Édition du 21 octobre 2025

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Syndicalisme

La lutte du syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, un enjeu pour tout le mouvement ouvrier

Le syndicat des travailleurs et travailleuses des postes fait face à un vent contraire venant de deux sources qui se combinent. Le refus de négocier de Poste Canada qui s’en tient qu’aux reculs et l’offensive antisyndicale du gouvernement Carney et ses comparses du monde patronal.

Les employéEs du Port de Montréal et de Colombie Britannique avaient été obligés de retourner au travail en novembre 2024 ainsi que les employéEs ferroviaires en août en envoyant les parties en arbitrage exécutoire forçant les employés à retourner au travail.

La même situation s’était reproduite avec les employéEs de Postes Canada en décembre mais cette-vois-ci le ministre n’a pas imposé l’arbitrage, mais a créé une commission d’enquête sur les relations de travail, qui devait remettre son rapport le 22 mai 2025. Dirigée par William Kaplan, médiateur et arbitre ce dernier a émis ses recommandations le 15 mai.

Selon le syndicat, ce rapport penche fortement en faveur des positions et des recommandations de Postes Canada. "Nous sommes fondamentalement en désaccord avec la majeure partie de ses recommandations et contestons certains des renseignements sur lesquels elles sont fondées. Nous nous sommes également opposés au processus de la Commission dans son ensemble, mais nous étions d’avis que nous nous devions d’y participer afin de donner une voix aux travailleurs et travailleuses des postes". Le rapport présente également trois situations possibles après le 22 mai. Il est important de noter que les recommandations du commissaire Kaplan ne seront pas nécessairement mises en œuvre ; il revient à la ministre Patty Hadju de décider si elle donnera suite au rapport ou non.

À la fin mai, le STTP avait demandé un arbitrage exécutoire afin de mettre fin au refus de négocier de Poste Canada. Ce dernier avait rejeté cavalièrement cette proposition, affirmant vouloir rétablir la stabilité du système postal et soutenait que l’arbitrage serait long. [1]

Le 30 mai, Postes Canada demandait à la nouvelle ministre de l’Emploi et de la Famille, Patty Hajdu, d’obliger les membres STTP à voter directement sur l’offre "finale" de la société d’État. En vertu de l’article 108.1 du Code canadien du travail (CCT), le ministre a le pouvoir de court-circuiter les représentants syndicaux et d’obliger les membres à voter directement sur l’offre de l’employeur. Si une majorité simple des travailleurs et travailleuses votaient en faveur de l’offre de Postes Canada, une nouvelle convention collective aurait été imposée, mettant fin à la capacité du syndicat de négocier. [2]. C’est une première en termes d’offensive antisyndicale.

Postes Canada a mis toutes les énergies pour mettre le syndicat de côté

Selon les dirigeants syndicaux Renaud Viel et Yanick Scott respectivement président de la section locale de Montréal et directeur national, la direction de Postes Canada a mis toutes les énergies possibles afin de convaincre les membres de voter en faveur. Ils ont multiplié les courriels et les contacts directs aux employéEs utilisant même les modules téléphoniques internes des facteurs et factrices pour leur texter des messages les incitant à voter en faveur. Le syndicat a fait campagne contre et a rencontré le plus de membres possible, mais n’avait certainement pas les mêmes ressources que la direction de Postes Canada.

De tout temps c’est le syndicat qui réunit les membres dans des assemblées où il explique les enjeux avant de procéder à un vote pour l’acceptation ou non de la convention collective négociée.

Malgré ce vote imposé, 70% des membres ont refusé la proposition patronale. Au total 80% des membres ont voté, soit environ 40 000 membres. Cela a confirmé la détermination des membres du syndicat à poursuivre la lutte.

Le STTP a remis des offres le 20 août, les rencontres ont été reportées par la direction de Poste Canada et aucune rencontre n’est prévue à ce jour. Pendant ce temps, Postes Canada coupe les postes vacants, ce qui correspond à environ 10% des effectifs. Cela provoque des réaffectations et des mouvements de personnel.

Les conditions de travail découragent beaucoup d’employéEs qui quittent, il y a donc un gros taux de roulement et plus de nouveaux et nouvelles employéEs, qui se retrouvent toujours à l’échelon de salaire le plus bas. Le syndicat revendique donc une réduction des 7 échelons de salaire qui existent depuis la convention collective de 2013.

Les perspectives de la direction de Poste Canada demeurent en majorité dans ce qui est en baisse et dans certains cas disparaitre, il n’y a pas d’emphase sur les colis. Elle veut plus de Temps Partiel, flexibles, de fin de semaine. En fait Poste Canada veut des TP partout et considère ces items non négociables. Pour ces raisons, le STTP a demandé l’arbitrage.

La mauvaise gestion de Postes Canada explique ses difficultés financières

Postes Canada impute ses difficultés financières principalement à la grève du STTP en 2024, la baisse des volumes de la poste-lettres et augmentation de remise et la baisse des volumes de colis, et des recettes qui en découlent, en raison de la concurrence.

Selon la présidente nationale du STTP Jan Simpson, la situation financière de Postes Canada découle des décisions de sa haute direction. La société d’État dépense sans compter, ses dépenses autres qu’en main-d’œuvre grimpent en flèche. Ses états financiers indiquent que, de 2017 à 2023, ses dépenses non salariales ont augmenté de plus d’un milliard $ par année, soit une hausse de 56,5 %. Au cours de la même période, les salaires n’ont augmenté que de 14,1 %. Par ailleurs, de mai 2023 jusqu’à au moins mai 2025, Postes Canada est exemptée de cotisations au régime de retraite. Ce ne sont pas les salaires et les avantages sociaux qui sont en cause, mais bien la mauvaise gestion et les dépenses excessives de Postes Canada. La véritable question à se poser est la suivante : où va tout l’argent que dépense Postes Canada ?

À l’origine, le plan quinquennal de Postes Canada allouait quatre milliards $ pour la mise à niveau des infrastructures afin de répondre à l’explosion du nombre de colis durant la pandémie. Or, lorsque la croissance du nombre de colis a fléchi, Postes Canada a continué de dépenser.
En somme, quatre milliards $ dépensés en cinq ans équivaut à 800 millions $ par année, d’où la perte financière de 748 millions $ pour l’exercice 2023. [3]

Contrer l’offensive anti ouvrière

Poste Canada manipule l’opinion publique et prend prétexte de la pression à la baisse qu’impose le secteur privé sur les conditions de travail des travailleurs et travailleuses du secteur public. La majorité des compagnies privées de livraison de colis donnent la livraison en sous-traitance, soustrayant ainsi les travailleurs et travailleuses aux règles du code du travail et à des conditions de travail décentes. Ce qui donne prétexte à Poste Canada de faire pression sur ses employéEs pour abaisser les salaires et les conditions de travail.

La législation concernant la livraison de colis doit être modifiée pour devenir similaire à celle de la Poste-lettre, afin d’offrir un service universel. Cela ouvrirait la porte à l’obtention de conditions de travail équitables pour l’ensemble des travailleurs et travailleuses. Les compagnies privées y trouveraient ainsi moins d’intérêt, ce qui permettrait au service postal public de reprendre ce marché.

Cette situation renforcerait le mouvement syndical et permettrait d’élargir la portée de conditions de travail décentes et mieux rémunérées à une plus grande partie de la population. On comprend que le gouvernement canadien a un tout autre agenda, Carney nous l’a bien démontré.

Le PDG du Business Council, Goldy Hyder, a obtenu une rencontre en face à face avec le premier ministre Mark Carney quelques jours à peine après son élection. Par l’intermédiaire du Business Council, le Canada des grandes entreprises a formulé son cahier de doléances sans détour : accélérer l’extraction des ressources, réduire les impôts pour les géants du numérique et les riches, démanteler les services publics et injecter des fonds massifs dans l’industrie de l’armement. [4]

Le STTP est à l’avant-garde de la lutte ouvrière dans l’état canadien, Carney et les grandes entreprises l’ont bien compris. À nous maintenant de construire la solidarité, la lutte du STTP c’est la lutte de tout le mouvement ouvrier !

André Frappier

André Frappier

Militant impliqué dans la solidarité avec le peuple Chilien contre le coup d’état de 1973, son parcours syndical au STTP et à la FTQ durant 35 ans a été marqué par la nécessaire solidarité internationale. Il est impliqué dans la gauche québécoise et canadienne et milite au sein de Québec solidaire depuis sa création. Co-auteur du Printemps des carrés rouges pubié en 2013, il fait partie du comité de rédaction de Presse-toi à gauche et signe une chronique dans la revue Canadian Dimension.

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