Pour ma part (je l’ai déjà précisé dans des messages précédents destinés aux instances du Parti et publiés dans le site de Presse-toi à gauche !), ces sorties médiatiques donnaient tous les signes de la précipitation, de l’improvisation, d’une impulsivité mal contrôlée de la part d’un leader qui ne sait plus où donner de la tête, à cours de solutions ou de stratégies devant l’indifférence généralisée à l’Assemblée Nationale sur les enjeux de l’heure, urgents et cruciaux, comme la crise climatique, la crise du logement, la xénophobie grimpante (même dans les institutions « libérales »), le pouvoir hégémonique de l’argent sur la démocratie, la montée de l’extrême-droite, etc. D’ailleurs, dans sa lettre envoyée aux membres via le site de QS (relayée par les médias), GND se dit « fatigué » et avoue être dépassé par la situation, à la fois à l’interne (divergences entre l’aile parlementaire et la base militante) et à l’externe (Parlement, société civile, etc.)
Dans un court article publié dans Le Devoir dernièrement (21 mars), Amir Kadir a eu des mots très justes pour décrire l’événement et sa portée à moyen ou long terme pour QS : d’abord, il a félicité GND pour son geste « courageux » ; plutôt que de s’accrocher au pouvoir de façon orgueilleuse (comme on le voit souvent un peu partout dans les partis politiques traditionnels), il s’est montré sage et consciencieux en remettant sa démission, à la fois pour le bien du parti et pour l’intéressé lui-même (il est tout d’abord un « homme » ― conjoint, père de famille ― avant que d’être un député au service du « Peuple »).
Ensuite, Amir a remis les pendules à l’heure : dans le contexte actuel d’hyper-capitalisme où la voracité des géants de la finance, des multinationales, des propriétaires des moyens de production et des détenteurs de capitaux ne semble plus avoir aucune limite (les velléités décomplexées d’appropriation tous azimuts de Donald Trump en est la preuve la plus évidente), il serait illusoire de croire que seul un changement d’administration publique (la voie parlementaire qu’a choisie, entre autre, QS) pourrait freiner cette tendance autodestructrice du néolibéralisme. Comme l’Histoire l’a démontré à plusieurs occasions, les changements (politiques, sociaux, culturels, économiques) importants ont été rendus possibles par une mobilisation citoyenne d’envergure, relayée par les Institutions (même les plus « bourgeoises » d’entre elles) qui, en retour, peuvent également contribuer à accélérer le processus de « réforme », voire (n’ayons pas peur des mots) le processus « révolutionnaire ».
Ceci dit, cette remarque de l’ancien porte-parole solidaire concerne aussi, et en premier lieu, QS qui s’est définie depuis le début comme étant un parti « des urnes et de la rue ». Pour rester fidèle à ce leitmotiv fondateur, il faut s’assurer que cette dialectique, ce va-et-vient permanent entre les deux aspects d’une politique de nature « progressiste » (l’aspect « officiel » ― les urnes ― et l’aspect « informel » ― la rue), puisse s’opérer de façon efficace et en toute liberté. Or, il faut reconnaître que depuis les résultats « mitigés » qu’a connus le parti aux dernières élections (2022), ce qui explique aussi, du moins en partie, ces derniers, le pendule a eu tendance à s’accrocher du côté de l’aspect « officiel » du processus, délaissant l’autre aspect, « informel », qui pourtant est à la base et la raison d’être même de QS, d’où la polémique à laquelle je faisais référence plus haut.
Il ne s’agit pas de jeter l’anathème et de s’enfermer, réciproquement, dans des positions irréconciliables, chacune des parties reprochant à l’autre, soit son manque d’ancrage dans les mouvements sociaux, soit son idéalisme et son manque de réalisme eu égard à la réalité « vécue » par l’aile parlementaire, toujours coincée, pour ainsi dire, entre le marteau et l’enclume. D’une part, on peut comprendre la difficulté de résister aux sirènes du parlementarisme et des stratégies politico-médiatiques qui se concentrent sur l’atteinte de résultats à court terme, les yeux fixés sur l’échéance électorale, forçant la députation à mettre constamment en sourdine des pans entiers du programme sous le prétexte, fallacieux s’il en est un, déjà maintes fois ressassé dans notre passé récent, que les Québécois(es) ne sont pas « prêts » (pas « prêts » pour l’Indépendance, pas « prêts » pour élire un parti de gauche, pas « prêts » pour affronter la crise climatique, pas « prêts » pour remettre en question leur mode de vie, pas « prêts » pour adopter d’autres modes de consommation, etc.) D’autre part, la base militante, au plus près des effets dévastateurs des politiques anti-sociales préconisées et appliquées par les différents partis « de gouvernement » (au service d’une bourgeoisie toujours plus « déconnectée » des besoins « réels » de la population), s’inquiète du recentrage opéré par le caucus parlementaire qui ne représente, somme toute, qu’une minorité à l’intérieur de QS, même si elle fut « élue » (donc représentante légitime du « Peuple »), leur donnant ainsi les outils nécessaires pour œuvrer en toute « légalité » à l’intérieur des Institutions démocratiques.
Les récentes démissions (GND, Émilise Lessard-Therrien), les témoignages (Catherine Dorion), la stagnation des intentions de vote pour QS sont l’occasion de revenir aux fondamentaux, de faire un bilan des dernières stratégies électorales, des désaccords qui ont émergé au printemps dernier, bref de faire le point sur la situation (idéologique, politique, électorale, stratégique) « réelle » du parti, afin de mieux s’orienter pour la suite, c’est-à-dire pour le reste du mandat de Legault qui va vraisemblablement être remercié par l’électorat pour ses « précieux » services rendus à la population : par exemple, quelle position adoptée face à un possible gouvernement péquiste et encore plus si le PQ entre minoritaire au Parlement, donnant à QS une possible balance du pouvoir ? Faut-il persévérer dans cette tendance au recentrage qu’on a pu observer il y a presqu’un an de cela ou faut-il, au plus vite, faire la clarté sur cette stratégie une fois pour toutes et assumer pleinement le fait que nous soyons un parti de « gauche » dans un univers de droitisation extrême, donc un parti « souffre-douleur » pour les médias, les autres formations politiques (droite nationaliste, centre, extrême-centre), les institutions « bourgeoises » et les chantres du Capital pour qui nous sommes le Mal incarné. Dans quel état se trouvent les relations entre la permanence de QS et les divers mouvements sociaux qui ont appuyé l’aile parlementaire jusqu’à maintenant ?
C’est à ces questions qu’il faut répondre et de ces variantes socio-politiques dont il faut prendre acte afin de continuer à offrir aux Québécois(es) une véritable alternative démocratique et non pas un faux-semblant (un « duplicata ») de la gauche comme on en a vu et qu’on voit encore partout en Occident. Il faut se le redire, la route risque d’être encore longue. Qu’à cela ne tienne : « Patience dans l’azur ! » disait Charles Baudelaire.
Mario Charland
Shawinigan
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