Édition du 26 mars 2024

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Amérique du Sud

Vénézuéla : horreurs et désastres transformés en projets inspirants

Cette année, sous l’effet de La Niña, la saison des pluies a été particulièrement dure pour les pays d’Amérique latine : inondations, glissements de terrain, destruction des cultures, pertes de vie, de biens essentiels et misère humaine. Le Vénézuéla n’y a pas échappé avec 135 000 sinistrés, 38 décès et 475 producteurs agricoles qui ont perdu leurs récoltes.
15 février 2011

La région la plus touchée a été celle juste au sud du lac Maracaïbo, dans le nord du pays. Or, justement, ce sont là les meilleures terres pour l’agriculture et du fait même, aussi, l’endroit où se concentrent les grands propriétaires terriens et… l’opposition politique la plus virulente.

C’est d’ailleurs en visitant la région pour prendre connaissance de l’ampleur des dégâts, que les agents gouvernementaux ont découvert une autre horreur : certains exploitants terriens tenaient séquestrés une main d’œuvre agricole et les maintenaient dans un état quasi-esclavagiste, dans des conditions d’insalubrité et de vie totalement inhumaines.

Le gouvernement s’est donc retrouvé face à deux problèmes majeurs : celui de loger toutes ces personnes et celui de leur trouver du travail, pour qu’ils puissent, tous, vivre décemment. Ajoutons à ces problèmes, l’explosion du coût des aliments, celui surtout des céréales qui constituent la base de l’alimentation des Vénézuéliens, à cause de la spéculation féroce dont ils font l’objet.

Premier défi : où loger tous ces sinistrés

Afin de pallier le plus rapidement possible aux problèmes aigus de logement causés par les intempéries, on héberge temporairement les sinistrés là où on peut, dans des camps d’hébergement temporaires pour la majorité, mais certains autres sont hébergés dans un hôtel présentement vide mais qui se trouve situé dans la région touristique de Higuerote où plusieurs Vénézuéliens aisés ont leur résidence de villégiature. Ceux-ci crient à « l’invasion ». L’État a dû déployer l’armée pour protéger les sinistrés et, heureusement, certains citoyens se sont également joints à ces derniers pour leur prêter main forte. Le vice-président, Elias Jaua rétorque « il s’agit de ceux qui se sont retrouvés totalement dans la rue avec de l’eau jusqu’à la ceinture » et il ajoute « les dirigeants de l’opposition laissent voir qu’ils privilégient leurs intérêts de classe avant ceux d’une population victime de tragédies naturelles ».

C’est dans un tel contexte politique, qu’un premier projet de construction, étalé sur une période de 18 mois, offrira 22 000 logements pour loger les sinistrés au coût d’environ un milliard de dollars. Ce projet a aussi comme objectif secondaire d’éviter que les citoyens ne retournent vivre dans des régions « à risque ».

Mais il n’y a pas que dans le nord du pays où le besoin de logements se fait sentir : il y a aussi d’autres municipalités touchées et évidemment les bidonvilles au cœur de la capitale, Caracas. Ainsi, suite aux contacts établis avec divers pays qui ont offert leur aide dans le cadre du désastre, et aussi de la tournée récente du président Chavez, des projets spécifiques ont été signés avec certains d’entre eux, dont la Russie, la Biélorussie, l’Iran, le Portugal et la Chine.
En plus du projet de construction résidentielle, Chavez a signé un autre contrat avec la Russie, soit un partenariat avec ce pays en vue de construire, entre 2011 et 2016, neuf entreprises de production de matériaux de construction à la fine pointe de la technologie.

En plus du projet résidentiel initial, on prévoit maintenant construire au cours des prochaines années, selon le ministre de la Reconstruction urbaine de Caracas, Francisco Sesto, entre 200 000 et 300 000 nouveaux logements sur les terrains vacants de Caracas, afin d’y loger tout d’abord les quelque 35 000 familles qui ont perdu leur foyer au cours des derniers mois et aussi les 71 familles de classe moyenne qui ont été victimes de fraude immobilière l’an dernier. « L’objectif premier, dit Chavez, est d’ériger des logements pour dignifier les familles vénézuéliennes ».

Aussi souligne-t-il, les logements qui seront construits en partenariat avec la Russie, la Biélorusse et la Chine seront de propriété privée, « il ne s’agit donc pas d’un projet pour en finir avec la propriété privée ». Il ajoute que « le focus essentiel du socialisme est de satisfaire les besoins de tous également, sans privilèges pour les uns pour qu’ils puissent manger et les autres non. »

Second défi : gagner sa vie et nourrir sa famille

Ici, le gouvernement a décidé de prendre le taureau par les cornes. Il récupère auprès de 47 grands propriétaires - les principaux - les terres restées oisives contre une « compensation juste » et le « respect des droits » de leurs quelque 140 travailleurs. En photo, un des derniers de ces propriétaires, Jesús Meleán, propriétaire de la ferme « El Peonío », c’est-à-dire « La pivoine ». Celui-ci reconnaît de lui-même que selon la loi, les terres appartiennent en réalité à l’État ; on lui règle quand même la valeur des terrains et on garantit l’emploi continu des familles qui y travaillent dans des conditions raisonnables. Ce ne fut pas le cas pour d’autres propriétés où les travailleurs vivaient dans des conditions précaires. D’ailleurs, certains de ces propriétaires étaient tellement furieux contre l’Institut national des terres, responsable du processus, qu’un groupe criminel y a mis le feu !

Autre raison pour récupérer les terres autant que possible, l’environnement : certains propriétaires ont dévié les cours d’eau, dont des rivières, et ont procédé à une importante déforestation. Ces actes ont contribué à accentuer les effets destructeurs des pluies, particulièrement le délavement des terres, ce qui a sérieusement affecté les petits agriculteurs de la région.

C’est ainsi que le 26 janvier dernier, le président Hugo Chavez a annoncé le programme Mission AgroVénézuéla. Il s’agit d’un programme national visant à augmenter les occasions d’emploi dans le secteur agricole et à donner plus de pouvoir aux travailleurs de ce secteur sur tout le territoire vénézuélien. Il vise également – et peut-être surtout - à assurer non seulement la souveraineté alimentaire du Vénézuéla, mais également à convertir le pays en puissance agricole.

Le financement est assuré par un fonds conjoint comprenant à la fois la banque nationale et les institutions financières privées, fonds spécial créé à la demande du président Chavez et destiné principalement à accorder le crédit nécessaire aux participants au programme. D’ailleurs les producteurs ayant perdu leurs récoltes ont vu leur dette effacée et pourront bénéficier d’un refinancement.

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