Édition du 30 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Syndicalisme

Négociation dans les secteurs public et parapublic : Les récents développements

Il aurait été un tantinet indécent de la part de la présidente du Conseil du trésor qu’elle passe sous silence ou qu’elle ne pose aucun geste à la suite de la manifestation du Front commun intersyndical CSN-CSQ-FTQ et APTS qui a eu lieu le samedi 23 septembre 2023 dans les rues de Montréal.

Manifestation syndicale pleinement réussie qui a rassemblé autour de 100 000 manifestant.e.s qui exprimaient leur adhésion à leurs revendications et leur opposition à la ridicule proposition d’augmentation salariale de 9% sur 5 ans du gouvernement Legault. Revendications salariales syndicales appuyées, surtout en ce qui a trait au volet indexation, par 86% la population sondée par la firme SOM. 

Le paraître toujours au poste de commande

La réaction de madame Lebel par contre n’a rien d’un geste qui relève de la grandeur. Nous sommes ici dans le rayon du « paraître ». Depuis le début de la présente ronde de négociation que madame Sonia Lebel se comporte comme si elle avait devant elle tantôt des interlocuteurs et des interlocutrices avec qui ses équipes de négociations patronales établissent un lent dialogue et tantôt des figurant.e.s avec qui ses comités patronaux de négociation feignent d’écouter les propositions syndicales susceptibles d’améliorer les conditions de travail des 600 000 salarié.e.s des secteurs public et parapublic qui sont à environ 75% des femmes. Madame Lebel se comporte par conséquent comme s’il n’y avait qu’une chose importante à ses yeux : se positionner pour se donner toujours raison devant l’opinion publique.

On se rappellera ici qu’en février 2023, elle exigeait, dans un souci apparemment d’efficacité, que le nombre de tables de négociations passe d’une cinquantaine à rien de moins que « trois forums de discussion » (« équipe-classe », « équipe santé mentale » et « équipe soins »). En juin dernier, elle disait que les équipes de négociations syndicales devaient, en vue d’un règlement rapide, être disponibles durant la période des vacances estivales. Que dire de ces deux gestes qui ont marqué, jusqu’à maintenant, la présente ronde de négociation. Il s’agit là manifestement de la poudre aux yeux lancée pour épater la galerie et donner l’impression à la population que le Conseil du trésor « négocie rondement » (sic) et que ce sont ses vis-à-vis syndicaux qui refusent d’accélérer le tempo. Retenons que l’été est derrière nous et rien n’a véritablement été conclu jusqu’à maintenant aux 50 tables sectorielles.

La demande unilatérale de madame Lebel

Sous prétexte d’accroître les chances de conclure une entente négociée dans les secteurs public et parapublic « d’ici la fin de l’année », madame Lebel invite maintenant les organisations syndicales à réduire à « environ cinq » leurs demandes sectorielles et elle s’engage à faire de même « d’ici deux semaines ». Nous sommes donc rendus, du point de vue du gouvernement Legault, au moment « élagage » des demandes sectorielles. Que penser d’une telle demande qui a toutes les caractéristiques d’une demande unilatérale ?

Nous retenons de certaines entrevues entendues à la radio cette semaine et de certains échanges que nous avons eus avec des représentant.e.s du milieu syndical ce qui suit : il y a bel et bien des séances de négociation dont la fréquence varie d’une organisation syndicale à l’autre ; les ouvertures du côté patronal sont plutôt minces et les organisations syndicales - à une exception près - sont à la recherche d’un mandat de grève à exercer cet automne.

Bref, madame Lebel se comporte comme une chèfe d’orchestre qui se présente à la répétition avec un air en tête qu’elle se contente de fredonner en annonçant à ses musicien.ne.s qu’elle arrivera « d’ici deux semaines » avec un début, sur papier, de la partition à pratiquer. Constatons qu’il n’y a, à ce moment-ci, qu’une première version brouillonne et incomplète de l’ensemble de l’œuvre que les 600 000 salarié.e.s syndiqué.e.s auront à vivre comme conditions de travail et de rémunération pour les prochaines années.

En réaction à ce quasi-immobilisme du gouvernement face aux demandes syndicales, les organisations syndicales n’ont plus tellement le choix. Devant un calendrier où il ne reste plus tellement de journées de négociation d’ici décembre prochain, elles doivent augmenter la pression sur le gouvernement et tenir des assemblées générales en invitant leurs membres à se prononcer sur l’exercice de la grève.

Échange à l’Assemblée nationale

En réponse à une question de Gabriel Nadeau-Dubois de Québec solidaire au sujet de l’offre salariale du gouvernement caquiste aux salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic, le premier ministre Legault continue à affirmer mensongèrement qu’il offre une augmentation de « 13% au total […] pour les cinq prochaines années, alors que l’inflation est évaluée à 11,5% ». Nous laissons le soin aux organisations syndicales de rappeler, en les précisant, les données pertinentes qui s’appliquent ici.

Conclusion : « Happy few » et « miettes » pour celles et ceux qui sont dans l’trou…

La proposition finale du gouvernement du Québec à ses salarié.e.s syndiqué.e.s sera probablement dévoilée autour de la mise à jour économique du ministre Girard, prévue pour novembre prochain. Une chose reste cependant certaine pour le moment : les député.e.s de l’Assemblée nationale se sont accordé.e.s une augmentation salariale de 30% qui sera bonifiée du même pourcentage que celui qui sera accordé à « un titulaire d’un emploi supérieur applicable aux premiers dirigeants, vice-présidents et membres d’un organisme du gouvernement de niveau 4. » Soit, les paramètres qui seront négociés ou imposés unilatéralement aux salarié.e.s syndiqué.e.s du secteur public. Et rappelons que le gouvernement Legault accordait, en février 2022, aux juges de paix et aux juges municipaux, des augmentations salariales allant de 22% à 49,7%.

Jusqu’à preuve du contraire, nous sommes toujours tristement dans l’ère du règne des « happy few » (les juges, les député.e.s, les policières et les policiers…) . Et pour ce qui est des autres, les personnes qui ont de la difficulté à joindre les deux bouts, c’est plutôt l’ère des miettes pour celles et ceux qui sont dans l’trou !

Yvan Perrier

1er octobre 2023

Midi

yvan_perrier@hotmail.com

Sources :

https://www.ledevoir.com/politique/quebec/798264/moitie-quebecois-desapprouvent-offre-gouvernementale-employes-secteur-public?. Consulté le 1 octobre 2023.

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1959416/sonia-lebel-forums-discussions-negociation. Consulté le 1er octobre 2023.

« Une hausse également pour les juges de paix et municipaux

Les 43 juges municipaux permanents des cours de Montréal, de Québec et de Laval ont droit au même niveau d’augmentation que les magistrats de la Cour du Québec (22 %), ce qui portera leur salaire à 264 000 $. […]

Pour les 39 juges de paix magistrats, le salaire passera de 144 960 $ à 217 000 $ […] une hausse de 49,7 %. » Source Tommy Chouinard, https://www.lapresse.ca/actualites/justice-et-faits-divers/2022-02-03/quebec-haussera-le-salaire-des-juges-de-22-a-50.php. Consulté le 1er octobre 2023.

« Conditions salariales des employés du secteur public

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme la Présidente. Il y avait du monde dans les rues de Montréal samedi, plus de 100 000 personnes des quatre coins du Québec. C’est la plus grosse mobilisation de travailleuses et de travailleurs depuis que la CAQ est au pouvoir. C’est des infirmières, des électriciens, des profs, des concierges, des préposés, des ouvriers, du monde qui se lève tôt et qui se couche tard pour prendre soin des Québécois et des Québécoises dans les écoles puis dans les hôpitaux.

Qu’est-ce qu’ils demandent, ces gens-là ? Du respect. Ils demandent de ne pas s’appauvrir en travaillant pour le gouvernement quand tout coûte cher, quand les loyers, quand l’épicerie battent des records dans toutes les régions du Québec. En pleine crise du coût de la vie, là, ce qu’ils demandent, c’est juste le gros bon sens, mais qu’est-ce que leur patron leur offre ? 9 % sur cinq ans. Ce n’est même pas l’inflation. Et maintenant il sort de son chapeau une grosse épée de Damoclès. Il leur dit : Si les travailleuses ne rentrent pas dans le rang, bien, les primes, c’est fini.

Quand le premier ministre avait besoin de ces travailleuses-là durant la pandémie, il les appelait ses anges gardiens. Deux ans plus tard, il négocie avec des menaces. Qu’est-ce que ça va prendre ? Combien de mandats de grève ça va prendre pour que le premier ministre fasse une offre aux hommes puis aux femmes de nos services publics, une offre raisonnable, une offre respectueuse pour qu’on évite l’effondrement de nos services publics au Québec ?

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Oui. Mme la Présidente, je suis content de voir que Québec solidaire s’intéresse enfin au coût de la vie, s’intéresse à aider les Québécois. On était tout seuls à offrir des chèques, oui, des chèques. Lui, il proposait des taxes orange. Nous, on proposait des chèques, des baisses d’impôt, des crédits d’impôt pour les personnes de 70 ans et plus, un rehaussement de 50 % de l’aide sociale pour les personnes qui ont des contraintes à l’emploi. Là, maintenant, il vient de découvrir qu’effectivement, au lieu de taxes orange, bien, il faudrait remettre de l’argent dans le portefeuille. Il y a une mise à jour qui s’en vient en novembre. On va continuer. On n’a pas découvert ça dernièrement, Mme la Présidente.

Maintenant, revenons aux employés de l’État. On prévoit, pour les cinq prochaines années, qu’il y aura une inflation de 11,5 %. L’offre qui est faite, là, au total, c’est 13 %. Oui, il y a 9 %, qui est l’offre générale, mais il y a aussi une offre qui est sectorielle. Je sais que Québec solidaire est contre ça, de dire : On va donner, par exemple, plus d’argent aux psychologues. L’APTS, le syndicat, dit : Il n’est pas question d’augmenter plus les psychologues que les autres personnes. Mme la Présidente, on offre 13 %, 11,5 % d’inflation. Québec solidaire nous dit qu’il faudrait offrir plus. Où prendrait-il l’argent ?

La Présidente : Première complémentaire.

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Nadeau-Dubois : Le premier ministre a la capacité de payer à géométrie variable, hein ? Quand c’est les femmes puis les hommes qui travaillent fort pour nous autres, pour les Québécois, dans les services publics, ah, là, c’est bien compliqué de trouver l’argent, mais pour les P.D.G. des sociétés d’État, pour les projets du ministre de l’Économie, là, la caisse est toujours pleine, il n’en manque jamais d’argent.

Savez-vous c’est quoi, le salaire du monde, le salaire moyen du monde qui manifestait samedi ? 43 000 $ par année. Qu’est-ce qu’il répond, le premier ministre, aux gens qui font ça puis qui se font dire qu’ils n’auront pas plus que...

La Présidente : La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Mme la Présidente, lors de la dernière négociation de convention collective, pour la première fois dans l’histoire du Québec, on a donné une augmentation qui était le double, aux enseignantes, parce que les enseignants, au primaire puis au secondaire, ce sont surtout des femmes ; aux éducatrices en services de garde, « éducatrices » parce qu’il y a beaucoup plus de femmes que d’hommes ; aux préposées aux bénéficiaires, je devrais mettre é et e, parce que... s, c’est-à-dire, parce que c’est surtout des femmes, les préposées. Cette fois-ci, on veut augmenter les psychologues, c’est surtout des femmes. Le syndicat de l’APTS ne veut pas. Qu’en pense Québec solidaire ?

La Présidente : Deuxième complémentaire.

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Nadeau-Dubois : On le proposait, nous aussi, en campagne électorale, Mme la Présidente. Donc, le premier ministre est juste mal informé sur les positions de Québec solidaire.

Le premier ministre, là, il avait promis du changement quand il s’est fait élire, en 2018. Bien, 25 ans après son entrée en politique, aujourd’hui, ce que le monde voit dans nos services publics, ce n’est pas du changement, c’est le même vieux discours.

Le premier ministre avait promis du changement. Aujourd’hui, en négociant avec les femmes de nos services publics, il parle comme Jean Charest.

Des voix : ...

La Présidente : Bon ! La réponse du premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : Oui, oui. D’abord, c’est important, là, Québec solidaire devrait avoir le vrai chiffre, la moyenne de salaire qui est payé aux employés de l’État, c’est 61 000 $ par année. La moyenne qui est offerte à ces mêmes employés, c’est une augmentation de 13 % par année pour les cinq prochaines... 13 % au total, pardon, pour les cinq prochaines années, alors que l’inflation est évaluée à 11,5 %. Un point de plus que le 13 %, c’est 600 millions par année. Combien de taxes orange propose Québec solidaire ? »

* (14 h 40) *

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Yvan Perrier

Yvan Perrier est professeur de science politique depuis 1979. Il détient une maîtrise en science politique de l’Université Laval (Québec), un diplôme d’études approfondies (DEA) en sociologie politique de l’École des hautes études en sciences sociales (Paris) et un doctorat (Ph. D.) en science politique de l’Université du Québec à Montréal. Il est professeur au département des Sciences sociales du Cégep du Vieux Montréal (depuis 1990). Il a été chargé de cours en Relations industrielles à l’Université du Québec en Outaouais (de 2008 à 2016). Il a également été chercheur-associé au Centre de recherche en droit public à l’Université de Montréal.
Il est l’auteur de textes portant sur les sujets suivants : la question des jeunes ; la méthodologie du travail intellectuel et les méthodes de recherche en sciences sociales ; les Codes d’éthique dans les établissements de santé et de services sociaux ; la laïcité et la constitution canadienne ; les rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic au Québec ; l’État ; l’effectivité du droit et l’État de droit ; la constitutionnalisation de la liberté d’association ; l’historiographie ; la société moderne et finalement les arts (les arts visuels, le cinéma et la littérature).
Vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante : yvan_perrier@hotmail.com

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