Édition du 23 avril 2024

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Environnement

Projet conteneurs Laurentia : une lettre pour demander une consultation ciblée

Plusieurs organismes et conseils de quartier ont signé une lettre au ministre de l’environnement du Québec pour demander une consultation ciblée au BAPE sur la question du transport terrestre des conteneurs du controversé projet portuaire Laurentia. L’agence d’évaluation d’impact du Canada n’a pas abordé véritablement cet aspect qui risque d’apporter la congestion sur nos autoroutes, une augmentation significative des GES et une usure prématurée du réseau routier.

Cet enjeu interpelle le transport en ville ainsi que celui vers
l’Université. Les chercheurs en transport et en géographie sont aussi
interpellés.

Le GIRAM de Lévis est l’organisme initiateur de cette demande.

Québec, 4 février 2021

Monsieur Benoit Charrette
Ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques
Édifice Marie-Guyart
675, boulevard René-Lévesque Est
Québec

Objet : Requête en faveur d’un BAPE sur les impacts de la desserte terrestre (routes et voie ferrée) du projet de terminal Laurentia

Monsieur le Ministre.

L’implantation d’un terminal de conteneurs dans un milieu déjà urbanisé amène son lot de facteurs de risques aux plans environnemental, de la santé et de la sécurité de la population. En novembre dernier, l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (AEIC) rendait public son rapport provisoire sur le projet Laurentia. Verdict : le projet aura des effets négatifs importants sur la qualité de l’air et la santé humaine dans les secteurs retenus pour étude.

Toutefois, rappelle l’Agence, ont été exclus de l’examen, les effets du transport routier et ferroviaire à travers la capitale, « une évaluation environnementale menée en vertu de la Loi fédérale se limitant aux activités sur les terrains sous le contrôle du promoteur » (p.231). Exceptionnellement, l’analyse des impacts sur la santé aura été élargie au secteur Cité-Limoilou.

Ainsi, sur un total de 287 pages, seulement deux pages abordent plus spécifiquement la desserte terrestre extra-portuaire. On y résume les « préoccupations » des groupes citoyens, sans aucune analyse, ni aucun avis. Ces dernières sont, dit-on, laissées à l’instance gouvernementale (« Appréciation du Ministre ») (p. 231). Les préoccupations citoyennes en regard de ce transport lourd à travers la ville de Québec soulèvent pourtant un ensemble de questions au chapitre de la capacité de ses infrastructures de transport tant routier que ferroviaire et quant aux risques accrus pour les usagers et les populations habitant à proximité des corridors qui seront empruntés. De plus, nous croyons que le scénario de 180 mouvements de camions/jour avancé par le promoteur est minimaliste et doit être évalué dans une perspective des 70 années de vie anticipée de ce terminal. Pour son projet de Contrecœur, le port de Montréal anticipe 1200 camions. En clair, tout reste à faire en ce qui concerne l’analyse des impacts santé et sécurité de la desserte terrestre du projet Laurentia à travers la capitale.

En décembre dernier, à la demande du promoteur, la période dédiée à l’évaluation du projet a été prolongée. Le gouvernement fédéral, quant à lui, n’est contraint à aucun échéancier pour prendre position. Responsable de l’application de la Loi sur le développement durable, le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec doit, selon nous, profiter de ce temps d’arrêt pour confier au BAPE un mandat d’enquête sur les espaces non couverts par l’Agence fédérale et relevant de la juridiction du Québec. La Direction régionale de la Santé publique de la Capitale-nationale devrait, selon nous, être étroitement associée à cet examen.

Considérant l’absolue nécessité de la population de disposer d’un portrait complet de la situation ;

Considérant les principes de la Loi sur le développement durable et la responsabilité du gouvernement du Québec à cet égard ;

Nous espérons un accueil favorable à cette requête et vous prions, monsieur le Ministre, d’agréer l’expression de nos sentiments distingués.

Signataires

Nicole Laveau. Présidente, Conseil de quartier Vanier. (Rés. 21-CAS-01).

Joséphine Hénault. Présidente, Conseil de quartier Maizerets.

Jean-François Vallée. Président, Conseil de quartier Lairet.

Raymond Poirier. Président, Conseil de quartier Vieux-Limoilou.

Frédérique Lavoie. Présidente, Conseil de quartier Saint-Roch.

Mireille Bonin. Présidente, Voix citoyenne Québec.

André Bélisle. Président, Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA)

Daniel Guay. Président, Accès St-Laurent Beauport.

Véronique Lalande, Initiative citoyenne de vigilance du port de Québec.

Pierre-Paul Sénéchal. Président, Groupe d’initiatives et de recherches appliquées au milieu (GIRAM).

Cc : Porte-parole des Partis de l’Opposition en matière d’environnement, Maire de Québec et conseillers municipaux.

Annexe.

Impacts de la desserte terrestre (routes et voies ferrées) du projet Laurentia sur le territoire de la Communauté métropolitaine de Québec : justification d’une enquête ciblée du BAPE

1/ Les questions de sécurité et de santé reliées au transport se situent dans la logique et la pertinence des interventions du BAPE
Le gouvernement du Québec ne peut plus invoquer l’argument de la juridiction fédérale comme il l’avait fait en 2015, alors que le projet visait en majorité le transit de vrac d’hydrocarbure sur le site du terminal (transbordement de bateau à bateaux). Dans sa version « conteneurs » (2018), le transport terrestre se déploie incontestablement en territoire sous juridiction du Québec.

Le BAPE est régulièrement sollicité pour des projets en lien avec l’enjeu de la sécurité routière. On peut en effet relever quantité de mandats d’évaluation d’impacts. Exemples : Projet de prolongement de la rue Saint-Omer à Lévis ; Projet d’amélioration de la sécurité de la route 185 de Cabano à Saint-Louis du Ha-Ha (construction d’un échangeur) ; Projet de réaménagement de la 132 et de reconstruction du pont Arthur-Bergeron à Grand-Métis et Sainte-Flavie ; Projet de construction d’un échangeur reliant l’autoroute 640 à l’avenue Urbanova. Parmi les plus récents, le Projet de relocalisation d’une voie ferroviaire contournant le centre-ville de Lac-Mégantic.

Dans le projet Laurentia, sont prévues des modifications importantes aux infrastructures de transport : ajouts de voies ferrées permanentes, connexion aux voies existantes, construction d’un nouveau viaduc, réaménagement du boulevard Henri-Bourassa. Si la modification du tracé ferroviaire à Lac-Mégantic a été jugée comme étant assujettie à un BAPE, pourquoi ne serait-ce pas le cas pour ce méga projet de transport de conteneurs ?

2/ Nécessité d’une évaluation élargie au transport urbain
Considérant l’encerclement du port de Québec par la trame urbaine et son confinement à l’est de la ville, alors que les destinations sont à l’ouest, plusieurs organismes citoyens ont plaidé en faveur d’un examen élargi des impacts du transport terrestre aux principaux corridors routiers : boulevard Henri Bourassa, autoroutes de la Capitale, Henri IV et Jean-Lesage (y inclus les viaducs) et autres artères hautement sensibles, les ponts de Québec et Pierre Laporte. Dans son analyse d’impacts, le Port indique qu’il pourrait « de façon incitative », proposer des itinéraires afin de réduire les impacts sur la population. Toutefois, ce dernier ne dispose d’aucune autorité pour contraindre l’industrie du camionnage. Rien n’interdit que les camions empruntent la Promenade Champlain, le boulevard Charest ou toute autre artère si elles conviennent dans certaines circonstances.
Par ailleurs, le projet Laurentia amène le déploiement d’un nouveau pôle logistique ferroviaire. Est-il justifiable qu’on n’en évalue pas les impacts en dehors de la zone portuaire ? Il est reconnu que les facteurs de risques sur la santé et la sécurité des populations sont importants en deçà d’une distance de 100 mètres d’une voie de transport industriel (exposition au gaz d’échappement des moteurs diesel, impacts sonores, vibrations terrestres, engorgement des viaducs). Or, à Québec, il se trouve que des écoles, des parcs publics, des CPE, des zones résidentielles à haute densité jouxtent directement l’emprise ferroviaire du CN. Des craintes sont publiquement exprimées par les citoyens, dans les secteurs Limoilou ou Maizerets, et Vanier également. Ce dernier secteur est particulièrement sensible concernant la circulation ferroviaire avec deux passages à niveau et deux passages piétonniers.
3/ Desserte camions / trains : nécessité d’évaluer plus d’un scénario

Il faut également rappeler que dans son analyse de la desserte terrestre, l’Agence fédérale s’en est tenue au seul scénario soumis par le promoteur, soit une desserte routière à 10%, le reste, en mode ferroviaire. Or, pour bien des observateurs, une telle prémisse (90 camions/jour, 180 mouvements d’entrée et de sortie) est trop minimaliste pour être crédible. Elle ne repose sur aucune démonstration sérieuse du Port de Québec.

Tout expert sérieux et indépendant va convenir qu’à terme, seule la réalité des marchés va décider du ratio camions/trains. Imaginons que les marchés conduisent à des résultats assez différents, le cas échéant, 20%, 30% ou 40%. Le nombre de mouvements quotidiens de camions passe alors de 180 par jour, à 360, puis à 540 ou encore, à 720. De plus, des questions ont été soulevées quant au mode de calcul du Port.

Ce questionnement n’est pas loufoque, il est partagé par des spécialistes de l’industrie du conteneur, ils s’appuient sur des observations de Transport Canada et surtout, il est en lien avec la réalité vécue dans les principaux ports nord-américains. Au terminal de Montréal, le ratio se situe à 60% (2500 camions), projet de Contrecœur, à 50% (1200 camions) ; ces ratios correspondent généralement à ce qui est observé pour bon nombre de terminaux d’Amérique du nord.

Il y a donc nécessité d’une expertise indépendante à ce chapitre. Une fois les autorisations et le financement accordés, c’est terminé : aucun mécanisme de régulation ne peut contraindre le Port à respecter son scénario initial de 10%, il n’y a plus de retour en arrière possible, ni même de voie de contournement envisageable, ni pour les camions, ni pour les trains.

4/ Protection du patrimoine culturel et internalisation des coûts (principes de la Loi sur le développement durable)

Le patrimoine culturel est constitué de biens, de lieux, et de paysages. Le Québec est fier du statut de Ville de patrimoine mondial attribué par l’Unesco à sa capitale. Nos pouvoirs publics ont des obligations à ce chapitre. Dans quelle mesure ce projet industriel lourd risque-t-il de porter atteinte à cette image internationalement reconnue, à ce statut privilégié, ainsi qu’aux retombées économiques qui en découlent directement ?

L’internalisation des coûts traduit, quant à elle, l’obligation que la valeur d ’un projet reflète l’ensemble des coûts qu’ils occasionnent à la société durant tout son cycle de vie (70 ans pour Laurentia). À Québec, l’espace routier représente une ressource de plus en plus rare. La congestion, et une utilisation excessive coûte déjà très cher à la collectivité. Uniquement pour la partie ouest de l’agglomération (zone élargie des ponts), le coût peut atteindre 42.8M$ annuellement. (Calcul des coûts de la congestion routière causée par les ponts reliant Québec et Lévis. Marc Therrien 2017).

Se pose aussi la question de l’accélération de la détérioration des infrastructures. Selon une étude américaine, la structure d’une chaussée de bitume s’use jusqu’à 10 000 fois plus vite avec un camion lourd qu’avec une voiture. Qui, finalement, en dehors des usagers-contribuables paiera la note ?

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