15 octobre 2025 | tiré de Canadian dimension | Photo : Un chasseur F-35B Lightning II se prépare à décoller du pont d’envol de l’USS America dans la mer de Chine méridionale.
Photo : U.S. Pacific Fleet / Flickr.
https://canadiandimension.com/articles/view/canada-flying-in-lockstep-with-the-united-states
Les actions récentes du gouvernement Carney, toutefois — notamment l’achat presque certain d’avions de chasse F-35 fabriqués aux États-Unis — révèlent ce que valaient vraiment ses promesses de campagne : une manœuvre politique calculée.
Le parcours de Carney comme néolibéral orthodoxe, et son rôle directdans les efforts de déstabilisation dirigés par les États-Unis contre le Venezuela lorsqu’il était gouverneur de la Banque d’Angleterre, auraient pourtant dû tempérer les attentes de ceux et celles qui espéraient qu’il redéfinirait la politique étrangère canadienne ou défierait les élites économiques américaines.
Après l’élection, Carney a d’ailleurs publié la liste de ses avoirs : il détient des investissements dans 567 organisations, dont 92 % sont basées aux États-Unis.
Loin d’autonomiser le Canada face à une Maison-Blanche de plus en plus imprévisible, les politiques de Carney semblent renforcer l’alignement du Canada sur les États-Unis, tant sur le plan militaire qu’économique et diplomatique.
Sur le plan diplomatique justement, Carney ne tarit pas d’éloges à l’égard de Trump, qui a de nouveau affirmé le mois dernierson souhait d’annexer le Canada aux États-Unis.
L’approche « d’alignement » de Carney s’est pleinement affichée lors de sa visite à Washington le 8 octobre. Lors d’une conférence de presse conjointe avec Trump, il a offert une louange sans réserve au président, le qualifiant de « leader transformateur » et d’« artisan de la paix » — alors même que Trump faisait bombarder des bateaux civils dans les Caraïbes à l’aide de systèmes de détection fournis par le Canada. Carney a également réaffirmé le soutien d’Ottawa aux frappes américano-israéliennes contre l’Iran, des actions illégales et non provoquées.
Le contrat des F-35 : un symbole de soumission
Peu de dossiers exposent aussi clairement la véritable nature des promesses électorales de Carney que le projet d’achat des F-35. En juin 2023, le gouvernement de Justin Trudeau a signé un contrat avec Lockheed Martin pour l’achat de 88 avions de combat F-35 pour 19 milliards $, avec un coût total sur le cycle de vie évalué à 73,9 milliards $. De nombreux·euses Canadien·ne·s s’opposent de longue date à cet achat pour plusieurs raisons : l’érosion continue de la souveraineté canadienne au profit des États-Unis ; l’imprudence de dépenser des milliards pour des avions de combat alors que l’insécurité alimentaire, l’itinérance et le coût de la vie augmentent ; l’impact environnemental de ces appareils très énergivores ; et le risque d’alimenter une nouvelle course aux armements dans un contexte de tensions croissantes entre grandes puissances.
Face à la belligérance de Trump, le gouvernement Carney a ordonné une révision du contrat F-35, certains rapports suggéraient que le Canada pourrait se tourner vers l’avion suédois Gripen. Les Canadien·ne·s préoccupé·e·s par le climat, les tensions internationales et la stagnation économique ont logiquement plaidé pour l’annulation pure et simple du projet. Remplacer les jets américains par des avions suédois aurait du moins permis de prendre un peu de distance vis-à-vis de l’armée américaine.
Mais Carney n’a donné aucun signe d’une telle intention. Le 12 octobre, sa cheffe d’état-major de la Défense, Jennie Carignan, a déclaré : « Nous travaillons en vue de cette acquisition. » ne sont qu’un élément de la liste. Le gouvernement libéral achèteégalement de l’équipement militaire américain pour des montants considérables : le système de roquettes HIMARS : 714 millions $ ; des systèmes de combat pour destroyers : 2,3 milliards $ ; 17 avions de surveillance Boeing : 10,4 milliards $ ;des véhicules tactiques légers américains : 220 millions $.
À cela s’ajoute la probabilité que le Canada participe au système antimissile Golden Dome du gouvernement américain, dont Trump affirme vouloir faire payer 61 milliards $ au Canada. Carney continue aussi de maintenir l’objectif de dépenses militaires à 5 % du PIB, objectif prôné par Trump.
Soumission aux exigences de Washington
Il est indéniable que Carney, l’homme élu pour résister à la pression américaine, a cédé à maintes reprises aux exigences de Trump en matière de dépenses militaires. Sa relation commerciale avec le président américain a elle aussi été marquée par une série de capitulations : par exemple,l’abrogation de la taxe sur les services numériques à la demande de Trump et la levée des contre-tarifs imposés aux États-Unis.
Étant donné cette attitude conciliante et l’orientation pro-américaine de longue date des Forces armées canadiennes, l’achat des F-35 semble désormais inévitable. Même le Government Accountability Office (GAO) américain a critiqué le programme F-35, qui est « en dépassement de 6 milliards $ et accusant un retard de cinq ans ». Son rapport souligne : « Après près de vingt ans de production, le programme F-35 continue de promettre trop et de livrer trop peu. »
L’armée canadienne n’en est pas à son premier dépassement de coûts.
Le programme de la Marine royale canadienne visant à construire 15 nouveaux navires de guerre connaît des retards constants et un gonflement des dépenses : de 26 milliards $ prévus initialement à 80 milliards $ aujourd’hui.
Comme pour les F-35, les É.-U. contrôleront les équipements clés de ces navires.
L’ambassadeur américain au Canada, Pete Hoekstra — dont la visite récente à Winnipeg a suscité de grandes manifestations— a déclaré qu’un éventuel abandon du contrat F-35 représenterait une menace pour le NORAD : « Si les Canadiens volent sur un avion et nous sur un autre, ce n’est plus interchangeable. Cela pourrait même menacer le NORAD. »
Si Carney annulait soudainement l’achat, il est facile d’imaginer la réaction de Trump : il accuserait le Canada de menacer la sécurité nationale américaine, en prétendant qu’Ottawa sape le NORAD.
Comme le note le journaliste du Ottawa Citizen David Pugliese : « Le F-35 est perçu par les officiers de l’armée de l’air canadienne comme un achat essentiel, car il leur permet de s’intégrer parfaitement à leurs homologues américains. L’appareil renforce aussi l’intégration du Canada dans le système militaire américain, puisque les États-Unis contrôlent toutes les mises à jour logicielles et possèdent les pièces des avions, même celles entreposées au Canada. »
Certains analystes avertissent que le contrôle américain sur les pièces pourrait permettre à Washington de prendre la main sur les avions détenus par le Canada, même si le caractère pro-américain des gouvernements précédents rend ce scénario peu probable. L’armée canadienne a longtemps soutenu les interventions américaines à l’étranger, de la Corée à l’Ukraine. Mais la déférence de Carney apparaît particulièrement marquante.
Plus de dépendance, moins de souveraineté
Au moment où les Canadien·ne·s espéraient un gouvernement capable de remettre en question l’influence américaine et de redéfinir la politique étrangère, ils constatent au contraire : plus de soumission à Washington, plus d’implication dans les conflits militaires, et plus d’achats d’armes qui lient encore davantage le Canada aux États-Unis, attisent les tensions mondiales et détournent des ressources vitales à la lutte contre les changements climatiques et les besoins sociaux urgents.
En résumé : rien ne change, sinon pour empirer.
Owen Schalk est l’auteur de Targeting Libya : Canadian Dams, Canadian Bombs, une étude sur le rôle central mais méconnu du Canada dans l’histoire de la Libye, publiée chez Lorimer Books.
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