Édition du 27 mai 2025

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Livres et revues

Livre réquisitoire sur Rio Tinto

Quand même des anciens cadres en ont assez

Germain Dallaire
Depuis plusieurs années, des gens du Saguenay-lac-Saint-Jean alertent sur les pertes d’emplois liées à Rio Tinto (anciennement Alcan) qu’on met toujours en balance avec l’immense privilège donné à la multinationale de posséder 8% de la production hydroélectrique au Québec. Déjà en 1995, les travailleurs d’Alcan à Arvida faisaient œuvre d’immenses lanceurs d’alerte par une grève de 11 jours visant à se distribuer la rareté en obtenant un partage du temps de travail. Aujourd’hui, les chiffres parlent d’eux-mêmes, on est rendu à la corde : 12 000 emplois au début des années 60 comparativement à 2 700 actuellement. C’en est rendu au point où même des anciens cadres ont sauté la barrière. Parmi eux, Jacques Dubuc et Myriam Potvin. Pendant un temps, M. Dubuc était la voix publique d’Alcan au Saguenay-lac-Saint-Jean. Avec Mme Potvin, il vient de sortir un livre réquisitoire sur Rio Tinto.

L’essentiel du livre se trouve dans les deux premiers chapitres où les auteur(e)s étoffent le dossier de détails inconnus. Ils ont une connaissance profonde de leur sujet et ça paraît. Ils suivent pratiquement les mégawatts à la trace même si, ils le démontrent amplement, Rio Tinto et Hydro-Québec font tout pour semer la confusion. Leur conclusion sur cette question est que Rio Tinto est actuellement en surplus d’électricité. Question bourrage de crâne, Rio Tinto est passé maître dans cet art. En terme de lobbyistes auprès des gouvernements, on parle de 21. En termes de lobbyistes auprès de la population qu’on désigne par l’euphémisme de relations publiques (ces qualificatifs sont de moi et non des auteurs), on parle aussi d’une vingtaine.

Le cœur du livre se trouve dans l’évaluation des retombées consécutives à la signature du bail de Péribonka en 1984. Contrairement aux trois barrages à l’embouchure du lac Saint-Jean et sur le Saguenay, Rio Tinto ne possède pas l’espace physique (fond de rivière et terrains adjacents), le tout est loué au gouvernement du Québec et fait l’objet d’un bail qui a été renouvelé en 1984. Lors de ce renouvellement, Alcan à l’époque, s’est engagé à la construction de trois usines pour 2009. À cette date, seules deux usines (Alma et Laterrière) avaient été construites et la construction de la troisième usine a fait l’objet de trois reports (en 2006 pour 2015, en 2015 pour 2020 et en 2020 pour 2025), reports à toutes les fois associés à de généreux cadeaux du gouvernement (prêt sans intérêt de 400 millions, blocs d’énergie…). Les trois reports ont été promulgués par décrets alors que le bail de Péribonka est une loi. En termes juridiques, une loi a préséance sur un décret. Selon les auteurs, « les engagements de Rio Tinto pris dans l’entente de 2006 sont toujours valides. Le dernier délai pour réaliser cet engagement aurait dû être le 31 décembre 2025. Son non-respect devrait avoir pour conséquence de libérer le gouvernement de ses propres engagements dans l’entente de 2006, comme précisé dans le renouvellement du bail de Péribonka. » En clair, cela signifie qu’à la fin de cette année, le gouvernement serait en droit de reprendre possession des barrages, des centrales et des droits d’eau sur la rivière Péribonka. Comme le disent les auteurs : « Le levier du bail de location des forces hydrauliques de la rivière Péribonka et des conditions qui s’y rattachent se trouvent toujours entre les mains du gouvernement du Québec. Et c’est bien le fondement de notre intervention ». C’est là une conclusion forte qui porte à conséquences et doit faire réfléchir la population ainsi que les dirigeants politiques. Pour ces raisons et bien d’autres, ce livre a intérêt à être lu et bien digéré par le plus de gens possible.

Avec la bénédiction des autorités politiques, Rio Tinto est en train d’opérer sa mue de compagnie d’aluminium à compagnie d’électricité. Tout pointe dans cette direction : 1- la nomination à la tête de Rio Tinto Aluminum de Jérôme Pécresse qui supervisait précédemment l’installation d’éoliennes en mer pour General Electric ; 2- l’annonce il y a 2 semaines d’un investissement de 1,7 milliard dans son barrage d’Îles Malignes ; 3- la construction prochaine d’un parc éolien de 1000 mégawatts. On ajoute à ça le projet de loi 96 qui permet à Rio Tinto de vendre l’électricité à des tiers et tout devient limpide. Le dossier de Rio Tinto au Saguenay-lac-Saint-Jean est rien de moins qu’accablant. Comme le disait il y a longtemps un célèbre duo, je dirais même, je dirais même plus : « Honteux ».

L’EXPLOITATION DE NOTRE EAU PAR RIO TINTO, Quel avenir pour le Québec ? Jacques Dubuc et Myriam Potvin, Édition Somme Toute.

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Des ex-cadres lèvent le voile sur Alcan/Rio Tinto et son électricité
« Il est plus que temps que ça change

 » Martine Ouellet

Montréal, le lundi 26 mai 2025 – Martine Ouellet, cheffe de Climat Québec, souligne l’importance des révélations contenues dans un livre-choc rédigé par deux anciens cadres d’Alcan/Rio Tinto. Ces auteurs lèvent le voile sur les privilèges exorbitants dont bénéficie la multinationale grâce à ses barrages privés, mettant en lumière des enjeux majeurs sur l’avenir de la production hydroélectrique au Québec et la mainmise croissante d’intérêts privés sur une ressource collective aussi stratégique que notre eau.

Dans « L’exploitation de notre eau par Rio Tinto », publié aux Éditions Somme Toute, Jacques Dubuc et Myriam Potvin, deux anciens cadres dont l’un fut la voix d’Alcan au Saguenay–Lac-Saint-Jean pendant de nombreuses années, sonnent l’alarme. Leur constat : Rio Tinto dévie dangereusement des engagements historiques pris lors de l’exception à la nationalisation de ses barrages en 1962.

À l’époque, les installations d’Alcan — représentant environ le quart de la production électrique du Québec — avaient été soustraites à la nationalisation en raison de leur impact majeur sur l’emploi, avec 12 000 emplois directs. Aujourd’hui, que ce nombre est tombé à moins de 3 000.

« En combinant les subventions déguisées liées à ses barrages, les passe-droits fiscaux et les exemptions pour les GES, ce sont 1,2 milliard de dollars par année que Rio Tinto reçoit en manque à gagner pour les contribuables québécois. Il est plus que temps que ça change. » déclare Martine Ouellet, cheffe de Climat Québec

Le livre révèle également le non-respect des engagements juridiques pris par Alcan en 1984 lors du renouvellement du bail de la rivière Péribonka, engagements reconduits par Rio Tinto en 2006. Selon Dubuc et Potvin, ce manquement ouvre la porte à une reprise légale des trois barrages concernés par le gouvernement du Québec. L’ouvrage aborde également les enjeux liés au projet Elysis et à la gestion des rives du lac Saint-Jean.

« Avec les révélations de ce livre, l’ensemble de la classe politique a le devoir de revisiter le pacte social et d’exiger de Rio Tinto des retombés à la hauteur de ses privilèges. Sans cela, il est du devoir du gouvernement de reprendre les droits d’eau et d’en faire meilleur usage au bénéfice de la population. » ajoute Martine Ouellet

Il semble s’opérer un vaste réorientation du coté de Rio Tinto avec le nouveau PDG qui provient de GE volet énergie renouvelable qui investit massivement dans la production électrique, avec un parc éolien de 1 000 MW et 1,7 milliard $ pour la rénovation du barrage d’Îles Malignes. Combiné avec les volontés exprimées dans le projet de loi 69, qui permettrait aux producteurs privés de vendre leur électricité à des tiers, une question s’impose : Rio Tinto est-elle en voie de devenir une entreprise énergétique privée voulant vendre de l’électricité plutôt que de l’aluminium et ce au détriment du bien commun ?

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SOURCE :

climat.quebec

Relations médias communications@climat.quebec

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