Édition du 16 avril 2024

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Le blogue de Louise Chabot

Le numérique en éducation doit rester public !

La semaine dernière, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) dévoilait les résultats d’une grande enquête sur le numérique en éducation à laquelle ont participé 9 000 personnes. C’est une étude de fond qui a révélé que le personnel de l’éducation des secteurs scolaire, de l’enseignement supérieur et des établissements privés accueille très favorablement l’implantation des possibilités qu’offre le numérique dans leur pratique éducative (ou autre) et voit les bénéfices pour la motivation et l’apprentissage des élèves et des étudiantes et étudiants. Cependant, les personnes répondantes ont fait état du manque de formation pour intégrer correctement les outils numériques.

Or, nous apprenions dans la même semaine que le ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport, Sébastien Proulx, a annoncé une subvention de 990 000 $ au Centre d’animation, de développement et de recherche en éducation pour le 21e siècle (CADRE21). Or, cette plateforme de formation continue numérique élaborée par la Fédération des établissements d’enseignement privés (FEEP) mise sur l’autoformation des enseignantes et enseignants.

Une approche individualiste de la formation continue

En survolant le site Web de CADRE21, on constate que l’approche préconisée en est une très individualiste qui déresponsabilise les directions des établissements d’enseignement en matière de formation continue pour son personnel. On y offre des petits badges d’accomplissement (« explorateur », « architecte », « virtuose » et « innovateur ») pour marquer la progression des apprenants dans leur atteinte du statut ultime « d’accompagnateur et leader pédagogique ». La logique ressemble à s’y méprendre à celle des organismes faisant la promotion des méthodes de gestion Lean, Six Sigma et autres dérivées de la nouvelle gestion publique.

Dans les écoles privées du Québec, la tendance observée montre que les enseignantes et enseignants perdent leur autonomie dans le choix de leur formation continue et l’implantation de CADRE21 vient la restreindre encore plus. Cette logique de standardisation est néfaste pour l’autonomie professionnelle des enseignantes et enseignants. D’autant plus qu’ils doivent généralement suivre cette formation sur leur temps personnel, déresponsabilisant du même coup leur employeur. Ce dont les enseignantes et enseignants ont besoin, ce n’est pas d’un outil qui ajoute à leur tâche, c’est de temps pour suivre des formations dont ils ont réellement besoin !

Inquiétante incursion du privé dans la formation des enseignantes et enseignants du public

Voici ce qu’a dit Sébastien Proulx à propos de CADRE21 :

La formation continue constitue un excellent accélérateur de changement positif, de progression, qui fait de notre réseau d’éducation un puissant levier économique et social. C’est exactement dans cette optique qu’a été créé le Centre d’animation, de développement et de recherche en éducation pour le 21e siècle, qui vise à accompagner les enseignants et enseignantes francophones dans leur réflexion et leur développement professionnels. Dans une société où le numérique est omniprésent, le CADRE21 est plus qu’à propos, et nous sommes heureux de l’appuyer.

Que le ministre réaffirme l’importance de la formation continue pour le personnel des établissements d’enseignement du Québec est une excellente chose, surtout dans le cadre de la Stratégie numérique du gouvernement du Québec et du Plan d’action sur le numérique du ministère de l’Éducation.

Cependant, il y a lieu de s’inquiéter avec cette annonce. Les outils de formation et l’expertise pour accompagner le personnel scolaire dans l’implantation des outils numériques dans leur pratique existent déjà. Le Réseau éducation collaboration innovation technologie (RÉCIT) existe déjà. Le RÉCIT est un réseau de conseillères et conseillers pédagogiques axé sur le développement des compétences des élèves par l’intégration des technologies de l’information et de la communication (TIC) et il réalise ce mandat par la formation, le soutien et l’accompagnement du personnel enseignant, tout en développant une culture de réseau et de partage.

Difficile de comprendre, dans ce contexte, pourquoi le ministre se tourne vers le privé plutôt que de bonifier les sommes déjà allouées à un réseau qui a fait ses preuves comme le RÉCIT. Par ailleurs, l’idée de faire porter sur les seules épaules des enseignantes et enseignants la responsabilité de la formation continue est inacceptable. Un tel projet amènera inévitablement les enseignantes et enseignants à se former sur leur temps personnel, diminuant encore la frontière vie professionnelle et vie privée. Cela implique également que le temps pris pour la formation sera du temps non rémunéré qui s’ajoute à la surtâche des enseignantes et des enseignants ! Est-ce ainsi qu’on valorise la formation continue ?

Louise Chabot

Présidente de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) (depuis 2012)

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