Édition du 11 novembre 2025

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Planète

L'écocide israélien à Gaza envoie le message suivant : même si nous arrêtions de larguer des bombes, vous ne pourriez pas vivre ici.

Présentation

La brutalité et la totalité de l’écocide sioniste équivaut à ceux du génocide et viceversa. Dommage que l’on ne l’oublie trop souvent. Je retiens en autre chose « que les forces armées mondiales produisent environ 5,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Pourtant, en partie grâce au lobbying du gouvernement étatsunien, elles sont exemptées de l’obligation de déclaration prévue par l’accord de Paris sur le climat. » Je signalais dans un article récent que les émanations de GES provenant des feux de forêt sont aussi généralement exclues de cette obligation sous prétexte qu’ils sont « naturels ». Faut-il se surprendre que les statistiques officielles colligées par l’ONU masquent l’effrayante réalité que les émanations mondiales de GES, telles que directement mesurées dans l’atmosphère, croissent à un taux croissant… qu’il l’est de plus en plus depuis le début de ce siècle.

Marc Bonhomme, 5/10/25

Samedi 27 septembre 2025 |The Guardian | Traduction : Marc Bonhomme
Source : https://www.theguardian.com/commentisfree/2025/sep/27/israelecocide-gaza-bombs-agricultural-land-genocide

Considérez l’anéantissement des terres agricoles parallèlement au génocide - et saisissez la totalité effrayante de cette tentative d’éliminer toute vie

Un peuple sans terre et une terre sans peuple : tels sont, semble-t-il, les objectifs du gouvernement israélien à Gaza. Il y a deux moyens d’y parvenir. Le premier est le massacre et l’expulsion des Palestinien-ne-s. Le second consiste à rendre la terre inhabitable. Parallèlement au crime de génocide, une autre grande horreur se déroule : l’écocide.

Si la destruction des bâtiments et des infrastructures à Gaza est visible dans toutes les vidéos que nous voyons, la destruction parallèle des écosystèmes et des moyens de subsistance est moins visible. Avant l’atrocité du 7 octobre qui a déclenché l’assaut actuel sur Gaza, environ 40 % des terres étaient cultivées.

Malgré son extrême densité de population, Gaza était en grande partie autosuffisante en légumes et en volailles, et répondait à une grande partie de la demande de la population en olives, en fruits et en lait. Mais le mois dernier, les Nations unies ont indiqué qu’à peine 1,5 % des terres agricoles restaient accessibles et intactes. Cela représente environ 200 hectares, soit la seule surface restante directement disponible pour nourrir plus de 2 millions de personnes.

Cette situation s’explique en partie par la destruction systématique des terres agricoles par l’armée israélienne. Les troupes au sol ont démoli les serres, les bulldozers ont renversé les vergers, labouré les cultures et écrasé le sol, et les avions ont pulvérisé des herbicides au-dessus des champs.

Les Forces de défense israéliennes (FDI) justifient ces attaques en affirmant que « le Hamas opère souvent à partir de vergers, de champs et de terres agricoles ». Et apparemment aussi à partir d’hôpitaux, d’écoles, d’universités, de zones industrielles et de toutes les autres ressources dont dépendent les Palestiniens. Pour justifier la destruction, il suffit aux FDI de suggérer que le Hamas a opéré ou pourrait opérer à partir de ce qu’elles veulent détruire. Et s’il n’y a pas de preuves, tant pis, c’est trop tard.

Les FDI étendent progressivement la « zone tampon » le long de la frontière orientale de Gaza, qui contient justement une grande partie des terres agricoles de la bande de Gaza. Comme le souligne Hamza Hamouchene, spécialiste des droits humains, plutôt que de « faire fleurir le désert » – un pilier de la propagande d’État israélienne –, elles transforment des terres fertiles et productives en désert.

Depuis des décennies, le gouvernement israélien abat les oliviers centenaires des Palestiniens afin de les priver de leurs moyens de subsistance, de les démoraliser et de rompre leur lien avec la terre. Les olives sont à la fois cruciales sur le plan matériel, puisqu’elles représentent 14 % de l’économie palestinienne, et symboliquement puissantes : sans oliviers, il ne peut y avoir de branche d’olivier. La politique de la terre brûlée menée par Israël, associée à son blocus des approvisionnements alimentaires, garantit la famine.

L’assaut des forces de défense israéliennes sur Gaza a provoqué un effondrement du traitement des eaux usées. Les eaux usées brutes inondent les terres, s’infiltrent dans les aquifères et empoisonnent les eaux côtières. Il en va de même pour l’élimination des déchets solides : des montagnes d’ordures pourrissent et couvent parmi les ruines ou sont poussées dans des décharges informelles, où elles sont contaminées par lixiviation. Avant l’assaut actuel, les habitants de Gaza avaient accès à environ 85 litres d’eau par personne et par jour, ce qui, bien que peu abondant, correspond au niveau minimum recommandé. En février de cette année, la moyenne était tombée à 5,7 litres. L’aquifère côtier crucial de Gaza est encore plus menacé par l’inondation des tunnels du Hamas par les FDI avec de l’eau de mer : l’intrusion de sel, au-delà d’un certain point, rendra l’aquifère inutilisable.

Le programme des Nations unies pour l’environnement a estimé l’année dernière que chaque mètre carré de Gaza contenait en moyenne 107 kg de débris provenant des bombardements et des destructions. Une grande partie de ces débris est mélangée à de l’amiante, à des munitions non explosées, à des restes humains et aux toxines libérées par l’armement. Les munitions contiennent des métaux tels que le plomb, le cuivre, le manganèse, des composés d’aluminium, du mercure et de l’uranium appauvri. Des rapports crédibles font état de l’utilisation illégale par les FDI de phosphore blanc, une arme chimique et incendiaire hideuse qui entraîne également une contamination généralisée du sol et de l’eau. L’inhalation de poussières toxiques et de fumées a un impact majeur sur la santé des populations.

Outre les effets immédiats dévastateurs sur la vie des habitants de Gaza, les émissions de carbone liées à l’assaut israélien sont astronomiques : une combinaison de vastes émissions directes causées par la guerre et le coût climatique stupéfiant de la reconstruction de Gaza (si jamais elle est autorisée) - la reconstruction à elle seule produirait des gaz à effet de serre équivalents aux émissions annuelles d’un pays de taille moyenne.

Lorsque l’on considère l’écocide en même temps que le génocide, on commence à saisir la totalité de la tentative de l’État israélien d’éliminer à la fois les Palestinienne-s et leur patrie. Comme l’affirme l’écologiste palestinien Mazin Qumsiyeh : « La dégradation de l’environnement n’est pas fortuite - elle est intentionnelle, prolongée et vise à briser l’éco-sumud (fermeté écologique) du peuple palestinien. »

Au fil des ans, j’ai très peu écrit sur l’impact environnemental des forces armées, car je pense que si l’on ne parvient pas à convaincre les décideurs que tuer des êtres humains est mal, on ne parviendra jamais à les convaincre que tuer d’autres formes de vie est également mal. Je pense que beaucoup d’autres partagent ce sentiment, ce qui explique en partie pourquoi l’armée échappe généralement à la surveillance environnementale dont font l’objet d’autres secteurs. Mais son empreinte, même en temps de paix, est énorme. L’Observatoire des conflits et de l’environnement estime que les forces armées mondiales produisent environ 5,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Pourtant, en partie grâce au lobbying du gouvernement étatsunien, elles sont exemptées de l’obligation de déclaration prévue par l’accord de Paris sur le climat. Elles ne sont pas non plus tenues de rendre compte de leurs nombreux autres dommages environnementaux, de la déforestation à la pollution, en passant par la destruction des sols et les décharges non réglementées.

Personne parmi ceux qui se soucient de cette question ne réclame des « balles vertes » ou des « bombes vertes », mais les chercheurs militaires et les ministères de la défense tentent régulièrement de nous persuader qu’ils peuvent désormais faire exploser des personnes de manière durable. Depuis de nombreuses années, les militants écologistes soulignent que la paix et la protection de l’environnement doivent aller de pair. La guerre est aussi dévastatrice pour les écosystèmes que pour les populations, et la dégradation de l’environnement est une cause majeure de guerre.

Pour le gouvernement israélien, la destruction des écosystèmes et des moyens de subsistance des populations semble être un objectif stratégique majeur. Il semble rechercher ce que certains ont appelé un « holocide » : la destruction complète de tous les aspects de la vie à Gaza. Même en l’absence d’une loi spécifique sur l’écocide, que beaucoup d’entre nous réclament, la destruction des écosystèmes palestiniens est en violation flagrante de l’article 8 du Statut de Rome et devrait être considérée comme un crime grave au même titre que le génocide.

Mais si le projet final consiste à créer une « Riviera de Gaza » ou un projet similaire visant à construire une technopole élitiste et inquiétante, dépourvue de lieu et d’histoire, du type de celles que Donald Trump et certains hauts responsables politiques israéliens privilégient, alors qui a besoin d’arbres, de sol ou de cultures pour cela ? Il n’y a aucun coût pour les auteurs de ces crimes. Du moins, pas avant qu’ils ne soient traduits en justice.

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