unifamiliale » pour employer la juste expression de Robert Lochhead. En résulte dans les deux cas un étalement urbain à la circulation congestionnée dévoreur énergivore de ciment, d’acier et d’asphalte sans compter les espaces naturels et agricoles et emprisonnant le peuple-travailleur dans le piège de la dette hypothécaire et automobile.

La fabrication des véhicules individuels électriques, en particulier des batteries, est aussi très polluante et énergivore et par là émettrice de GES puisque 80% de l’énergie mondiale est encore fossile comme le rappelle fort à propos Robert Lochhead. Même l’exception hydroélectrique québécoise n’y échappe pas totalement puisque les mines nordiques loin du réseau électrique doivent recourir à l’énergie fossile. Non seulement le tout-électrique dit renouvelable ne se détache pas des énergies fossiles mais tant leur recours à davantage de matériaux par kWh produit, l’onéreux objectif de la substitution des fossiles par les dite renouvelables et la complexité technologique des panneaux, éoliennes et batteries exigent une expansion géométrique des mines à ciel ouvert, nécessitées par la très basse densité dans la croûte terrestre de ces minéraux et terres rares, avec leurs ravages connus environnementaux et sociaux. Finalement les énergies dites renouvelables loin de se substituer aux énergies fossiles s’y superposent comme au XXe siècle le pétrole et le gaz n’ont pas remplacé le charbon mais s’y sont ajoutés tout en le laissant croître et de beaucoup.

L’auteur oublie la croissance inhérente au capitalisme vert à soutenir par la gauche !

On touche ici à la croissance inhérente au capitalisme du simple fait de l’accumulation du capital cherchant à se valoriser pour ne pas périr. Mais l’auteur n’aborde pas le débat sur la décroissance car « [i]l n’existe aujourd’hui aucun rapport de forces social pour un écosocialisme même si c’est la solution véritable. Cela n’imposerait rien de moins qu’abolir le capitalisme. » D’office Robert Lochhead accepte donc par défaut l’inévitable paradigme de la croissance. Plutôt « il faut proposer à un mouvement social des objectifs prioritaires, à court et moyen terme, qui soient le ferment d’une lutte à long terme plus globale. Des objectifs qui soient repris par un mouvement social comme un pont entre la situation actuelle et la nécessaire transition ces prochaines années vers des objectifs de transformation à grande échelle plus vastes si le mouvement social se renforce. » Concrètement, il s’agit de « l’idée d’un plan Marshall » soit un capitalisme vert passant de petits projets, qui en ce moment pullulent, à de grands projets qui font une différence.

De dire l’auteur, « [j]e paraphrase le Programme de Transition de Léon Trotsky de 1938 » du moins il s’en inspire. Est-ce que l’actuel capitalisme vert des petits projets peut mener à celui des grands projets comme antichambre de la rupture écosocialiste ? That is the question. L’auteur prend la peine de chiffrer ce saut vers les grands projets :

[Selon Cédric Durand] Dans son dernier rapport sur l’énergie, Bloomberg (New Energy Outlook 2021) estime qu’une économie mondiale en croissance nécessitera un niveau d’investissement dans l’approvisionnement et les infrastructures énergétiques compris entre 92 000 et 173 000 milliards de dollars au cours des trente prochaines années. L’investissement annuel devra plus que doubler, passant d’environ 1700 milliards de dollars par an aujourd’hui à une moyenne comprise entre 3100 et 5800 milliards de dollars par année. »

L’auteur montre que de telles sommes sont déjà disponibles chaque année mais que le grand capital les oriente essentiellement vers le statu quo des hydrocarbures :

De COP en COP, ce sont 1300 milliards $ qui ont été promis aux pays dits en développement pour chaque année dès 2035. Une grande partie seront des prêts, qui vont augmenter leur dette, et le reste devrait être des investissements privés. Cela reste vague. [16] Ce sont des promesses. Pour le moment, même les 100 milliards par année promis pour le Fonds vert pour le Climat, destiné à être géré par la Banque mondiale, n’ont pas été versés par les pays riches. Entretemps, durant l’année 2021-2022, les compagnies pétrolières et gazières ont fait 4000 milliards $ de bénéfices.

Comment y arriver ?

Il faudrait exiger des conférences internationales des pays disposés à agir efficacement et qui constituent une masse suffisante pour avoir un effet notable sur la planète, ce qui est appelé diplomatiquement « union of the willing. » Par exemple, l’Union européenne plus le Canada, l’Australie et la Nouvelle Zélande, soit des pays où une pression populaire, une force démocratique, peut s’exercer sur les gouvernements. Plus la Chine, si elle réalise ses promesses de mesures efficaces contre le réchauffement climatique.

Robert Lochhead propose une poussée mobilisatrice au sein des pays du vieil impérialisme qui jusqu’ici reste fidèle à l’application des normes de la démocratie parlementaire, même virant à droite toute, sur fond d’une économie néolibérale se durcissant. Faute, selon ces critères, de pouvoir inclure les ÉU trumpiens et ainsi pouvoir prétendre à une masse critique, il inclut la Chine, à la fois championne des énergies fossiles et renouvelables, se situant cependant aux antipodes de toute démocratie quelle qu’elle soit. Probablement que l’auteur s’en remet à la logique de la compétition entre les deux superpuissances eu égard aux formes d’énergie.

Une transition à la Trotski consolidant le capitalisme vert contre l’écosocialisme !

Est-ce là une logique de transition à la Trotski créant les « conditions gagnantes » d’une rupture écosocialiste ? Qui dit rupture écosocialiste dit décroissance matérielle et croissance des services aux personnes, à commencer par ceux publics tendant à la gratuité parce que financés par la socialisation de la Finance et par la fiscalité progressive. Il y a les services publics existants à approfondir pour annuler les coupes qui les ont charcutés au point de leur faire mauvaise réputation, et ceux à élargir pour répondre à des besoins essentiels tels les transports, le logement social, l’énergie et l’alimentation de base, l’accès aux lacs et rivières… Il s’agit aussi d’un enjeu qualitatif et non seulement quantitatif. Le principe de décroissance matérielle commande de substituer le transport actif et en commun au véhicule privé, le logement collectif entouré de services de proximité, de jardins communautaires et parcs accessibles à pied à la place de la villa unifamiliale dans des banlieues motorisées, des aliments végétariens et frais remplaçant viandes et aliments ultratransformés, des vêtements originaux qui durent remplaçant ceux prêts-à-porter-prêts-à-jeter, des produit électroménagers et électroniques durables et réparables.

Rien à voir donc avec la société de consommation de masse qui répond de travers
ou pas du tout aux besoins essentiels parce qu’elle est le corollaire de l’accumulation capitaliste. L’écosocialisme, au contraire, récuse la logique capitaliste de la compétition de toustes contre toustes visant l’accumulation matérielle illimitée et aboutissant au militarisme pour lui substituer une société du soin et du lien axé sur le développement des personnes et sur leur solidarité pour ne laisser personne derrière. Une société écosocialiste ne vise donc pas à produire pour produire mais à produire pour reproduire une société de plus en plus riche socialement que ce soit dans le domaine des sciences, des arts, de l’organisation solidaire. Il n’est pas étonnant que l’écosocialisme converge avec l’écoféminisme axé aussi sur le soin et le lien pour la reproduction sociale et sur le buen vivir autochtone axé sur la reproduction de la terre-mère étant entendu que l’un est nécessaire à l’autre et vice-versa.

Le passage des « petits projets » aux « grands projets » prépare-t-il la rupture écosocialiste ? Ce passage s’accomplissant dans le cadre du capitalisme, il déboucherait sur de grandes réformes propres au croissanciste capitalisme vert. L’image qui vient en tête est l’actuel modèle chinois étendu au moins aux grands pays riches sauf aux ÉU nous dit l’auteur. On peut imaginer au mieux une course entre énergies dites renouvelables et celles fossiles que gagneraient à terme, mais quand, les premières. Mais comme les lourds investissements massifs dans les équipements pour les énergies renouvelables, en croissance continuelle, nécessitent le recours aux énergies fossiles pour un bon bout de temps, les énergies fossiles continueront de croître même si elles deviendront relativement moins importantes que celles renouvelables.

« Grands projets » vers le « basculement catastrophique de la civilisation humaine »

La vitesse de croisière de ce réformisme vert n’est pas suffisante pour respecter les plafonds prudents de hausse de la température fixés par le GIEC avant que se déclenchent les rétroactions dues aux points de bascule (fonte des glaciers, permafrost…) qui provoqueront « un basculement catastrophique de la civilisation humaine » comme l’auteur le dit et le montre. Il faudra donc, en parallèle, pour reprendre des parties de sous-titres de l’auteur, « [c]apturer le CO2… », utiliser des « technologies à émissions négatives » comme « la BECCS, bioénergie avec capture et séquestration du carbone » et « [r]efroidir l’atmosphère… » c’est-à-dire des technologies d’apprentis-sorciers extrêmement coûteuses et non technologiquement abouties. Toutefois, l’auteur pense que ces « grands projets » pourront s’en dispenser car il oublie l’impératif de la croissance. Les conséquences en seront autant de lucratives occasions d’investissement par le grand capital. Mais comme ces gargantuesques projets ne participent pas à la reproduction de la société, en particulier à celle de la force de travail, sauf en creux, ils exigeront un soutien étatique massif lequel imposera, impose déjà, une austérité permanente.

On peut gager que s’enfoncer dans cette voie provoquera d’immenses clash de luttes sociales ce qui contraindra le capitalisme néolibéral à se muer en régime néofasciste… lequel pourrait se muer en écofascisme par nécessité de survie de l’humanité pour que le capitalisme survive.

On constate que l’on se situe aux antipodes de l’antichambre de l’écosocialisme. Le passage des « petits projets » aux « grands projets » n’a rien à voir avec un programme de transition trotskyste mais tout à voir avec un cul-de-sac réformiste. Cyniquement, on pourrait invoquer la politique du pire en se disant que le cul-desac du capitalisme vert poussé à bout pourrait tout autant provoquer une révolution écosocialiste que l’écofascisme. C’est oublier que la politique du pire mène au pire car elle repose sur une fausse solution, le capitalisme vert, trompeuse, démoralisante et démobilisante. Est-ce à dire qu’étant donné le rapport de forces, l’écosocialisme est inatteignable comme le dit l’auteur ? D’autant plus que l’alliance avec le capitalisme « progressiste » afin de faire débloquer la lutte pour le capitalisme vert contre les tenants du capitalisme fossile est une illusion étant donné que le croissancisme capitaliste ne mène pas au remplacement de celui des hydrocarbures mais à leur imbrication l’un dans l’autre ce qui mène aux gargantuesques et ubuesques « technologies à émissions négatives ». L’erreur de fond de Robert Lochhead est, en ignorant le croissancisme inhérent au capitalisme, d’avoir pensé que les « grands projets » permettraient de substituer les énergies dites renouvelables à celles fossiles.

L’écosocialisme s’impose de soi et s’éclaircira par la lutte pour les réformes

N’en reste pas moins, objecterait l’auteur, que se pose le réalisme de la lutte écosocialiste. Le premier atout de l’écosocialisme c’est sa nécessité une fois levé l’obstacle de la pseudo-solution du capitalisme vert. Comme le synthétise l’auteur, cité au début de ce texte, le monde capitaliste est en train de sombrer dans l’enfer de la terre-étuve. Aveuglé par le soutien du génocide du peuple palestinien, ce monde renie l’abc des droits humains au prix de sa militarisation. Obnubilé par l’attraction des milliardaires se détachant de la réalité quotidienne, ce monde abandonne à sa misère et à ses inégalités le peuple-travailleur dont il stimule la haine de soi en le divisant contre lui-même par l’instrumentalisation de ses superficielles différences de sexe, de genre, de race et d’ethnies. Le deuxième atout en est la faisabilité technologique et financière par rapport au capitalisme vert. L’écosocialisme est technologiquement mature même s’il pourrait bénéficier d’inventivité technologique à sa mesure — science et technologie ne sont pas neutres — par exemple pour la bio-agriculture. Il est relativement bon marché : par exemple du logement social écoénergétique pour tout le monde dans un habitat débarrassé de l’auto solo par rapport à des banlieues tentaculaires de villas unifamiliales. Si l’expropriation du capital financier, la tête pensante du capitalisme, est indispensable, c’est davantage pour parer aux folies des grands projets inutiles à la rentabilité forcée que pour financer les projets écosocialistes.

Last but not least, l’écosocialisme est une société de bonheur maximisant temps libre et solidarité : le travail socialement nécessaire est avant tout axé sur le soin et le lien écoféministe pendant que l’effondrement de la production matérielle de masse dégage pour soi et pour les autres ce précieux temps hors travail obligatoire. C’est à se demander pourquoi la lutte pour l’écosocialisme ne soulève pas l’enthousiasme. Cette faille montre à quel point l’échec du socialisme du XXe siècle, en fait sa terrible déformation, a troublé les esprits au point de rendre la fin du monde plus plausible que la fin du capitalisme. Pour s’encourager, la lutte pour des réformes spécifiques retrouve toute sa place, par exemple « [r]emplacer tout le chauffage des bâtiments au mazout et au gaz naturel par du chauffage électrique [tout en les éco-énergisant], par une campagne volontariste sur 10 ans […] électrifier rapidement camions et bus qui sont relativement moins nombreux et appartiennent pour la plupart à des entreprises importantes qui en ont les moyens [et non subventionner l’achat de véhicules électriques perpétuant le capitalisme vert], annuler la dette des pays sub-sahariens.

C’est dans la lutte pour ce genre de réformes, même si elles sont loin de s’attaquer aux contradictions du capitalisme vert, que le peuple-travailleur pourra reconstruire son unité combative et retrouver son élan révolutionnaire d’il y a un siècle tout en approfondissant chemin faisant sa compréhension des tromperies du capitalisme vert. Et cette lutte est une authentique lutte de classe comme le montre le tableau d’Oxfam reproduit par l’auteur : la consommation des 10% les plus riches est responsable 50% de l’effet de serre contre 10% pour le 50% le plus pauvre. Reste ce milieu ambivalent (40% responsable de 40%), majoritaire dans les pays du vieil impérialisme, qui doive se brancher. Secouons nos puces, camardes.

Marc Bonhomme, 7 septembre 2025
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

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