Édition du 23 avril 2024

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États-Unis

Une défaite amère pour les progressistes

L’ancien président Bill Clinton a dû gouverner la majorité de ses deux mandats alors qu’il n’avait le contrôle d’aucune des deux chambres. Il est donc difficile de lui attribuer entièrement, aujourd’hui, certains politiques adoptées par le Congrès de l’époque. Ce n’était pas le cas pour Obama. Et en particulier pour la première année de son mandat, alors qu’il détenait une majorité qualifiée au Sénat, soit 60% des voix qui le protégeaient des pratiques d’obstruction systématique de l’opposition conservatrice.

Mais un an après son élection, les électeurs du Massachusetts, État traditionnellement démocrate, ont remplacé le sénateur Kennedy par un élu républicain qui se présentait comme celui qui allait mettre des bâtons dans les roues des démocrates. Après seulement un an d’inconstance et de compromission, les électeurs progressistes signalaient ainsi, le plus bêtement possible, leur déception d’un président qui leur avait promis qu’il pouvait changer les choses, mais qui, non seulement ne faisait rien, mais s’était entouré de conseillers qui annonçaient qu’il ne ferait rien de fondamentalement différent.

« We never had the kind of fiscal expansion that might have created the millions of jobs we need », déclare sans ambage Paul Krugman qui remet en perspective la politique de relance de l’administration Obama. Pour Krugman, la politique de relance n’a pas eu l’ampleur que méritait la situation. Sur les 600 milliards $ du programme qui ont effectivement été engagés, 40% étaient en fait des coupures d’impôt pour stimuler la demande. Une autre part, presqu’aussi importante, du programme de relance a été dirigée vers les États, dont les finances se sont dramatiquement détériorées. Donc une portion ridicule du programme de relance a été véritablement engagée dans des dépenses publiques de soutien à l’activité. Résultats : le nombre total d’employés des secteurs publics et parapublics a diminué pendant les deux années du mandat Obama. Le nombre de fonctionnaires de l’administration fédérale a légèrement augmenté, mais les emplois au niveau des municipalités et des États ont connu une baisse significative. Au total, c’est 350 000 emplois perdus.

« But if they won’t say it, I will : if job-creating government spending has failed to bring down unemployment in the Obama era, it’s not because it doesn’t work ; it’s because it wasn’t tried. »

Donc, contrairement à ce que prétend le discours réactionnaire du Tea Party, l’énorme déficit de l’administration Obama n’exprime aucunement le « big government expansion », qu’ils dénoncent sur toutes les tribunes. Si c’était vrai, les électeurs progressistes auraient soutenu ce gouvernement. Mais c’est faux. Comme le signale Christian Chavagneux, les mesures du Recovery Act n’ont fait – ce n’est pas rien évidemment – qu’empêcher que le PIB des Etats-Unis s’effondre de 7,4% en 2009 – contre -2,5% réalisé – et que le taux de chômage passe au-dessus de 15%. Bien qu’historique par son ampleur, le programme de relance n’était pourtant pas à la hauteur de la situation de crise que vivent les États-Unis. Il n’a pas empêché un taux de chômage de 10%, ce qui ne s’est pas vu depuis une génération.

On a vu le résultat mardi. Selon Marie-Christine Bonzom, collaboratrice au Devoir, la mobilisation démocrate pour le vote du 2 novembre serait de 10 points plus faible par rapport à 2008. Citant un sonfage Gallop, elle signale que le « déficit d’enthousiasme » des démocrates par rapport aux républicains est de 29 points ! Face à une droite réactionnaire fortement mobilisée contre le « socialiste », le « négro », et le « musulman » !, les Hispaniques et les jeunes se sont abstenus d’aller voter.

Le drame, c’est que cette abstention du vote « libéral » a laissé presque toute la place aux revanchards extrémistes du Tea Party et à leurs ignorants d’électeurs. Résultat prévisible : Obama va devoir reconduire les baisses d’impôts mises en place sous Bush. Coûts pour le budget de l’administration fédérale : 3 000 milliards $ sur 10 ans ! Pourtant, selon le Center on Budget and Policy Priorities, les baisses d’impôts de l’administration Bush seraient le principal responsable du déficit structurel du gouvernement des Etats-Unis. Autre résultat prévisible : la baisse du déficit (ne chercher pas l’erreur de raisonnement de mon côté !!!) va devenir l’enjeu majeur du Congrès puisque les électeurs qui se sont mobilisés mardi exigent des coupures de budget et moins d’État. Donc d’un côté des baisses d’impôts qui favorisent les plus riches, et de l’autre des baisses de dépenses aux dépends des plus défavorisés et de la classe moyenne. En aggravant encore plus les inégalités, qui ont été la principale source de la crise financière, les États-Unis se préparent à des lendemains bien difficiles. Il faudra suivre les suites de ce mouvement réactionnaire qui déferle sur l’Amérique…

(tiré de Oikos blogue.coop)

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