Les ÉU savent d’avance que leur escalade militaire renforcera le régime syrien en mal de prouver son verbiage anti-impérialiste aux peuples arabes et d’ailleurs. Pourtant, les ÉU prétendent l’affaiblir pour l’amener à la table des négociations afin de concocter un compromis avec ses amis libéraux de la direction extérieure de la rébellion populaire. Cette dernière est cependant sans autorité sur la réellement existante révolution sur le terrain restée en majorité démocratique malgré d’effrayantes conditions. Non seulement le vieil impérialisme ne consent-il pas à répondre aux demandes de la résistance démocratique pour la doter en armements défensifs anti-aérien et anti-tanks mais il laisse ses alliés fondamentalistes, Arabie saoudite et Qatar, la pénétrer en finançant et en armant suffisamment son secteur réactionnaire pour qu’il apparaisse plus efficace et surtout capable d’attaquer le secteur démocratique. Aucun gouvernement ne souhaite la victoire de la révolution démocratique car elle signalerait le commencement de la fin des pétro-monarchies et de la domination impérialiste, vieille ou nouvelle, sur le pétrole bon marché du Moyen-Orient, d’autant plus que la deuxième phase de la révolution égyptienne, malgré l’usurpation de l’armée, pourrait marquer le début de la fin de la puissance politique et idéologique du fondamentalisme.
Les mobilisations anti-guerre ont commencé à s’organiser tant au Québec et au Canada qu’ailleurs dans le monde. Elles sont cependant lestées par une dramatique contradiction entre deux tendances. Le camp dit « campiste », issu ou influencé par les courants néo-staliniens, défend la thèse de la Syrie comme faisant partie du camp anti-impérialiste en guerre contre la terroriste alliance américano-jihadiste qui dominerait la rébellion. La meurtrière attaque chimique dans une zone de Damas contrôlée par un secteur démocratique de la rébellion serait, selon eux, un complot israélo-saoudien-rébellion ou quelque chose du genre. Les assauts aériens et tankistes contre la rébellion, appuyée par la majorité malgré l’hégémonie du régime sur les traumatisées et apeurées minorités non sunnites, seraient des fables… ou se justifieraient politiquement. Il est infiniment triste que la direction de l’organisation québécoise Palestinien-ne-s et Juif-ve-s contre l’occupation israélienne (PAJU) y souscrive. On ne peut pas en même temps lutter pour la libération du peuple palestinien et appuyer l’écrasement du peuple syrien sous prétexte que le régime Assad serait en paroles anti-sioniste alors qu’il s’est fait le gendarme des nombreux réfugié-e-s palestinien-ne-s sur son territoire et, pendant longtemps, celui du Liban sans compter qu’il a été le sous-traitant tortionnaire des ÉU et du Canada à l’encontre de résidents d’origine arabe soupçonnés de terrorisme.
La tendance anti-interventionniste consciente du massacre en cours d’un gouvernement contre son propre peuple s’en trouve néanmoins affaiblie. Elle est elle-même divisée en deux tendances. D’un côté ceux et celles qui misent sur la capacité de la révolution à reprendre le dessus, quitte à accepter un mauvais cessez-le-feu, ce que faciliterait une meilleure capacité à se défendre, pour que les grandes mobilisations pacifiques du début, avant la sauvage contre-attaque du régime, reprennent le devant de la scène. De l’autre côté, ceux et celles qui ont conclu que la révolution pacifique, bien malgré elle, a dégénéré en sauvage guerre civile nécessitant un orthodoxe pacifisme pour éteindre les flammes, jusqu’à et y compris le soutien à un interventionnisme onusien, comme par exemple le prône la direction de Québec solidaire. C’est peut-être pour cette raison que l’organisation montréalaise « Échec à la guerre », hésitante, invite à une manifestation seulement au moment du déclenchement des bombardements alors qu’il y a dix ans elle avait présidé à une gigantesque manifestation, la plus imposante à Montréal avant celles du printemps érable, pour tenter d’empêcher la guerre contre l’Iraq. Cette lacune permet aux « campistes » de jouer un rôle au-dessus de leur influence, ce qui pourrait à terme affaiblir l’ampleur des mobilisations.
La situation de la Syrie, rapidement changeante, est sans nulle doute d’une grande complexité d’autant plus qu’il faut la saisir dans le contexte du dit printemps arabe et de la lutte d’influence des puissances régionales et mondiales, particulièrement entre celles liées au vieil impérialisme et certaines dites émergentes et ses alliés soutenant efficacement le régime Assad. Ceux et celles désirant mieux comprendre les tenants et aboutissants de cette complexité pourront bénéficier des textes suivants provenant d’organisations et de personnes qui appuient la révolution démocratique syrienne tout en tenant compte de ses mille et une contradictions en son sein :
La position de la très modeste gauche anticapitaliste directement concernée :
Socialistes révolutionnaires, Gauche révolutionnaire (Syrie), Union des Communistes en Irak, Al Mounadil-a, Forum socialiste, Nous comptons sur le peuple syrien révolté et non sur intervention extérieure !, ESSF, 29/08/13
L’attaque chimique selon des témoins occidentaux et de la rébellion :
Donati Caroline, Armes chimiques en Syrie : ce qui s’est passé le 21 août, Médiapart (France) par ESSF, 27/08/13
Critique du « campisme » :
Gasparini Mauro, Tanuro Daniel, La Syrie, la gauche et le piège des alternatives infernales, LCR (Belgique) par ESSF, 30 août 2013
Daragahi Borzou, Ecrire sur la Syrie ou comment défendre Bashar al-Assad en dix leçons faciles, Infodelasyrie.fr par ESSF, 3/01/13
En anglais, des analyses approfondies :
Achcar Gilbert, Welcoming the vote of the British Parliament while supporting the Syrian uprising, International Viewpoint par ESSF, 31/08/13
Karadjis Michael, Issues in the current stage of Syrian revolution, Links (Australie) par ESSF, 9/07/13