Photo Serge d’Ignazio
Les classes politiques occidentales et surtout l’américaine ont souvent utilisé cet argument pour discréditer l’activisme en faveur de la cause palestinienne. Quelques manifestants ont pu utiliser des mots malheureux dans leurs discours et slogans vis-à-vis d’Israël et porter à son égard des accusations injustes, mais cela n’en fait pas pour autant des racistes, les mots dépassant parfois la pensée. Il faut surtout éviter de généraliser. Une mise au point s’impose donc une fois de plus sur ce sujet délicat. Nous allons procéder par ordre.
1- Tout d’abord, les Juifs et Juives ne sont pas des Sémites. Ils ne forment pas une ethnie. Il n’existe pas d’hérédité juive. Il s’agit d’adhérents à une religion, d’une culture, d’une mystique, au même titre que le christianisme et l’islam. Il existe des nations à majorité catholique, mais aucune hérédité catholique. Les gens de confession juive peuvent abandonner leur foi quand ils veulent, tout comme d’autres personnes ont la liberté de s’y convertir. Mais pendant des siècles, la cohérence religieuse était si intense un peu partout qu’on a fini par confondre les adhérents à telle ou telle religion avec une "race". Cela explique (sans les justifier, bien entendu) les multiples persécutions dont les Juifs ont souffert dans l’Europe chrétienne au Moyen-Âge. Il vaudrait donc mieux parler d’antijudaïsme, tout comme il y eu de l’anticatholicisme de la part des gouvernements protestants (par exemple, celui des Anglais contre les Irlandais) et de l’antiprotestantisme en France à l’époque des guerres de religion au seizième siècle. Les Irlandais ne sont pas pas davantage génétiquement catholiques qu’une majorité de Britanniques ne sont congénitalement protestants.
2- On doit ensuite distinguer judaïsme et sionisme. Ce dernier représente un courant idéologique qui prône le retour des gens de religion juive sur la terre supposée de leurs ancêtres, au Proche-Orient. Cet aspect politique du judaïsme ne fait d’ailleurs pas l’unanimité chez les Juifs eux-mêmes. Pour des considérations spirituelles, mystiques, humanistes et religieuses, un certain nombre d’entre eux s’opposent en effet aux sionistes. Les manifestations universitaires propalestiniennes récentes aux États-Unis comptaient parmi leurs rangs un certain nombre de ces personnes qui estiment que le sionisme trahit l’idéal judaïque. Ils prennent fait et cause pour le peuple dépossédé, les Palestiniens. Il faut savoir que si dans l’Antiquité, les Romains ont déporté un certain nombre de révoltés de confession judaïque, une majorité de la population est demeurée sur place. Certains déportés ont fait des convertis en Europe, mais ceux-ci et leurs descendants n’ont jamais vécu en Palestine. La population demeurée sur place a continué à pratiquer sa religion, jusqu’à la conquête arabe du septième siècle qui a entraîné sa conversion à l’islam. Ce sont les ancêtres des Palestiniens d’aujourd’hui. Une minorité d’entre eux a cependant continué à adhérer au judaïsme. Elle a vécu en bonne entente avec ses compatriotes convertis à l’islam. Mais tout a changé, pour le pire, lorsque des Juifs européens, inspirés par le sionisme ont commencé à affluer en Palestine (alors sous mandat britannique) au début du vingtième siècle. On connaît la suite.
3- Il existe bel et bien une composante de racisme dans toute cette histoire, mais elle ne se niche pas où on la situe habituellement. Plusieurs sionistes (des Européens pour la plupart) partageaient les préjugés occidentaux contre les "Arabes" . À cette époque impérialiste (à l’orée du vingtième siècle) où les puissances colonialistes (Grande-Bretagne, France, Allemagne, Pays-Bas) s’enorgueillissaient de leurs possessions outre-mer et parlaient de la "mission civilisatrice de l’homme blanc", bien des Juifs européens étaient imprégnés à divers degrés de cette mentalité. De leur point de vue, la population locale palestinienne était inférieure et elle occupait des terres que leurs aïeux avaient supposément possédées. C’est donc sans état d’âme que les militants et dirigeants sionistes ont commencé à envahir la Palestine, d’autant que plusieurs de leurs compatriotes fuyaient les persécutions antijudaïques en Europe, particulièrement en Allemagne. Mais ce faisant, ils créaient un autre problème grave, celui-là au Proche-Orient.
Les dirigeants occidentaux et israéliens invoquent toujours le supposé "droit à l’existence" de l’État hébreu (même s’il s’est établi sur les ruines de l’ancienne Palestine arabe) et s’appuient pour ce faire, sur la mémoire des multiples victimes de l’Holocauste. N’est-ce pas au contraire lui faire injure, la trahir en quelque sorte que de légitimer l’injustifiable à l’endroit d’un autre peuple qui n’a jamais rien fait à personne et qu’on martyrise parce qu’il ose se défendre ?
Jean-François Delisle
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