Édition du 16 avril 2024

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France

Programme de campagne : l’écologie version Macron

Emmanuel Macron a enfin dévoilé son programme. Généreux en mots grandiloquents supposés incarner le changement, Emmanuel Macron affirme vouloir « changer de logiciel » et opérer une « transformation radicale », notamment en matière de transition écologique. Son « nouveau modèle de croissance » ressemble pourtant à ce qui se pratique depuis plusieurs décennies.

Tiré de Europe solidaire sans frontière.

Un modèle saupoudré de quelques apparentes mesures écologiques, sur la pollution atmosphérique ou les gaz de schiste, qui contredisent les politiques menées par le candidat lorsqu’il était ministre, à peine quelques mois plus tôt. Une analyse pour ouvrir le débat.

Les contradictions permanentes de l’ancien ministre devenu candidat

Lui qui a longtemps moqué les catalogues de mesures des candidats à la présidentielle est désormais doté d’un programme d’une trentaine de pages [1] regroupant plus d’une centaine de mesures, plus ou moins détaillées, auquel il faut ajouter quarante fiches thématiques en ligne [2]. Soit plus de 150 pages pour un programme qui est ordonné en six grands chantiers, chacun étant « essentiel pour l’avenir de notre pays ». La transition écologique – ou énergétique – ne constitue pas un chantier à part entière.

La transition écologique conditionnée à la croissance

Si le candidat affirme que « le changement climatique nous oblige à repenser notre organisation et nos modes de vie », la transition écologique reste subordonnée à « la modernisation de l’économie », qu’il faudrait libérer « des carcans et des blocages » pour enclencher un « nouveau modèle de croissance ». La double page de mesures consacrée à ce nouveau modèle de croissance est éclairant : aux « dégâts que nous faisons collectivement au climat et à la biodiversité » et à la mise en question de « notre modèle de développement et de production » correspondent une série de mesures qui visent d’abord à améliorer la compétitivité des entreprises, soutenir l’investissement privé, lancer des plans d’investissement et un fonds pour l’industrie et l’innovation.

Sans même être qualifié de « soutenable », « durable » ou « climato-compatible », ce « modèle de croissance » doit simplement être « nouveau ». Les secteurs économiques existants, qu’ils soient innovants ou nocifs, doivent croître, sans que cette croissance ne soit conditionnée à aucun objectif climatique, écologique ou même sanitaire. On retrouve la philosophie de la commission Attali, « pour la libération de la croissance », installée en 2008 par Nicolas Sarkozy dont Emmanuel Macron était rapporteur général adjoint, ou encore celle de la Loi Macron, votée en juillet 2015, qui visait déjà à « accélérer les grands projets » ou « simplifier le droit de l’environnement ».

Améliorer la compétitivité des entreprises

De la commission Attali à Bercy, en passant par le secrétariat général de l’Élysée, Emmanuel Macron baigne donc dans ce monde politique et économique qui n’est pas prêt à renoncer à la sacro-sainte croissance du PIB, seule juge selon eux du bienfondé d’une politique. C’est d’ailleurs le seul candidat de la présidentielle à soutenir l’accord de libéralisation du commerce et d’investissement entre l’Union européenne et le Canada (Ceta), alors qu’un récent rapport du ministère de l’Environnement confirme qu’il n’est pas compatible avec l’Accord de Paris sur le climat [3]. Ses principaux conseillers économiques, les économistes Philippe Aghion, Elie Cohen et Jean-Hervé Lorenzi, sont d’ailleurs des économistes orthodoxes dont les recettes libérales conduisent à sacrifier le social et l’écologie sur l’autel de la compétitivité des entreprises et du désiré retour de la croissance.

Il n’est pas étonnant qu’Emmanuel Macron, qui se présente comme l’un des inspirateurs du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), envisage alors de pérenniser le dispositif en le transformant en « allègements de charges pérennes ». Pas étonnant non plus que cette mesure se trouve aux côtés de la réduction de l’imposition des entreprises privées – l’impôt sur les sociétés passerait de 33,3 % à 25 % – comme deux des mesures clefs de ce « nouveau modèle de croissance ». Si le CICE a peut-être amélioré la compétitivité des entreprises – le CAC40 a versé en 2016 un montant record de dividendes –, rien n’indique comment ces mesures pourraient contribuer à relever les défis écologiques et sociaux.

Le nucléaire, un horizon indépassable ?

A ces deux mesures chiffrées s’ajoute bien la volonté de consacrer 30 % du « grand Plan d’investissement de 50 milliards d’euros » à la transition écologique. Mais aucune précision n’est apportée sur ce qui doit être financé, et comment. Aucune des cent mesures du programme « grand public » n’explicite d’ailleurs comment le candidat souhaiterait donner plus d’ambition aux insuffisants objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre au niveau européen et mettre en œuvre la transition énergétique à l’échelon national. L’avenir du secteur énergétique français, qu’il soit nucléaire, fossile ou renouvelable, n’apparait pas être un des éléments structurants du programme quinquennal d’Emmanuel Macron.

Sur le nucléaire, l’ancien locataire de Bercy, qui a toujours soutenu l’EPR d’Hinckley Point et les stratégies ruineuses d’EDF et Areva en mobilisant 6 milliards d’euros d’argent public pour les recapitaliser, manie d’ailleurs l’ambiguïté. « Je n’ai jamais considéré que le nucléaire était une maladie », vient-il de déclarer lors d’un meeting à Caen, refusant d’envisager une sortie progressive de l’atome [4]. Le site du candidat reprend pourtant l’objectif fixé par la loi de transition énergétique (LTE) d’un maximum de 50 % de nucléaire dans le mix électrique à l’horizon 2025, contre 75 % aujourd’hui.

Selon Greenpeace, un tel objectif impliquerait de fermer 21 à 23 réacteurs d’ici à 2023 [5]. Hormis la fermeture de Fessenheim qui doit être « confirmée », le programme – papier et web – du candidat ne donne aucun échéancier. Comme s’il était possible d’atteindre l’objectif d’un maximum de 50 % de nucléaire sans fermer de réacteurs. Et comme si fermer de si nombreux réacteurs, et les emplois qui les accompagnent, n’impliquait pas un vaste plan de reconversion industrielle, des financements adéquats et quelques précisions d’un candidat à la plus haute fonction de l’État.

Quand Macron le candidat contredit Macron le ministre

Du côté des énergies renouvelables, dont le déploiement massif nécessite d’ailleurs une planification organisée de la fermeture des centrales nucléaires, Macron prévoit de tenir les objectifs de la loi LTE (32 % du mix électrique en 2022 contre à peine 15 % aujourd’hui) en encourageant « l’investissement privé pour mobiliser 30 milliards d’euros d’investissements ». Pour cela, l’État se limitera donc à « raccourcir et simplifier les procédures », et à « focaliser les efforts de recherche et d’investissement des opérateurs sur le stockage de l’énergie et les réseaux électriques intelligents ». Un peu court.

Évoquée sur le seul site du candidat, la « sortie des énergies fossiles », lesquelles représentent toujours plus de 65 % de la consommation d’énergie finale française (et non la moitié comme il est écrit) se traduit en trois mesures concrètes : la fermeture des dernières centrales à charbon (à peine 2 à 3 % de la consommation d’énergie finale), « l’interdiction de l’exploration des gaz de schiste » et le refus de délivrer de nouveaux permis d’exploration d’hydrocarbures. Mais qui faut-il croire ? Le candidat ou le ministre qui, en septembre 2015, avait obtenu que cinq permis de recherche d’hydrocarbures soient signés [6] (Champfolie en Seine-et-Marne, Herbsheim dans le Bas-Rhin et d’Estheria dans la Marne) ou prolongés (Bleue Lorraine en Moselle et de Juan de Nova dans les terres australes et antarctiques françaises) à la veille de la COP 21 ? D’autre part, pourquoi vouloir continuer à financer la recherche sur le sujet [7] pour des hydrocarbures qu’il ne faudrait pas exploiter ?

Pollutions, Diesel, Notre-Dame-des-Landes : tout et son contraire

De même, faut-il faire confiance au ministre qui affirmait que le diesel devait « rester au cœur de la politique industrielle française », ou bien au candidat qui veut « réduire massivement la pollution liée aux particules fines » ? Par un coup de baguette magique, le programme annonce une division par deux (pourquoi deux ?) du nombre de jours de pollution atmosphérique. A Bercy, Emmanuel Macron avait signé un accord très favorable aux sociétés autoroutières en avril 2015 [8] et préféré libéraliser le transport par autocar là où un ministre préoccupé par la santé de ses concitoyens et les défis climatiques aurait mis tout son poids pour appuyer le développement de transports en commun locaux et une desserte ferroviaire adaptée, modernisée et moins chère.

Du flou persiste également à propos d’un des conflits emblématiques du quinquennat Hollande : l’aéroport de Notre-Dame des Landes. « Le peuple s’est exprimé, je suis pour respecter cette décision », déclare-t-il [9] tout en précisant le lendemain qu’il souhaite nommer un médiateur qui aurait six mois pour trouver une solution. D’autres grands projets d’infrastructures de transports, bien que fortement controversés pour leurs coûts et leurs impacts sur les territoires, tels que la LGV Bordeaux-Toulouse et le Lyon-Turin seront menés à bien. Tandis que le programme du candidat ne permet pas de savoir si « le renouveau minier » qu’il promettait quand il était à Bercy, l’ayant conduit à autoriser l’extraction de sable marin en baie de Lannion en dépit de l’opposition locale, sera poursuivi.

Aie confiance...

Si le programme de 18 pages indique vouloir « placer la France en tête du combat contre les perturbateurs endocriniens », c’est en fouillant sur le site du candidat qu’on obtient des précisions : l’interdiction des perturbateurs endocriniens est conditionnée à « l’existence de solutions scientifiquement reconnues comme moins toxiques ». Autrement dit, les lobbies industriels, dont on connaît les capacités à instrumentaliser des recherches scientifiques pour faire douter de la pertinence des solutions alternatives, pourront manœuvrer en coulisses pour maintenir un statu quo injustifiable. Ce n’est guère étonnant de la part d’un candidat plus enclin à défendre les intérêts des industriels que le principe de précaution [10], qui souhaite poursuivre la recherche sur les OGM plutôt que fixer un objectif vraiment ambitieux de produits bio et locaux pour la restauration collective.

Difficile donc de voir dans le programme d’Emmanuel Macron ce qui pourrait justifier de présenter la transition écologique comme une priorité tant les mesures semblent manquer de précision, de cohérence entre elles et ne pas s’inscrire dans une perspective de véritable transformation. Au moment où la transition écologique s’inscrit au cœur des logiciels et des débats à gauche, comme le montrent les programmes de Jean-Luc Mélenchon et Benoit Hamon, Emmanuel Macron et son aréopage de soutiens disparates semblent accuser un retard de plusieurs longueurs.

Maxime Combes, économiste, auteur de Sortons de l’âge des fossiles ! [11]
* https://www.bastamag.net/L-ecologie-version-Macron-les-contradictions-permanentes-de-l-ancien-ministre

Emmanuel Macron se révélera-t-il aussi médiocre que François Hollande sur l’écologie ?

« Faire de la France la nation de l’excellence environnementale », telle était l’ambition de François Hollande en 2012. Cinq ans plus tard, 45 000 personnes meurent prématurément chaque année de la pollution de l’air. La France reste l’un des champions du monde de la consommation de pesticides. La rénovation énergétique des bâtiments demeure réservée aux riches. Aucun calendrier clair n’existe pour réduire la part du nucléaire dans la production électrique. Les grands projet polluants et controversés se poursuivent. Et si la COP21 est dans les mémoires, c’est bien la mort de Rémi Fraisse qui restera comme une marque indélébile dans le bilan environnemental de ce quinquennat. Un bilan médiocre qui ne semble pas émouvoir le nouveau Président, Emmanuel Macron, dont les ambitions en matière d’écologie semblent très limitées.

« La France s’est fixée des objectifs ambitieux. Le grand défi est maintenant de tenir ces engagements. » Ce constat, sévère, ne provient pas des ONG, mais d’un rapport de l’organisation de coopération et de développement économique (OCDE) publié en juillet 2016. L’OCDE pointe notamment le « retard » sur « les objectifs de développement des énergies renouvelables » qui ne représentent que 14,6 % de la consommation finale brute d’énergie – l’essentiel étant d’origine hydraulique – alors que la loi de transition énergétique vise 40 % en 2025. Les investissements dans le secteur se sont d’ailleurs contractés de 53 %, en 2015, année de la COP21 – un comble – pour revenir à moins de 3 milliards d’euros. Cette chute des investissements s’est poursuivie en 2016 [12], alors qu’ils ont plutôt tendance à avoir augmenté ces dernières années à l’échelle mondiale.

Réduire la part du nucléaire : toujours pas de calendrier clair

Les très récentes déclarations, non démenties à cette heure, du directeur financier d’EDF affirmant qu’Emmanuel Macron veut reporter « à un horizon plus lointain » les objectifs de la loi transition énergétique ne sont guère rassurantes sur la volonté du nouvel exécutif de rattraper le retard pris. L’engagement de la loi consistant à ramener la part du nucléaire à 50 % du mix électrique français en 2025, contre 75 % aujourd’hui, pourrait ainsi être repoussé aux calendes grecques [13]. Annoncée pour 2016, la fermeture de Fessenheim est désormais annoncée pour 2018, et Emmanuel Macron la conditionne à la toujours hypothétique entrée en service de l’EPR de Flamanville. Pas de quoi satisfaire les objectifs fixés par la loi de transition énergétique : selon l’organisation non gouvernementale Greenpeace [14], il faudrait fermer 21 à 23 réacteurs d’ici à 2023 pour ramener la part du nucléaire à 50 % de la production d’électricité. Il n’existe toujours pas de calendrier clair précisant les investissements et ouvrant des perspectives aux salariés et bassins d’emploi concernés pour y parvenir.

Pollution de l’air : 45 000 décès par an

La fiscalité des carburants routiers, nettement favorable au diesel, aggrave la pollution de l’air qui cause chaque année plus de 45 000 décès prématurés en France. De Lille à Marseille, en passant par Paris, Lyon ou Grenoble, plus de dix zones du pays doivent composer avec un air dont les teneurs en particules fines dépassent les valeurs limite fixées par l’Europe. Valeurs qui sont déjà bien au-delà de ce que préconise l’organisation mondiale de la santé (OMS) [15]. L’Hexagone est aujourd’hui en contentieux avec la Commission européenne, qui pourrait sanctionner Paris pour non-respect des normes d’émission de ces particules. En prévoyant d’aligner la taxe diesel sur celle de l’essence, Emmanuel Macron se limite à reprendre les engagements du dernier gouvernement Hollande, sans que cela ne fixe de perspectives claires de sortie du diesel et, plus important, sans que cela ne trace les contours d’une mobilité propre pour tous.

La France reste championne des pesticides

Autre point noir : l’usage intensif des pesticides, qui fait de la France l’un des plus gros consommateurs du monde. Leur consommation a augmenté de 29 % entre 2008 et 2014, contrairement aux objectifs du plan Ecophyto 2018 qui prévoyait une division par deux de l’usage des phytosanitaires en dix ans. Stéphane Le Foll, actuel ministre de l’agriculture, s’est contenté de reprendre les mêmes objectifs et de les repousser à 2025. Objectif qui semble convenir à Emmanuel Macron puisqu’il n’en fixe pas de plus ambitieux. Si l’interdiction d’utilisation des pesticides par les collectivités vaut depuis le 1er janvier 2017, les lois d’avenir agricole et de biodiversité n’ont pas été outillées dans la perspective d’atteindre les objectifs fixés par le plan Ecophyto. En témoigne la loi biodiversité qui, en raison de nombreuses dérogations, repousse à 2020 l’interdiction de l’usage des néonicotinoïdes initialement prévue pour 2018.

La loi relative à la biodiversité inscrit, à la demande de certains sénateurs de droite, le « préjudice écologique » dans le code civil : ceux qui seront jugés responsables de la dégradation des milieux naturels devront les remettre en état ou payer des dommages et intérêts conséquents. Mais la généralisation des dispositifs de compensation biodiversité instaure, de fait, un droit à détruire pour les aménageurs [16]. Il faut ajouter à ce tableau contrasté la faible application du principe pollueur-payeur et les soutiens publics « dommageables » tels que les aides au foncier contribuant à l’étalement urbain, les aides à l’agriculture ou à la pêche intensive ainsi que la « sous-tarification de la pollution des eaux ».

Des renoncements coupables

Un épisode est révélateur des renoncements socialistes en matière d’écologie : l’abandon de l’écotaxe par Ségolène Royal suite à la mobilisation des « bonnets rouges ». Il est toujours possible de discuter du bienfondé d’une mesure qui visait à taxer le transport routier de marchandises pour favoriser les modes de frets ferroviaire et fluvial. Cet épisode semble néanmoins révélateur d’un gouvernement qui préfère céder à un lobby industriel et routier désireux de comprimer ses coûts dans la compétition internationale, plutôt que d’essayer de mener une (difficile) transition agricole et industrielle qui vise à relocaliser les productions, la valeur ajoutée, les emplois et à réduire les déplacements. Au nom du refus d’une écologie dite « punitive », Ségolène Royal et François Hollande ont renoncé au produit d’une taxe qui devait financer des projets planifiés de transport collectif (tramways...) dont les villes françaises ont besoin pour inventer de nouvelles formes de mobilité plus soutenables.

Le gouvernement a préféré introduire une tarification carbone (proportionnelle à leurs émissions de CO2) qui augmente la fiscalité des énergies fossiles (carburant, gaz, fioul…) utilisées pour se déplacer et se chauffer. De 7 euros la tonne de CO2 en 2014, elle est passée à 22 euros en 2016 et devrait atteindre 100 euros en 2030. Emmanuel Macron se contente de reprendre cet objectif, sans le préciser ou le rendre plus ambitieux. Si l’impact est plus fort en moyenne sur les ménages les plus aisés que sur les plus pauvres, ceux qui doivent se chauffer au fioul et se déplacer en voiture seront les plus touchés.

La rénovation énergétique réservée aux riches

Promettant un effet dissuasif massif à l’avenir sur l’utilisation des énergies les plus carbonées, les promoteurs de la mesure semblent avoir omis qu’une partie des comportements de chauffage et de mobilité sont fortement contraints et qu’ils ne se modifieront pas sous la seule évolution du prix de l’énergie. Alors que la précarité énergétique atteint des sommets et que le prix du foncier en ville dissuade les moins aisés d’y résider, une telle mesure aurait dû être accompagnée, a minima, d’investissements massifs dans la rénovation énergétique des habitations, dans les transports en commun, notamment ferrés, de proximité, ou dans la régulation des prix immobiliers pour limiter l’étalement urbain.

On est encore loin du compte : les dispositifs de soutien à la rénovation énergétique sont le plus souvent dévolus à ceux qui ont les moyens d’investir dans leurs logements (isolation, fenêtres, etc). Le gouvernement semble préférer satisfaire les entreprises qui construisent des autoroutes, ou les gèrent en concession, qu’investir dans la rénovation et le redéploiement d’un service ferroviaire de proximité et de qualité. Une orientation que ne dément pas le programme d’Emmanuel Macron qui montre un peu d’ambition en terme de rénovation des logements, et notamment des passoires énergétiques, mais en manque cruellement pour garantir le développement de solutions de mobilité alternatives à la voiture pour tous (transports en commun, etc.).

Accord de Paris sur le climat vs accords économiques anti-climat

L’exécutif français ne peut être tenu responsable de toutes les limites de l’Accord de Paris, qui entérine un réchauffement climatique supérieur à 3°C, sans se doter des dispositifs pour revenir sur une trajectoire inférieure à 1,5 °C ou même 2°C (voir notre article). Il est néanmoins possible de reprocher au gouvernement socialiste d’avoir toujours privilégié la nécessité d’obtenir un accord, quel qu’en soit le prix, et ensuite une ratification rapide, plutôt que d’avoir mené bataille pour relever l’ambition des négociations ou celle de la position de l’Union européenne. En février 2016, Ségolène Royal a d’ailleurs entériné la proposition de la Commission européenne qui consiste à refuser de donner plus d’ambition aux insuffisants objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre de l’UE.

Tout au long du processus de négociation de l’Accord de Paris, le gouvernement français a appuyé la Commission européenne dans la négociation d’accords de libre-échange au sein de l’OMC, avec les États-Unis, le Canada et un très grand nombre d’autres pays. Et ce, alors que les règles qui organisent le commerce et l’investissement à l’échelle internationale sont fondamentalement antinomiques avec la prise en compte de l’urgence climatique et le déploiement de réglementations écologiques adaptées (voir notre article). Interpellé à plusieurs reprises sur les cas spécifiques du Ceta et du Tafta, François Hollande et le gouvernement se sont bornés à dire qu’il n’y avait pas d’incompatibilités, alors que les textes même de ces accords ne font aucune mention de l’urgence climatique ou de l’Accord de Paris [17]]]

La mort de Rémi Fraisse, une marque indélébile

En plein processus de signature et de ratification de l’Accord de Paris, le gouvernement de François Hollande validait la construction d’une deuxième autoroute (payante) parallèle à l’autoroute existante (gratuite) entre les faubourgs de Lyon et ceux de Saint-Étienne qui doit générer, selon les études préalables à la déclaration d’utilité publique, une augmentation de plus de 80 % des émissions liées au transport sur le secteur [18]. Les soutiens locaux d’Emmanuel Macron sont de fervents partisans de cette autoroute inutile.

À souligner également : l’entêtement à propos de la construction de l’aéroport de Notre-Dame des Landes. Alors que cet aéroport est une ineptie tant du point de vue écologique qu’économique, les promoteurs du projet s’acharnent au point de déclencher des opérations quasi militaires (opération César en 2012, menaces d’interventions à l’automne 2016) visant à détruire un pôle de résistance et d’innovation majeur dans le pays. Le quinquennat de François Hollande s’est opposé avec détermination au « virage éco-territorial » des luttes sociales qui s’observe désormais en de nombreux lieux. « Accélérer les grands projets » ou « simplifier le droit de l’environnement » font d’ailleurs partie des justifications mobilisées pour la loi Macron votée en juillet 205.

Quitte à ce qu’il y ait des morts, comme ce fut le cas le soir du 26 octobre 2014, à Sivens, (Tarn) où le militant écologiste Rémi Fraisse a été tué par les forces de l’ordre sur les lieux d’une mobilisation citoyenne contre un projet de barrage contesté, et depuis stoppé. La mort de Rémi, plus de trente ans après celle de Vital Michalon à Creys-Malville, restera comme une marque indélébile dans le bilan du quinquennat de François Hollande et de Manuel Valls, illustrant le peu de considération donnée, une fois les caméras de télévision rangées, à la crise écologique. Une crise écologique qu’Emmanuel Macron aura soigneusement évité d’affronter lors de chacun des grands débats télévisés de cette présidentielle.

Maxime Combes, 15 mai 2017

* https://www.bastamag.net/Emmanuel-Macron-se-revelera-t-il-aussi-mediocre-que-Francois-Hollande-sur-l

* Maxime Combes, économiste et auteur de Sortons de l’âge des fossiles ! Manifeste pour la transition (Seuil, Anthropocène), membre de l’association Alter-médias, éditrice de Basta !

Notes

[1] https://storage.googleapis.com/en-marche-fr/COMMUNICATION/Programme-Emmanuel-Macron.pdf

[2] https://en-marche.fr/emmanuel-macron/le-programme

[3] https://france.attac.org/se-mobiliser/le-grand-marche-transatlantique/article/confirmation-le-ceta-n-est-pas-climato-compatible

[4] http://abonnes.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/03/04/macron-appelle-les-electeurs-de-la-droite-et-du-centre-a-le-rejoindre_5089434_4854003.html

[5] Voir la note PPE : appliquer la loi de transition énergétique,juillet 2016

[6] https://www.bastamag.net/Le-gouvernement-francais-accorde-de-nouveaux-permis-d-exploration-petroliere

[7] Voir cet entretien avec le WWF :
https://en-marche.fr/article/macron-canfin-wwf-france-discours

[8] https://www.mediapart.fr/journal/france/100315/la-rente-des-societes-dautoroutes-est-bien-protegee?onglet=full

[9] http://www.20minutes.fr/nantes/2006751-20170201-dame-landes-emmanuel-macron-dit-favorable-projet-aeroport

[10] Voir l’enquête de Basta ! disponible sur ESSF (article 41080), Union européenne : « À Bruxelles, la vie des personnes est moins prioritaire que la bonne santé de l’industrie chimique ».

[11] Editions du Seuil, Coll. Anthropocène, octobre 2015.

[12] Pour en savoir plus sur les contractions des investissements français, voir :
https://about.bnef.com/blog/clean-energy-defies-fossil-fuel-price-crash-to-attract-record-329bn-global-investment-in-2015/?utm_medium=microsite&utm_campaign=BNEF2015&utm_source=PRlink&utm_content=link&utm_term=
https://www.bloomberg.com/news/articles/2017-01-12/clean-energy-spending-drops-most-on-record-as-china-slows-growth%29

[13] Le texte de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), publié par le ministère de l’Environnement et de l’Énergie le 1er juillet 2016, propose en fait de maintenir la part du nucléaire entre 65% et 75 % de la production électrique en 2025.

[14] https://secured-static.greenpeace.org/france/PageFiles/266171/Note_PPE_Greenpeace.pdf

[15] L’OMS recommande une teneur journalière moyenne qui ne dépasse pas les 20 microgrammes de particules fines par mètre-cube (μg/m3) d’air. Sans franchir les 50 μg/m3 plus de trois jours par an. En Europe, les normes sont beaucoup plus lâches : sur le quotidien, on autorise 40 μg/m3, et il est même permis d’atteindre les 50 μg/m3 trente-cinq jours par an !

[16] Lire notre article, disponible sur ESSF (article 41084), Biodiversité – De Notre-Dame-des-Landes à Sivens : quand la compensation écologique institue un droit à détruire.

[17] Sur les contradictions entre Ceta et Accord de Paris, voir ESSF (article 41083), L’Accord UE-Canada n’est pas compatible avec l’Accord de Paris.

[18] Lire notre article : Le conseil général d’Auvergne invente le concept de double autoroute :
https://www.bastamag.net/ecrire/Le%20Conseil%20régional%20d’Auvergne-Rhône-Alpes%20invente%20le%20concept%20de%20la%20double%20autoroute
A ce stade, de son soutien au Ceta à l’absence de vision pour réformer les règles commerciales internationales, tout indique qu’Emmanuel Macron se situe dans la même trajectoire.

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