Des conventions collectives à la grève climatique en passant par les lieux de travail
Côté inclusion de clauses climatiques dans les conventions collectives, TJC a réussi à faire inscrire « une clause écologique dans le cahier des demandes du secteur cégep et la prioriser » mais n’est pas arrivé à la faire inscrire dans la convention collective malgré une lettre ouverte signée par une quinzaine de syndicats de l’éducation et associations étudiantes publiée par La Presse. TJC compte étudier des parcours ayant mené à des victoires similaires dont Healthy Green Schools à Los Angeles et aussi de se former au potentiel des « négociations ouvertes », mises en pratique par des syndicats des universités McGill et Concordia. Celles-ci permettent à la militance d’influencer directement les négociations et d’accélérer la circulation de l’information vitale pour un fonctionnement plus démocratique.
L’axe de transformation des lieux de travail s’est traduite par l’initiation de la campagne « Sortons le gaz » des lieux de travail en association avec la campagne plus connue de sortir le gaz des municipalités à laquelle a récemment adhéré partiellement la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM). La campagne a été récemment lancée et un argumentaire développé mais elle n’a pas encore été enracinée dans un lieu de travail bien qu’elle ait été adoptée en principe par cinq syndicats d’enseignement de cégep. L’atelier lui étant consacré a aussi constaté la difficulté de construire une campagne au niveau primaire et secondaire étant donné le grand nombre d’intervenants malgré la centralisation des décisions. Pour percer quelque part, au-delà des résolutions, il faudra un noyau de gens sur le terrain qui prennent le dossier à bras-le-corps.
Cet axe comprend aussi la préparation d’États généraux pour une éducation environnementale cohérente visant le milieu de l’éducation et prévus pour la fin du printemps 2025. Comme outil de mobilisation, un plaidoyer a été développé. Une proposition de soutien en vue des prochains congrès FNEEQ-CSN et du conseil général FEC-CSQ y sera présentée et dont l’adoption semble très probable. Un autre axe vise l’étude des opportunités de collectivisation économique ou de nationalisation pour réduire le pouvoir de l’entreprise privée. Le comité de travail de cet axe étudie la faisabilité de construire un fonds de collectivisation pour ce faire. (N’y a-t-il pas là une fausse piste qui cherche à mobiliser le capitalisme — car d’où viendront les fonds ? — contre le capitalisme alors qu’il y faudrait une mobilisation proprement politique pour forcer la socialisation des entreprises visées ?)
Un dernier axe et pas le moindre puisqu’il justifie en dernière analyse la raison d’être des TJC, fut la « revendication du droit à la grève climatique ». Force d’admettre que pour cet axe, les objectifs ne sont pas atteints soit « créer un comité de travail » et « proposer un plan de campagne ». La situation objective est même en recul comme l’a admis le responsable de cet axe. Une telle grève hors convention collective est illégale. La dernière en date de 24 heures en septembre 2022 concernait 15 000 travailleuses et travailleurs, essentiellement des professeur-e-s de cégeps et des étudiant-e-s employé-e-s, et près de 146 000 étudiant-e-s d’universités et de cégeps. L’absence de sanction et de poursuite s’expliquait sans doute par la campagne électorale alors en cours. En plus de sortir du monde de l’éducation, le défi clef consiste à gagner le droit de grève sociale y compris pour le climat. On ne peut que réaliser que le sentiment d’échec de la grève du secteur public dénoté par un vote scindé par le milieu a créé une démobilisation peu propice à un nouvel essai.
Investir le transport en commun et considérer une panoplie de revendications
Subséquemment aux rapports sur les axes, l’assemblée a planché sur certaines thématiques particulières. On a souligné qu’en plus de sortir le gaz des lieux de travail, l’enjeu du transport en commun, en particulier de sa gratuité totale ou partielle mais aussi du service hors centres urbains y compris la nationalisation du transport interurbain en chute libre, est susceptible de mobiliser tant la gent travailleuse que celle étudiante. On note un intérêt dans certains cégeps pour cette lutte. La revendication de la gratuité peut mettre à contribution autant l’employeur que l’État. On a souligné la liaison avec les syndicats du transport en commun, surtout en temps de grève, comme l’a fait en Allemagne Fridays for Future vis-à-vis les syndicats de ce secteur.
Un autre atelier s’est attaqué au défi de la mobilisation du secteur privé dont plusieurs sous-secteurs devront accepter une décroissance y compris de l’emploi. À cet égard, il faut dans les revendications distinguer l’emploi du travailleur ou de la travailleuse. On pense ici au syndicat de la fonderie Glencore à Rouyn-Noranda. La culture hermétique de TJC n’est pas toujours propice à l’inclusion du secteur privé comme l’ont montré certaines prises de bec lors d’assemblées pluri-syndicales. Il faut d’abord s’informer de ce que pensent les membres du syndicat quitte à faire des contacts un à un comme l’a fait un syndicat UNIFOR, et aussi de ce que font déjà ces syndicats en matière d’environnement. Cette démarche permet en plus d’identifier les meneurs naturels.
Cet atelier a en quelque sorte été relayé par celui sur la tactique d’introduction de clause écologique dans les conventions collectives. La porte d’entrée est souvent l’enjeu de la santé-sécurité ou celui à la mode de l’ESG (environnement, social, gouvernance) lequel, par exemple, donne lieu à trois rencontres annuelles paritaires dans un syndicat UNIFOR. Les deux enjeux peuvent être combinés, ce qui facilite la libération d’un travailleur ou travailleuse et même la mise sur pied d’un fonds d’éducation. Dans le secteur santé mais pas seulement, on peut mettre sur la table la conséquence des pandémies souvent provenant de zoonoses, des canicules et même des impacts des feux de forêt. Les enjeux spécifiques peuvent varier, de la carboneutralité des lieux de travail jusqu’au transport en commun en passant par des points spécifiques comme le retour à la stérilisation au lieu du jetable et une option végétarienne à la cafétéria.
L’austérité contre l’adaptation climatique et sauver les travailleurs, pas leur emploi
Plus globalement au niveau de l’argumentaire, particulièrement dans le secteur de la santé mais aussi de l’éducation, on peut attirer l’attention sur la contradiction entre austérité, conséquence en grande partie de la générosité gouvernementale gargantuesque pour la filière batterie, et l’augmentation de la lourdeur de la tâche due à la crise climatique. Du côté secteur privé, surtout pour les emplois qui doivent disparaître et donc les travailleurs recyclés, on peut soulever l’enjeu de la reconversion industrielle dont le fer de lance actuel est sans doute la lutte- reconversion contre la fermeture de GKN Driveline (ex-FIAT) à Florence.
(Lors de la dernière campagne électorale, Québec solidaire avait proposé, pour la fonderie Glencore, en cas d’un refus ou de l’impossibilité d’une modernisation écologique que ce soit par l’entreprise elle-même ou par l’État suite à une nécessaire expropriation, une reconversion par exemple pour fabriquer du matériel pour la rénovation écoénergétique des bâtiments ou des pièces pour des moyens de transport en commun, le syndicat se serait peut-être rallié à cette proposition entraînant derrière elle la population laborieuse de Rouyn-Noranda. La circonscription serait probablement restée dans le giron Solidaire… et la présente crise existentielle aurait pu être évitée. Cette heureuse issue aurait été causée par une radicalisation de la plateforme à l’encontre de son centrisme pragmatique.)
Dans l’atelier concernant les liens avec la population étudiante, il a été constaté que le mouvement étudiant est passablement démobilisé et qu’il est à se restructurer. En l’absence de fédération forte, il faudrait mettre l’emphase sur les liaisons locales. Il a été suggéré que TJC, dans ces circonstances, accueille les organisations étudiantes en son sein. Cette proposition a soulevé des réticences dans le sens de confondre des sensibilités et problématiques trop dissemblables. Il faudra en rediscuter. Ce pourrait être à l’occasion de la prochaine assemblée générale de la mi-juin qui sera aussi en mode hybride, à la demande générale, car il faudra discuter et adopter le plan d’action que les riches et prolongés débats de cette assemblée-ci n’ont pas permis d’adopter. Voilà une première tâche pour la nouvelle coordination élargie de cinq à sept personnes dont toutes les personnes sortantes qui ont renouvelé leur mandat. Pour terminer, il a été décidé de faire enquête sur ce qui se fait au niveau du transport en commun et de contacter les syndicats de ce secteur ; de considérer les liens avec le privé ; un plaidoyer pour le secteur santé ; et la possibilité de tenir des états généraux décentralisés sur l’éducation en préparation de ceux généraux.
La grève de masse climatique, une tâche gigantesque et indispensable
Comme membre non-votant de TJC — seuls les syndicats membres peuvent voter mais les individus peuvent être membres et pleinement participer — même si je suis à la retraite depuis belle lurette, je tiens à cette participation. Comment en effet renverser le rapport de forces entre la gouvernance du monde par le 1%, la bourgeoisie financière-oligopolistique, qui mène allègrement le monde vers la catastrophe de la terre-étuve en passant par de grandes guerres, et le 90%, le peuple travailleur. Autant l’histoire révolutionnaire du XXe siècle dans les pays industrialisés a démontré qu’on ne saurait concevoir un renversement du capitalisme sans une grève de masse pro-active bloquant tant l’accumulation du capital que visant la prise du pouvoir, autant cette grève au XXIe siècle sera une grève de masse, une grève sociale comme on dit au Québec, climatique. Il y a bien sûr loin, très loin, de la coupe aux lèvres tant au Québec qu’ailleurs. Les TJC ont entrepris de faire les premiers pas pour l’accomplissement de cette tâche gigantesque et indispensable.
Marc Bonhomme, 5 mai 2024
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca
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