Édition du 16 avril 2024

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Québec solidaire

Le grand débat du congrès plateforme électorale de Québec solidaire

Quand la réalité et la science ébranlent le plan de match Solidaire

Le débat sur les cibles de réduction de gaz à effet de serre (GES) a été au coeur du débat sur la plateforme électorale pour 2022. Le journal La Presse le met ainsi en scène.

Les militants de Québec solidaire souhaitaient clairement une cible plus élevée que 45 %. Des associations de circonscription ont demandé de la revoir à la hausse et ont soumis un amendement au cours des derniers jours afin de la fixer à « au moins 65 % ». Juste avant le début de la COP26, des groupes écologistes ont réclamé que le Québec se donne cet objectif pour faire sa « juste part » afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius.

Au début des discussions sur cet enjeu, le co-porte-parole de QS, Gabriel Nadeau-Dubois, a soumis une proposition d’urgence pour réviser la cible soumise au départ. C’est ainsi qu’il a suggéré « au moins 55 % » en se rapprochant « le plus possible de la cible de 65 % ». Il a tenté de dissuader les militants d’adopter le seuil d’au moins 65 %. « Ce serait extrêmement difficile à atteindre avec des mesures chiffrées concrètes », a-t-il plaidé, vantant les mérites de sa proposition d’urgence. « On n’a pas à choisir entre l’ambition et la faisabilité. Il faut faire les deux. Il faut à la fois être les plus crédibles et les plus ambitieux. C’est ce que l’urgence climatique exige de nous. C’est notre responsabilité historique. »

Tommy Chouinard, Québec solidaire révise à la hausse sa cible verte, La Presse, 20/11/21

Réalisme scientifique ou réalisme électoraliste, that is the question

Le Journal de Montréal précise que « …des groupes environnementalistes, dont Greenpeace et Équiterre, ont récemment appelé le Québec à rehausser cet effort à 65%. » tout en notant que le candidat premier ministre, mis de plus en plus en vedette par le parti, admet qu’il devra faire «  un travail sérieux, rigoureux et arriver […] avec un plan où on explique où on va couper les gaz à effet de serre pour y arriver et on a un an pour faire ce travail-là  ». Le journaliste conclut :

Mais des militants étaient prêts à aller plus loin en appuyant la cible proposée par les groupes écologistes [exactement 30%, NDLR]. Marc Bonhomme a notamment suggéré de sortir du capitalisme pour mettre en place une « économie dirigée » pour faire face à la crise climatique [La Presse avait précisé « contrôlée démocratiquement avec un parti de gauche », NDLR]. Le militant a aussi réclamé la fin des voitures, à essence et électrique, pour faire place uniquement au transport en commun.

Olivier Huard, lui, est venu plaider en faveur d’une position « réaliste » en appuyant la cible de 55%. Cet ex-membre de la commission environnementale a rappelé que QS a eu autrefois une cible de réduction des GES de 67%. « Mais j’ai été aussi candidat et on se rend compte que si on a des grosses propositions ambitieuses et que le monde ne nous suit pas, il y a une limite à ce qu’un parti politique peut faire en termes d’éducation », a-t-il déclaré.

Par ailleurs, les délégués ont rejeté les amendements visant à nationaliser les industries pétrolières et celles liées aux divers hydrocarbures. Mais QS sera désormais en faveur d’une nationalisation des énergies renouvelables, comme l’énergie éolienne. […] Contrairement à 2018, Québec solidaire ne proposera plus la gratuité scolaire au niveau postsecondaire dans un délai de
cinq ans après son élection à la tête du Québec, mais s’engage plutôt à y arriver « à terme ». Gabriel Nadeau-Dubois assure que le délai envisagé demeure similaire.

Patrick Bellerose, QS vise une réduction de 55% des GES. Journal de Montréal, 20/11/21

Un grand écart à combler, ce à quoi les Solidaires ne sont pas encore prêts

Ce résumé du débat indique clairement que la direction des Solidaires a été forcée, dans le contexte des catastrophes climatiques se multipliant et du bilan tout aussi catastrophique de la COP26, de plier sous la pression, tant d’une bonne partie de sa militance que de celle de grands groupes écologiques et sociaux du Québec même les plus modérés (Marie-Christine Fiset, François Legault doit faire ses devoirs sur le climat avant de se présenter a la COP26, Greenpeace, 28/10/21). L’exigence des organisations sociales tient compte du principe de responsabilité différenciée prenant en compte que « le Québec produit des émissions de GES per capita parmi les plus élevées au monde  » et qu’il a « une économie industrialisée au sein du 10e pays le plus riche au monde » (Réseau action climat, La juste part du Québec dans la lutte pour les changements climatiques). À noter qu’à « l’échelle internationale la juste part du Québec requiert également une coopération internationale, surtout avec les pays du Sud pour soutenir leurs réductions des émissions de GES  » équivalent à 113% de ses émissions de GES à ajouter au 65% requis nationalement.

Être « réaliste » c’est mettre le peuple québécois en accord avec les conclusions scientifiques qui dorénavant font la quasi-unanimité. Comme l’admet la nouvelle vedette Solidaire et l’admettraient sans doute les organisations réclamant des cibles conséquentes, le plan d’action n’est pas au rendez-vous. Il faut des mesures radicales pour lesquelles la majorité Solidaire n’est pas encore prête. Elle va jusqu’à reculer sur la revendication phare de la gratuité scolaire remise à plus tard. Les journalistes auraient pu ajouter que cette majorité ne veut même pas renoncer à « l’arrêt complet de tout projet de développement, élargissement ou prolongement autoroutier…  ». S’annonce un grand clash débouchant sur soit un grand renoncement soit une grande percée.

Supprimer les autos solos dans le cadre d’une économie dirigée démocratiquement

Faire disparaître les autos solos à essence et électriques d’ici 2030 est tout à fait possible par une armature d’autobus et tramways gratuits, fréquents, confortables, électriques et construits au Québec (ce qui n’est pas le cas des « chars » électriques) sur toutes les routes principales du Québec jusque dans les moindres villages, plus des minibus automatiques sur circuits balisés dans les banlieues (en ce moment à l’essai à la Plaza St-Hubert à Montréal) et un complément d’autopartage communautaire sur le mode de l’entreprise montréalaise Communauto.

À l’occasion de la Deuxième guerre mondiale, il n’a fallu aux gouvernements canadien et états-unien que 2 à 3 ans pour convertir les usines d’automobiles et tutti quanti pour la production de guerre tout en faisant sortir de terre une panoplie d’usines nouvelles. Ils l’ont fait en instaurant une économie dirigée encadrant le marché jusqu’à ,et y compris, le rationnement par ailleurs bénéfique pour les personnes moins fortunées. Et un gouvernement de gauche usant de contrôles démocratiques ne serait pas en mesure d’une telle performance et plus encore pour que le peuple québécois contribue à sauver l’humanité de la catastrophe climatique ?

Remplacer l’extractivisme des hydrocarbures par celui d’une orgie de polluantes mines à ciel ouvert tout en continuant l’étalement urbain est aller de Charybde en Scylla ou tout changer pour que rien ne change.

Mais pour ça il faut avoir le courage politique d’aller à contre-courant pour expliquer et convaincre et non pas se satisfaire de surfer sur l’opinion publique conditionnée par la propagande politique et commerciale des « chars » électriques.

Marc Bonhomme, 22 novembre 2021
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

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