Édition du 10 décembre 2024

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Le génocide des Amériques, Migrations

Un monde juste et écologiquement soutenable ne pourra advenir sans un réel partage du territoire, entre les humains comme avec les autres espèces.

La soif de conquête territoriale et la présomption de supériorité des Européen.ne.s ont mené au plus grand génocide de l’histoire de l’humanité : celui des peuples autochtones des Amériques. Dans Le génocide des Amériques, Marcel Grondin et Moema Viezzer nous font prendre acte de ce fait troublant et douloureux. Pour que la vérité et la réconciliation ne soient pas que des mots creux, il est temps de décoloniser l’histoire des Amériques, et d’écrire celle d’Abya Yala.

Comme l’ont malheureusement démontré les dernières élections, au Québec ou en Italie, l’arrivée de nouvelles populations sur un territoire réveille trop souvent les réflexes xénophobes et racistes de ceux qui l’habitent. Dans Migrations, la journaliste Sonia Shah (également autrice de l’incontournable essai Pandémie) renverse notre regard sur les migrations — tant humaine, animale que végétale — pour dévoiler toute la richesse et la beauté de ce phénomène essentiel à la vie. Un voyage captivant.

Le génocide des Amériques. Résistance et survivance des peuples autochtones/ Marcel Grondin et Moema Viezzer, traduit du portugais (Brésil) par Yves Carrier (avec la collaboration de Raymond Levac)

Combien de gens savent que le plus grand génocide de l’histoire de l’humanité a été perpétré contre les peuples autochtones des Amériques ? Dans la foulée de la conquête du Nouveau Monde par les Européens, on estime que 90 à 95% de la population originaire du continent a été éliminée. Passant en revue cinq grands espaces – Caraïbes, Mexique, Andes, Brésil et États-Unis (auxquels s’ajoute un chapitre inédit sur le cas canadien, signé Pierrot Ross-Tremblay et Nawel Hamidi), Moema Viezzer et Marcel Grondin cherchent à montrer comment une telle hécatombe a pu se produire, tout en faisant aussi le récit des résistances et luttes menées par les Autochtones pour survivre jusqu’à aujourd’hui.

Migrations. Grandeur et misère de la vie en mouvement/ Sonia Shah. Traduit de l’anglais par Julien Besse

Guerres, pauvreté et catastrophes naturelles poussent chaque année des millions de personnes sur les routes, alors que dans le monde animal, l’exode a déjà commencé en réponse au réchauffement planétaire. Or, les migrations humaines comme animales (et végétales) sont très souvent perçues comme une menace. Dans Migrations, la journaliste américaine d’origine indienne Sonia Shah nous invite à reconnaître le rôle central des migrations dans l’histoire de la vie sur Terre, car le mouvement a toujours été le meilleur moyen d’assurer la survie collective des espèces.
Extraits

Le génocide des Amériques

Au cours du XXe siècle, de grands génocides ont eu lieu dans le monde. [...] Cependant, aucun d’eux n’a atteint l’envergure du génocide des peuples autochtones des Amériques, qui a débuté dans la mer des Caraïbes à partir de 1493. Le phénomène a déjà été étudié et analysé par de nombreux historiens, anthropologues et politologues qui l’ont catégorisé comme étant le plus grand holocauste de tous les temps. [...]

Malheureusement, de nos jours, comme le soulève David E. Stannard, « la principale question qui demeure n’est pas : est-ce que cela pourrait se produire à nouveau ? Mais : est-ce que ce processus peut être arrêté ? » En d’autres mots : bien au-delà d’une réflexion sur le passé, la connaissance de ces faits et la réflexion sur ceux-ci nous renvoient aux situations inadmissibles qui, de manières différentes, se répètent, encore aujourd’hui, au nord et au sud des Amériques.

Migrations

Pendant des années, j’ai prêté foi à leur supposition : le fait que j’occupe un espace sur le continent nord-américain relevait, en quelque sorte, de l’anomalie. Confirmant leur sentiment quant à mon étrangeté, je me suis retranchée dans les marges. Je ne me suis jamais présentée en tant qu’Américaine pur jus, mais toujours comme si j’en incarnais une version marginale : une Américaine d’origine sud-asiatique, ou encore une Indo-Américaine. Même après plus de dix ans à Boston, je ne manifestais jamais ouvertement ma joie quand les Red Sox l’emportaient ou mon chagrin quand une tragédie frappait la ville. Il aurait été présomptueux de le faire, car je ne me considérais pas comme « originaire » de cet endroit, bien que mes deux enfants y fussent nés. Je ne me déclare toujours pas « de » Baltimore, alors que je réside en banlieue de cette ville depuis plus d’une décennie.

Pourtant, au quotidien, confortablement installés dans des maisons hermétiques aux fondations de béton, le paysage environnant nous paraît essentiellement stable. Jour après jour, je croise les mêmes visages dans les allées du supermarché et salue les mêmes parents lorsqu’ils déposent leurs enfants à l’arrêt de l’autobus scolaire. [...] Il est naturel, en assistant à ce spectacle quotidien, d’éprouver une forte impression de stabilité et de sédentarité : en regard de cette fixité apparente, le nouveau venu, le migrant, l’intrus fait figure d’exception. Mais la vie, le vivant, aujourd’hui comme hier, se déplace.

Mots-clés : Livres et revues Québec

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