Édition du 12 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec solidaire

À propos du conflit qui oppose le CAD et le CCN

Un processus de médiation est le seul moyen de sortir de cette crise par le haut

Je voudrais moi aussi me prononcer en faveur d’une médiation dans le conflit qui oppose le CAD et le CCN. Je pense qu’il faut battre la motion de blâme pour un bon nombre de raisons. Les principales sont que nous n’avons pas tous les éléments en main pour poser un jugement éclairé. Tandis que la dégradation du conflit nous a été imposée par nos adversaires politiques et une lecture particulière de quelques publications.

Il y a bien des raisons pour battre cette motion : 1) cette motion occulte le vrai débat politique en arrière-fond du conflit, qui est la présence du racisme systémique, dans QS comme dans le reste de la société ; 2) le problème majeur vient d’une interprétation particulière, très négative, de deux publications du CAD sur les réseaux sociaux ; 3) cette interprétation très négative nous est largement imposée par nos adversaires politiques ; 4) la chronologie des événements décrite par le CCN a toutes les allures d’un conflit qui se dégrade et d’une situation dont le contrôle nous échappe, y compris avec cette motion ; 5) la motion repose sur une présentation des faits par le CCN qui est parfois erronée ou partielle, et qui est souvent composée d’interprétations ou de jugements ; 6) la motion fait l’impasse sur des aspects d’organisation interne à QS qui existent et qui font partie du conflit (à savoir le pouvoir discrétionnaire, statutaire, dont dispose le CCN pour nommer les membres de beaucoup de nos comités internes) ; 7) le débat autour de la motion met au jour des divergences politiques, bien normales, entre personnes racisées et autochtones dans Québec solidaire, qui mériteraient le temps et l’espace pour la discussion ; 8) des accusations graves sont portées sur certains comportements, et mériteraient une analyse approfondie 9) toute cette affaire démontre la place prépondérante des réseaux sociaux dans la réaction politique : nous pensons maîtriser ces outils alors qu’ils nous transforment à notre insu ; 10) la motion est déposée dans le cadre d’une procédure expéditive, à trois semaines d’un Conseil National, qui ne nous laisse pas le temps de débattre sereinement, et qui nous empêche de sortir de cette crise par le haut.

En clair, avec cette motion de blâme on nous demande de poser un verdict sans avoir tous les éléments en main pour juger. Ce n’est pas ce qu’on veut dans un parti qui défend la démocratie et l’État de droit.

Je détaille chacun de ces points ci-dessous. Au total cela donne un texte assez long, je m’en excuse. Mais la gravité de ce qu’on nous demande de faire me semble le justifier.

Dans ce texte, je prends surtout la défense du CAD. Je ne nie pas que le CAD aie commis des erreurs. Mais il me semble que le CCN et la direction nationale de QS ont déjà été amplement défendues par ailleurs. Or dans cette affaire les torts semblent bien être partagés.

C’est pour cette raison qu’une méditation est nécessaire : afin de comprendre les besoins et les contraintes pratiques et politiques de chaque partie (entre le CAD et la direction nationale de QS). Mais aussi pour rassembler les différentes points de vue sur l’anti-racisme et le discours décolonial qui existent dans QS. En déséquilibrant l’apparence des torts, un blâme ne va pas aider une discussion sereine. Si nous voulons sortir de cette crise par le haut, il faut à tout prix éviter de couper les ponts.

1) La motion se méprend sur la dimension politique en arrière-fond du conflit

Derrière tout ce débat, il y a une importance donnée au racisme systémique par le CAD, et au discours décolonial. Il est clair que des points de vue différentes existent entre nous à ce sujet. Et le CAD ne représente qu’un courant dans ce débat. Mais c’est le vrai débat de fond derrière le conflit que nous observons. Et la motion de blâme transforme en enjeu disciplinaire un désaccord politique de fond.

Par le sujet même que le CAD amène, à savoir le racisme systémique et le colonialisme présent dans nos sociétés, le CAD invite à une réflexion sur nos propres pratiques. Et le fait est que QS n’échappe pas aux tendances présentes dans la société générale. Il y a donc du racisme systémique dans QS, tout comme il peut y avoir dans nos rangs du sexisme et de la discrimination envers les femmes et d’autres minorités. Et pour garantir leur participation à nos débats, pour les protéger de ces discriminations dans notre espace, nous avons de longue date mis en place des procédures (la parité, entre autres) et des instances (telles que la Commission nationale des Femmes).

Il faudra donc mettre en places des procédures et des instances pour assurer une meilleure représentation des personnes racisées (et d’autres minorités) dans nos instances, et pour décoloniser nos esprits. Il est d’ailleurs intéressant de voir qu’une partie du conflit porte sur la composition de comités qui doivent se pencher dans QS sur ces questions.

Ce combat contre le racisme systémique n’est pas nouveau. Mais il est arrivé à l’avant-scène ces dernières années, avec une prise de conscience plus grande. Comme tous les mouvements sociaux, celui-ci est composé de différents courants et de différentes approches (j’y reviendrai). Plutôt que d’ostraciser un de ces courants, nous ferions mieux d’accepter le débat nécessaire à ce propos. Car c’est une occasion d’enrichissement, pour notre parti comme pour nos membres.

2) Le problème majeur vient d’une interprétation très négative de deux publication du CAD

Il vaut la peine de détailler les événements. Le CAD publie en mars une citation du professeur Attaran qui est factuellement exacte : le Québec est la seule province canadienne qui ne reconnaît pas le racisme systémique, et des personnes « qui ne sont pas blanches » meurent dans nos hôpitaux sous les insultes. C’est vrai.

Sous la pression de nos adversaires politiques, qui s’indignent de cette publication en exagérant sa portée, nos porte-paroles se voient obligé.es de répondre au fait que le CAD a publié cette citation du professeur Attaran. C’est gênant, parce que cela perturbe l’agenda de nos communications. Mais nos porte=-paroles répondent que QS n’appuie pas les propos du professeur Attaran. Et expliquent que les propos du CAD n’engagent que le CAD. Que les collectifs font partie de l’écosystème de discussion dans QS.

La situation est gênante. Mais ce sont nos adversaires qui exagèrent la portée de la publication. Dans les faits, un collectif de membres de QS pense que sur un point au moins le professeur Attaran a raison. Est-ce que cela veut dire que QS appuie les propos du professeur Attaran ? Non, et nos porte-paroles l’ont bien dit. Le CAD de son côté a précisé qu’il n’endosse pas tous les propos de M. Attaran.

Plusieurs jugent cependant que la publication est ambiguë. Au-dessus de la citation il est écrit : « Il a tout dit ». Au-dessous se trouve un lien vers un article qui contient d’autres citations. Ce lien url peut être considéré comme la précision d’une source. On peut donc faire de cette publication une interprétation minimale (il y a une seule citation, celle qui est reprise dans la publication) ou maximale (le CAD endosserait toutes les citations reprises dans l’article). Dans ce deuxième cas, on fait dire au CAD ce qu’il n’a pas dit.

On aurait pu se passer de cette ambiguïté, c’est vrai. Mais on a là un format de rédaction rapide, propre aux réseaux sociaux. La réaction dépend de l’interprétation. Et nos adversaires politiques vont bien sûr favoriser la seconde, la plus négative. Ce qui vient réveiller la polémique suscitée par les propos du professeur Attaran.

On pourrait s’interroger sur les intentions du CAD. Pourquoi des personnes racisées, victimes de racisme systémique, sentent le besoin de reprendre des propos aussi controversés ? Est-ce pour le plaisir de jouer aux incendiaires ? Ou parce que ces propos, aussi polémiques soient-ils, parlent d’une réalité que ces personnes vivent bel et bien, avec des conséquences parfois dramatiques pour leurs vies, mais dont les personnes blanches ne feront sans doute jamais l’expérience au Québec ? Ce genre d’expérience incommunicable est souvent à l’origine d’incompréhensions, dans toutes les sphères de la vie. C’est le cas dans ce débat.

On peut par contre discuter de la place à accorder à ces publications qui viennent s’immiscer dans la communication publique de QS. C’est en partie dû à la nouvelle nature de l’espace public, où de nombreux acteurs peuvent s’exprimer en même temps. Mais défendre des points de vue minoritaires, qui ne sont pas forcément partagés par tous les membres de QS et qui ne sont pas la ligne officielle du parti, c’est exactement ce à quoi servent les collectifs dans Québec solidaire. Ils sont un élément de notre débat sur des sujets que l’on doit parfois faire progresser dans QS, et ensuite dans la société.

3) Cette interprétation très négative nous est largement imposée par nos adversaires

Les choses dérapent après une seconde publication, mêlant Paul Saint-Pierre Plamondon, Pascal Bérubé et Patrice Bergeron avec, d’abord « leurs amis de droite extrême » puis « la fachosphère ». Et la Tribune parlementaire réagit devant ce qu’elle ressent comme un amalgame insultant pour un de ses membres.

Cet « amalgame » apparent découle pourtant d’un élément de chronologie qui est omis dans la présentation du CCN : Patrice Bergeron a fait circuler une information erronée, selon laquelle le CAD demanderait aux membres de QS de renier le PQ pour faire partie de notre parti. Peu importe que cette fausse information découle d’une erreur, ou d’une interprétation excessive. Mais cette information circule pendant un temps sur les réseaux sociaux.

Dans la publication du CAD, voir un amalgame dépend aussi d’une lecture particulière. L’énumération veut surtout indiquer à différents acteurs, avec une ironie mordante et peut-être un raccourci trop rapide, la proximité dérangeante dans laquelle ils se retrouvent. On veut par ailleurs signaler à ces adversaires le caractère contre-productif de leurs efforts : on les « remercier » pour l’exposition qu’ils ont donné au CAD (qui a reçu entre temps près d’un millier de nouveaux « J’aime » sur sa page) suite à une publicité dont le collectif se serait cependant bien passé.

L’équivalence tracée dans la publication peut sembler excessive. Mais le débat n’est pas tendre sur les réseaux sociaux. Et quand un journaliste fait circuler une information erronée, qui met un groupe dans l’embarras, il doit s’attendre lui aussi à être pris à partie, L’accent de la publication est donc mis sur une forme de « remerciement » ironique, particulièrement mordant il est vrai.

On comprend que le président de la Tribune parlementaire intervienne pour défendre un de ces membres : c’est son rôle. Et encore une fois, la publication est encombrante car elle distrait QS de ses autres interventions. Mais fallait-il pour autant désavouer le CAD ? Mon impression est que nos porte-paroles font une erreur sur ce point.

Car en désavouant le CAD, les chose s’emballent. La direction de QS justifie ensuite ce désaveu auprès des associations de Québec solidaire. Et le CAD se retrouve assailli de toutes parts : dans l’espace public comme en interne. N’oublions pas qu’il s’agit d’un groupe de personnes bénévoles, issues de minorités discriminées. Le CAD réagit sans doute trop fort, en parlant de recours judiciaire. Mais il réagit pour se défendre face à la déferlante qui lui tombe dessus. Puis vient la motion de blâme.

Certains voudront penser que le CAD a provoqué cette déferlante. Mais en réalité, c’est la pression de nos adversaires politiques qui a organisé cette déferlante. Et quand QS désavoue ces membres minoritaires, les membres du CAD se retrouvent de facto isolé.es face à cette énorme pression.

Il me semble que par ce désaveu on a surtout cherché à défendre la relation de notre parti avec les journalistes. Cela peut sembler une évidence, dans notre monde hyper-médiatisé. Mais les journalistes sont aussi des êtres humains qui peuvent faire des erreurs (il semble que Patrice Bergeron ait fait circuler une information erronée). Cet élément doit faire partie de notre appréciation.

On devrait aussi prendre en compte la nature particulière de la discussion sur les médias sociaux, faite d’ironie grinçante et de citations, dans des publications qui ne sont que ça : des publications, parmi des centaines de milliers de publications. Qui sont des publications : pas des communiqués de presse ni des déclarations officielles.

La motion de blâme va trop vite et trop loin, en désignant un seul coupable dans cette affaire. Elle empêche un débat salutaire entre nous sur toute ces questions difficiles. Nous devons arrêter de répondre à la pression de nos adversaires et reprendre le contrôle des événements. Donnons nous le temps de discuter selon nos propres paramètres.

4) La chronologie des faits a toutes les allures d’un conflit qui se dégrade

Dans les faits qui nous sont présentés, on passe d’un débat sur la composition de différentes comités internes à QS, sur la démocratie interne ou l’inclusion et la diversité, pour aboutir à une tempête médiatique où certaines publications sur les réseaux sociaux sont montées en épingle. On va dans un crescendo vers les citations « fatidiques », où l’on cite certains propos de M, Attaran, puis vers ce qui semble être une association entre le journaliste Patrice Bergeron et « la droite extrême ». Cette dernière publication conduit finalement Gabriel Nadeau-Dubois à désavouer le Collectif, avec tout ce qui s’en suit.

Les publications sur les réseaux sociaux ont attiré beaucoup l’attention. Mais au départ, dans la chronologie des faits, on parle d’éléments qui nous concernent en interne à QS. Cette dégradation est l’indicateur d’une situation qui devient progressivement hors de contrôle.

Il semble aussi qu’en janvier une rencontre a pu avoir lieu entre le CAD et le CCN. On ne sait pas ce qu’il en est ressorti, mais on nous dit que les ponts ne sont pas coupés et qu’un dialogue est établi. Plutôt que de rompre ce dialogue sous la pression de nos adversaires politiques, reprenons le contrôle et reprenons le dialogue. Car plusieurs points importants sont à discuter dans nos pratiques internes, si nous voulons arriver à intégrer tous les points de vue concernés par l’anti-racisme et le discours décolonial.

5) La motion fait l’impasse sur des aspects d’organisation interne à QS qui sont à la base du conflit

Le conflit commence avec la nominations de membres dans des comités internes de QS. La composition de ces comités « extra-statutaires » peut créer des tensions en notre sein, car le CCN dispose d’un grand pouvoir discrétionnaire à cet égard. Certains de ces comités sont créés directement par le CCN, d’autre sont formés par des instances nationales. Leur composition peut dépendre en partie d’autre instances, mais c’est souvent le CCN qui va nommer la plupart de leurs membres.

Dans toute cette affaire il y a des éléments qui montrent que le CAD a fait face à des obstacles qui l’empêchaient de participer à des lieux de discussion. Or notons le : c’est notamment pour attirer l’attention sur ce point que le CAD a été créé. On voit à plusieurs reprises que des personnes racisées qui le demandent ne peuvent pas participer à des débats au sein du parti, organisées sur base de motions d’instances nationales, portant sur l’inclusion, la diversité, l’anti-racisme.

À chaque fois, le choix des membres revient à ce pouvoir discrétionnaire du CCN. Cette situation est statutaire. Mais elle n’est pas pour autant idéale. Elle découle d’une construction par défaut dans nos statuts, où tout le pouvoir résiduel (c’est-à-dire, non explicitement dévolu à une instance particulière) revient au sommet, donc au CCN. Cette construction « hiérarchique par défaut », qui reflète l’organisation traditionnelle du pouvoir dans nos sociétés, procure au CCN un pouvoir discrétionnaire, de plus en plus grand à mesure que le parti grandit.

Comme membre de la Commission politique (de 2015 à 2017), j’ai pu voir que ces nominations internes pouvaient générer des débats, parfois des tensions. Cet enjeu est bien présent dans le conflit qu’on nous présente, d’autant que l’enjeu de l’accès aux discussions est par nature plus important pour les personnes minorisées. Bien que statutaire, ce pouvoir discrétionnaire du CCN pose donc problème. Il fait bel et bien partie des éléments pour apprécier le conflit dont il est question, dans l’historique des relations entre le CAD et le CCN.

6) La motion se base sur une présentation des faits par le CCN qui est erronée ou partielle

Dans l’idéal, il faudrait faire une analyse point par point des 11 éléments rapportés par le CCN dans son « Historique des principales effractions aux statuts du CAD », et auxquels le CAD a répondu dans son propre document (de presque 35 pages).

Je résume mes conclusions après lecture complète des deux documents : les accusations du CCN sont parfois fausses (l’intervention supposée du CAD dans l’École buissonnière) et souvent partielles : les échanges, qui concernent les différentes rencontres proposées et les demandes du CAD pour participer à des comités internes, auraient dû être produits au complet par le CCN (c’est le document du CAD qui nous y a donné accès). ET dans cet « Historique » on lit surtout des jugements : c’est souvent l’opinion ou l’interprétation du CCN qu’on lit, sans que le détail des échanges soit présenté.

En ce sens, la réponse détaillée du CAD était la bonne chose à faire. Mais elle est venue alors que le CCN a pu diffuser sa version des faits auparavant, avec beaucoup plus de visibilité. Cela déséquilibre encore une procédure trop rapide.

Dans les échanges publiés, si certaines demandes sont fermes, on y lit pourtant le plus souvent un ton respectueux, basé sur un désaccord politique. On peut s’arrêter sur tel ou tel mot, mais je ne vois rien qui dépasse une rhétorique politique bien trempée. Ce qui tranche par contre, c’est la fermeté de la position du CAD, qui refuse de s’enfermer dans des paramètres qui d’après lui le placent en situation d’infériorité, à cause même de la nature du débat ou des participations demandées.

Il y a donc un collectif qui insiste pour participer à nos débats internes. Ceci se heurte au pouvoir discrétionnaire dont j’ai parlé plus haut. À un moment le CCN doit trancher. Puis vient une escalade autour de l’organisation d’une rencontre, rendue difficile par un malentendu et des fausses accusations autour de l’École buissonnière.

Dans tout ce qu’on reproche au CAD, je ne vois pas où sont les « effraction aux statuts ». Le CCN avance que le CAD « n’a pas respecté les valeurs fondamentales du parti », on parle « d’intimidation » sur les réseaux sociaux et de création d’un « climat toxique » dans QS. Mais peu d’éléments sont avancés sur ces points (j’y reviens plus loin).

Tout ceci nécessite de la discussion plutôt qu’un blâme. Et une médiation permettra de mieux organiser la participation des différents courants de l’anti-racisme aux discussions internes sur le sujet et peut-être aussi aux prises de position publiques de QS sur cette question. Clarifier les choses et assurer la participation de tous les courants ne pourra qu’être bénéfique à notre parti.

7) La motion est déposée dans le cadre d’une procédure expéditive

On ne peut pas extraire le débat sur cette motion de blâme des conditions dans lesquelles le CCN le pose, avec une « Nouvelle proposition » révélée trois semaines avant le Conseil National, dans le cahier de synthèse. Cela empêche en principe les associations de proposer d’autres approches (et compromet les intéressantes propositions en faveur de la médiation déposées par certaines assos). À moins de faire accepter par la présidence du Conseil National une autre « nouvelle proposition » déposée sur le plancher du CN, en faveur de la médiation.

C’est donc un vote « à prendre ou à laisser » qu’on nous propose, pour lequel on nous laisse très peu de temps pour débattre. La comparaison avec le Collectif laïcité est tout à fait pertinente. Là aussi les faits reprochés étaient graves (et quant à moi plus graves), mais du temps a été accordé pour le débat. Si ce n’est la pression médiatique imposée par nos adversaires, dont j’ai déjà parlée, on ne comprend pas quelle urgence justifie pour le CAD cette procédure expéditive.

« Veux, veux pas », le blâme sera vu comme une sanction. En réalité, il s’agira d’un jugement dans une affaire où nous n’avons pas tous les éléments en main pour bien juger.

Il faut donc « laisser », c’est-à-dire battre, cette motion de blâme. Car ce n’est pas ainsi que doivent se régler les conflits politiques dans QS. Il faut laisser voir aux associations que ce débat porte sur plusieurs enjeux de fond, et non pas seulement sur une question de discipline. Il faut laisser aux membres le temps de s’approprier ce débat. Et dans l’immédiat, il faut une médiation avec le CAD au minimum pour trouver un accord sur sa participation à nos débats internes et sur sa communication externe.

8) Cette motion révèle des divergences entre personnes racisées et autochtones dans Québec solidaires et 9) un climat tendu sur les réseaux sociaux

Au vu des différentes lettres qui ont circulé dans le cadre de ce débat, iI est évident (et bien normal) que les personnes dites racisées et autochtones sont elles-mêmes traversées par des courants de pensée et de pratiques différents, au sujet de l’antiracisme et d’autres sujets. Cela n’a rien de surprenant. C’est encore un point qui appelle une médiation plutôt qu’un blâme.

La lettre « Pour un antiracisme solidaire et pluriel », signée par plusieurs militant.es qui soutiennent la motion de blâme, souligne bien cette diversité des approches et des points de vue, même parmi les personnes dites racisées, autochtones et issues de l’immigration. Elle souligne l’intérêt de cette « diversité de voix sur cet enjeu » du discours anti-raciste et décolonial, à condition que la discussion se fasse dans un « climat propice à la discussion démocratique et exempt de toutes formes de violence ».

Sur ce point, la lettre contient des observations graves : on y parle de « climat d’intimidation », « du harcèlement, de la violence psychologique et du climat toxique qui se sont instaurés, , surtout dans les réseaux sociaux et alimentés par certains membres du CAD ». Si de tels faits sont confirmés (et ici je m’excuse auprès des personnes pour qui ce serait évident : pour des raisons personnelles, je réduis au minimum ma présence sur les réseaux sociaux), cella pourrait potentiellement changer la nature du débat.

À la lecture de cette lettre, il n’est cependant pas clair si tous ces phénomènes sont attribuables au CAD, ou bien au climat général sur les réseaux sociaux. On voit bien aussi que par la nature des accusations et des phénomènes qui sont mentionnés, nous ne démêlerons pas tous ces faits par un simple vote pour ou contre une motion de blâme.

Ce ne sont pas quelques captures d’écran qui vont régler le dossier. D’autant que vu les « craintes et [l]es appréhensions » mentionnées dans la lettre, et l’anonymat requis par plusieurs, il n’est pas question d’exiger que de tels documents soient produits en public. Tout ceci plaide encore une fois pour un lieu neutre, afin de discuter de ce qui s’est passé.

10) Ce que les réseaux sociaux nous font

La discussion sur les réseaux sociaux est de nature à produire beaucoup de stress. Avec une présence permanente, une conversation qui ne s’arrête jamais, une suprématie de l’écrit par écran interposé, la possibilité de disséquer – de bonne ou de mauvaise foi – un point particulier d’un raisonnement en le coupant de son flux. Avec un format écrit qui empêche la lecture des affects et amène souvent à écrire des choses qu’on ne dirait pas, ou du moins pas de la même façon.

Mais ce nouveau format d’échange et de débat dont nous disposons dépend de plate-forme technologiques dont quelques grandes entreprises contrôlent les réglages. Et leur objectif n’est pas d’offrir un espace de débat démocratique et civilisé : c’est de maximiser notre présence sur leurs plate-formes. Les sciences neurocognitives les plus pointues sont mobilisées par ces entreprises pour atteindre cet objectif.

Soyons humbles et reconnaissons que les réseaux sociaux nous changent a notre insu. Nous ne les maîtrisons pas : ce format de discussion nous est imposé. C’est un moyen de communication très pratique, mais l’objectif de leurs propriétaires n’est pas de favoriser la conversation politique intelligente. Et cette « discussion permanente », très virulente, peut être lourde à porter pour plusieurs.

Devons-nous continuer à nous reposer sur ces outils pour tous nos échanges internes ? La pandémie nous y oblige en ce moment, mais le problème précède la pandémie. Il serait bon d’examiner comment ces outils, que nous ne contrôlons pas, transforment nos débats à notre insu.

Conclusion

Il est temps maintenant de prendre le temps d’examiner posément les choses. Plutôt que d’appuyer une lecture unilatérale et partielle de la situation, nous devons sortir des paramètres ont nous ont placé nos adversaires. Il est nécessaire d’examiner les besoins et les contraintes, toutes légitimes, des différents acteurs de cette affaire, en matière de communication comme de fonctionnement interne, de qualité des débats et de participation de tous les courants. En bref, il est temps de sortir du blâme et d’entamer la discussion.

Pour sortir de cette crise par le haut, il faut passer par la médiation. Et non pas par une motion de blâme. Car celle-ci donnerait l’impression de gagner à un camp, et l’impression de perdre à l’autre. Or ce n’est pas non plus ce qu’une vision équilibrée des faits nous amène à voir : les torts sont visiblement partagés, et beaucoup d’éléments nécessitent d’être éclaircis ou débattus dans des lieux et avec des méthodes appropriées.

C’est pourquoi nous devons rentrer dans un processus de médiation. Parce que c’est le seul moyen de sortir de cette crise par le haut. C’est le seul moyen d’enrichir collectivement notre débat politique sur des sujets cruciaux.

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