Édition du 3 juin 2025

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Asie/Proche-Orient

Le plan d'aide d'Israël à Gaza est un élément clé de sa stratégie d’expulsion des Palestiniens

Le projet d’Israël de confier la distribution de l’aide à Gaza à une entreprise privée américaine est un élément clé de son plan de nettoyage ethnique de la population. Voici comment.

Tiré de Agence médias palestine
27 mai 2025

Par Qassam Muaddi, le 22 mai 2025

Photo : Des Palestiniens font la queue pour recevoir des pots de nourriture distribués par des organisations caritatives, à Gaza, le 21 mai 2025. (Photo : Omar Ashtawy/APA Images)

L’expulsion forcée du peuple palestinien est désormais l’objectif explicite de la guerre menée par Israël contre Gaza. Mercredi soir, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré qu’Israël ne mettrait fin à la guerre que si « le Hamas se rendait, Gaza était démilitarisée et que nous mettions en œuvre le plan Trump ».

Trump est revenu sur son plan de février visant à « prendre possession » de Gaza, à expulser sa population et à la transformer en « Riviera du Moyen-Orient », mais Netanyahu l’a tout de même saisi et considéré comme un feu vert pour exterminer Gaza. La dernière phase de ce plan consiste à militariser l’aide humanitaire à des fins d’extermination finale de Gaza.

Le plan est simple : affamer la population de Gaza et créer une seule zone rase où elle pourra venir chercher des rations alimentaires, acheminées par l’armée israélienne et gérées par une entreprise privée américaine. La population de Gaza sera contrainte de se rendre dans ces points de collecte, où elle sera parquée dans ce qui sera en fait un camp de concentration, situé dans l’ancienne ville de Rafah, transformée aujourd’hui en un terrain vague.

Netanyahu a clairement exprimé tout cela dans sa dernière déclaration, publiée au lendemain de l’annonce par Israël de son intention d’autoriser l’entrée d’une aide humanitaire « minimale » à Gaza pour des « raisons diplomatiques », afin d’éviter des accusations de crimes de guerre et des images de famine.

Lundi, le cabinet de guerre israélien a finalement approuvé l’entrée de l’aide, après deux mois de blocus total du territoire assiégé. Cette famine forcée a entraîné la propagation de la faim et des maladies. Le bureau des médias du gouvernement de Gaza a indiqué qu’ au moins 70 000 enfants palestiniens ont été hospitalisés pour malnutrition sévère.

La décision du cabinet fait suite à d’intenses négociations avec le Hamas au Qatar, avec la médiation de cet État du Golfe et la pression de l’envoyé américain au Moyen-Orient, Steve Witkoff. Les pourparlers ont débuté après la libération par le Hamas du soldat israélo-américainEdan Alexander au début de la semaine dernière.

Les États-Unis auraient fait pression sur Israël pour qu’il envoie une équipe de négociateurs, conduisant finalement à la décision d’autoriser l’entrée de denrées alimentaires.

Les pourparlers se poursuivent sur la possibilité d’un cessez-le-feu, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu insistant sur le fait qu’Israël ne s’engagera pas à mettre fin à la guerre et conservera le contrôle de Gaza. Le Hamas insiste sur des garanties américaineset une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU stipulant qu’Israël ne reprendra pas ses attaques sur Gaza après la libération des prisonniers israéliens. Toutefois, pour l’instant, les Palestiniens de Gaza devraient bénéficier d’un certain soulagement face à la famine, Israël ayant déjà commencé à autoriser l’entrée d’un petit nombre de camions de nourriture dans la bande de Gaza.

Mardi, l’ONU a déclaré que les neuf camions autorisés à entrer la veille par Israël ne représentaient qu’une « goutte d’eau dans l’océan » par rapport aux besoins de la population dévastée. Mais la quantité de l’aide autorisée à entrer à Gaza n’est pas la seule préoccupation qui plane autour de cette question. Une crainte supplémentaire grandit que l’aide puisse être utilisée comme un outil par Israël pour atteindre son objectif principal en temps de guerre : faciliter l’expulsion des Palestiniens de Gaza.

L’objectif d’Israël : le nettoyage ethnique

Lorsque Israël a annoncé sa dernière offensive visant à contrôler l’ensemble de Gaza, baptisée « opération Gédéon », le quotidien israélien Yediot Ahronot a rapportéque l’une des phases de l’opération consisterait à transférer la majorité de la population palestinienne vers le sud de la bande de Gaza, en particulier dans la région de Rafah. Ces informations ont été publiées simultanément avec les déclarations de Netanyahu aux réservistes israéliens la semaine dernière, selon lesquelles Israël vise à chasser les Palestiniens de Gaza et que le principal obstacle est de trouver des pays prêts à les accueillir. La concentration des Palestiniens dans le sud de Gaza est considérée par la plupart des analystes comme une étape préparatoire à leur expulsion. Ce nouveau plan d’aide humanitaire à Gaza pourrait être la dernière pièce de cette stratégie.

Cette utilisation tactique de la distribution de nourriture est envisagée par le cabinet de guerre israélien depuis l’année dernière, plusieurs mois avant la conclusion du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas. En septembre 2024, Netanyahu discutait déjà du meilleur mécanisme pour permettre la distribution de l’aide dans le nord de Gaza, où l’armée israélienne prévoyait alors d’étendre ses opérations terrestres. Netanyahu a déclaré lors d’une réunion du cabinet que l’armée israélienne « se chargerait » de distribuer l’aide dans les zones où elle s’efforçait également de vaincre la résistance palestinienne.

Le journal israélien Makor Rishon a rapportéà l’époque que le Premier ministre israélien suivait les suggestions de ses alliés d’extrême droite au sein du cabinet, Itamar Ben-Gvir, Bezalel Smotrich et Orit Strock, qui auraient soutenu le contrôle de l’armée israélienne sur la distribution de l’aide, dans le cadre d’un plan plus large visant à étendre l’offensive terrestre dans le nord de la bande de Gaza. Le journal citait Smotrich qui qualifiait ce plan de « changement stratégique » visant à « maximiser l’effort militaire » afin de vaincre le Hamas.

Deux mois plus tard, l’armée israélienne a bouclé tout le nord de la bande de Gaza, provoquant une baisse immédiate de la quantité de nourriture disponible et poussant quelque 400 000 Palestiniens au bord de la famine dans le cadre de ce qui a été appelé « le plan des généraux », destiné à chasser les Palestiniens du nord de Gaza. Cette opération a fait chuter la population du nord de Gaza sous la barre des 100 000 habitants, atteignant même 75 000 selon certaines sources. Israël n’a jamais été en mesure de mettre en œuvre son projet de contrôle de la distribution de l’aide, car le blocus du nord a suffi à lui seul à chasser la majeure partie de la population de la région, et un cessez-le-feu a finalement été conclu à la mi-janvier.

Le nouveau plan d’aide

Même si le cabinet de guerre israélien a approuvé lundi l’entrée des camions d’aide, la mise en œuvre effective de cette décision a été progressive. Jeudi, le bureau des médias du gouvernement de Gaza a annoncé que certains camions étaient arrivés dans la bande de Gaza pour distribution trois jours après la date prévue.

Les organisations internationales, notamment les agences des Nations unies telles que l’UNRWA et le Programme alimentaire mondial (PAM), ont traditionnellement joué un rôle clé dans la distribution de l’aide à Gaza. Mais quelques minutes après la décision du cabinet cette semaine, le Times of Israel a rapporté qu’Israël allait adopter un nouveau mécanisme pour distribuer l’aide par l’intermédiaire de l’armée israélienne, contournant ainsi les organisations internationales.

L’élément le plus important de ce nouveau dispositif est que l’aide ne serait pas distribuée dans toute la bande de Gaza, mais dans des points de distribution spécifiques où les Palestiniens seraient tenus de se rendre pour la recevoir.

Ce plan israélien avait en fait déjà été annoncé comme un plan conjoint des États-Unis et d’Israël, qui prévoyait la distribution d’une aide sous forme de rations limitées aux ménages. Dans le nouveau plan israélien, plutôt que de travailler avec les organisations humanitaires traditionnelles, la distribution serait organisée par la Gaza Humanitarian Foundation, une fondation humanitaire récemment créée aux États-Unis. Le 4 mai, les organisations internationales présentes à Gaza ont unanimement rejeté ce plan dans une déclaration commune, affirmant qu’il « contrevient aux principes humanitaires fondamentaux et semble conçu pour renforcer le contrôle sur les produits de première nécessité comme moyen de pression dans le cadre d’une stratégie militaire ».

Cette déclaration a été suivie le 6 mai par une déclaration des équipes d’aide humanitaire de l’ONU, qui ont déclaré que ce plan « semble être une tentative délibérée d’instrumentaliser l’aide ».

Un mois plus tôt, le 8 avril, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, avait rejetéle contrôle israélien sur la distribution de l’aide à Gaza, affirmant qu’il risquait « de contrôler davantage et de limiter de manière cruelle l’aide jusqu’à la dernière calorie et au dernier grain de farine ». M. Guterres avait ajouté que l’ONU « ne participerait à aucun arrangement qui ne respecterait pas pleinement les principes humanitaires : humanité, impartialité, indépendance et neutralité ».

Pendant ce temps, Gaza meurt de faim

Alors qu’Israël poursuit officiellement les négociations de cessez-le-feu avec le Hamas au Qatar, sa décision d’autoriser l’entrée de l’aide a été présentée comme un pas en avant dans les efforts visant à mettre fin à la crise humanitaire à Gaza. Cependant, si elle est mise en œuvre conformément au plan d’Israël, la livraison de l’aide pourrait devenir une nouvelle étape dans la stratégie israélienne visant à atteindre son objectif désormais explicite d’expulser la population palestinienne de la bande de Gaza.

Dans le même temps, la famine s’accentue de minute en minute dans la bande de Gaza, faisant depuis octobre 2023 au moins 57 morts parmi les Palestiniens, principalement des enfants, selon le ministère palestinien de la Santé, et provoquant 300 fausses couches dues au manque de nutriments. Le bureau des médias du gouvernement de Gaza a également déclaré qu’un nombre indéterminé de personnes âgées étaient décédées en raison du manque de médicaments au cours de la même période.

Tout cela se poursuit alors que les forces israéliennes intensifient leurs frappes aériennes sur la bande de Gaza, tuant 82 Palestiniens au cours des dernières 24 heures (mardi à mercredi), selon le ministère palestinien de la Santé. Depuis octobre 2023, l’offensive israélienne sur Gaza a officiellement tué plus de 53 000 Palestiniens, la plupart des estimations du bilan total du génocide étant beaucoup plus élevées.

Traduction : JB pour l’Agence Média Palestine
Source : Mondoweiss

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