Édition du 11 novembre 2025

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

États-Unis

Zohran Mamdani : « Notre heure est venue »

Hier soir (13 octobre), lors d’un rassemblement électoral, Zohran Mamdani s’est adressé à ses partisan·es : « Pendant trop longtemps, nous avons essayé de ne pas perdre. Il est maintenant temps de gagner. »

https://jacobin.com/2025/10/mamdani-mayor-nyc-campaign-speech

14 octobre 2025

Hier soir, lors d’un rassemblement à l’United Palace, le candidat socialiste démocrate à la mairie de New York, Zohran Mamdani, s’est adressé à ses partisan·es. Nous reproduisons ici l’intégralité de son discours.

Merci aux élu·es, aux dirigeant·es syndicaux et aux leaders de mouvements sociaux qui sont parmi nous ce soir. Et merci à la procureure générale de New York, Tish James. Pendant des années, vous vous êtes battue pour les New-Yorkais·es, et maintenant, c’est à notre tour de nous battre pour vous.

Il y a quelque chose de spécial dans cette salle ce soir. C’est le pouvoir. C’est le pouvoir de centaines de milliers de New-Yorkais·es uni·es, prêt·es à inaugurer une nouvelle ère. C’est le pouvoir d’un mouvement qui a remporté la bataille pour l’âme du Parti démocrate. Qui a relégué la vision d’Andrew Cuomo, faite d’austérité et de mesquinerie, à la place qui lui revient : sur une ligne électorale dont personne n’a jamais entendu parler.

C’est un pouvoir plus grand que celui de n’importe quelle personne travaillant seule pour un New York où la dignité est accordée à tous.

Et c’est le pouvoir d’une campagne qui, pour la deuxième fois en cinq mois, est au bord de la victoire. Dans trois semaines à compter de demain, nous gagnerons à nouveau.

Cela n’est possible que grâce à vous. Cette campagne a mobilisé le plus grand nombre de bénévoles de toute l’histoire de la ville de New York. Il y a 3 200 personnes dans cette salle ce soir. Et à vos côtés, il y en a plus de 80 000 autres à travers notre ville — à Brownsville, à Parkchester, à Flushing et ici même à Washington Heights, des New-Yorkais·es qui ont frappé aux portes, passé des appels téléphoniques et inscrit des électeur·ices jour après jour, semaine après semaine, mois après mois. Vous avez travaillé si dur pour une raison simple : réinventer fondamentalement ce qui est possible à New York.

Aujourd’hui, certain·es s’opposent à cette vision. Des milliardaires comme Bill Ackman et Ronald Lauder ont investi des millions de dollars dans cette course électorale, car ils affirment que nous représentons une menace existentielle.

Et je suis ici pour admettre une chose. Ils ont raison.

Nous représentons une menace existentielle pour les milliardaires qui pensent que leur argent peut acheter notre démocratie.

Nous représentons une menace existentielle pour un statu quo défaillant qui étouffe la voix des travailleurs et des travailleuses au profit des entreprises.

Et nous sommes une menace existentielle pour un New York où une dure journée de travail ne suffit pas pour gagner une bonne nuit de sommeil.

Et nous sommes absolument une menace existentielle pour les politiciens discrédités comme Andrew Cuomo, qui sapent la confiance du public, harcèlent les femmes et ne cachent pas leur désespoir de collaborer avec Donald Trump et ses donateurs.

Nous sommes une menace existentielle pour les milliardaires qui pensent que leur argent peut acheter notre démocratie.

Soyons clairs. Ce n’est pas le moment de capituler. Nous traversons une période d’obscurité politique. Donald Trump et ses agents de l’ICE enlèvent nos voisin·es immigré·es de notre ville en plein jour, sous nos yeux. Son administration autoritaire mène une campagne de représailles sans merci contre toustes celleux qui osent s’opposer à elle, contre les tribunaux qui osent lui demander des comptes et contre nos voisin·es transgenres et homosexuel·les qui osent simplement être elleux-mêmes.

Et encore et encore, Trump a rompu la promesse qu’il avait faite au peuple américain de se battre pour la classe ouvrière en s’attaquant à la crise du coût de la vie. Au cours des neuf derniers mois, nous avons assisté au plus grand transfert de richesse des pauvres vers les riches de l’histoire.

Trump est comme Andrew Cuomo : redevable aux milliardaires et aux oligarques. Et comme Cuomo, il s’est plié à leur volonté.

Les ravages qu’il a laissés dans son sillage sont stupéfiants. Des dizaines de millions d’Américains, dont des millions ici même à New York, vont perdre leur Medicaid, leur Medicare, leurs prestations SNAP. À cause de la corruption de Trump, des enfants vont se coucher le ventre vide. Des malades vont mourir. Quelle que soit la manière dont on mesure les choses, nos vies se sont détériorées.

Je repense au pasteur avec qui je me suis assise il y a quelques semaines à East Flatbush. Il m’a raconté comment, en septembre, une jeune femme de sa congrégation l’avait abordé après la messe. Elle lui avait dit qu’elle faisait l’objet d’une mesure d’expulsion. Il la connaissait bien et savait qu’elle travaillait avec des jeunes handicapé·es dans cette ville. Elle lui avait dit qu’elle n’avait pas les moyens de payer un·e avocat·e et qu’elle n’avait personne d’autre vers qui se tourner. Elle lui a demandé s’il pouvait l’accompagner au 26 Federal Plaza. Il a accepté.

Dans la salle d’audience, le juge lui a dit de se préparer à partir avec les vêtements qu’elle portait. Il lui a demandé si elle avait fait ses adieux à sa famille. Elle s’est mise à pleurer.

Puis, comme par miracle, le juge a changé d’avis. Il a décidé de faire passer son ordonnance de statut de protection temporaire avant l’ordonnance d’expulsion. Pendant un instant, le danger a semblé écarté.

Mais le pasteur savait que l’ICE attendait dehors. Ils se moquaient bien de l’ordonnance du tribunal, car ils se moquaient bien de l’état de droit.

Il s’est tourné vers quelques observateur·ices présent·es dans la salle et leur a demandé de sortir les premier·es. Il a demandé à un autre homme de retenir l’ascenseur. Il a pris la jeune femme sous les bras, a ouvert les portes, l’a fait passer rapidement devant les agents de l’ICE pour l’emmener dans l’ascenseur, puis dans une voiture qui attendait, avant de repartir à toute vitesse vers Brooklyn.

Pendant tout ce temps, ses pieds n’avaient même pas touché le sol. Il m’a dit que cela lui avait fait penser au chemin de fer clandestin. Et pourtant, il savait qu’elle était loin d’être en sécurité.

Nous vivons à une époque dont nous avons entendu parler dans les livres. Je sais que beaucoup d’entre nous, lorsque nous repensons à des moments de l’histoire qui ressemblent à ceux que nous vivons aujourd’hui, où la tyrannie régnait et où l’État imposait la violence avec une joie sinistre, nous nous demandons ce que nous aurions fait. Nous n’avons pas besoin de nous poser la question. Ce moment est arrivé.

Et je suis fier de voir cette foule, ces New-Yorkais·es qui, malgré le désespoir, ont continué à croire en un monde meilleur. À chaque pâté de maisons parcouru, à chaque signature obtenue, vous avez refusé de normaliser une politique de cruauté, de cupidité et d’exploitation. Vous avez affirmé votre pouvoir.

Nous voyons ce pouvoir lorsque les infirmier·es, les enseignant·es et les chauffeurs et chauffeuses de bus, ces hommes et ces femmes travailleuses et travailleurs syndiqués, terminent leur service et se rendent directement à une réunion électorale.

Nous le voyons lorsque ces mêmes New-Yorkais·es qui se rendent à pied au travail consacrent leurs week-ends à se battre pour des bus rapides et gratuits pour des inconnu·es qu’ils et elles ne rencontreront jamais.

Et nous le voyons lorsque des grands-parents dont les enfants sont depuis longtemps adultes se battent pour la mise en place d’un système universel de garde d’enfants afin qu’une jeune famille qu’ils n’ont jamais rencontrée, vivant à l’autre bout de la ville, puisse se permettre de rester ici.

Avec autant de ténèbres, il faut du courage pour éclairer une nouvelle voie. Comme l’a dit un jour Thomas Sankara, « Le changement fondamental ne vient que du courage de tourner le dos aux anciennes formules, du courage d’inventer l’avenir. » Ensemble, c’est exactement ce que nous avons fait.

Pendant trop longtemps, on nous a demandé de nous contenter d’abstractions et de lettres au ton ferme ; de nous satisfaire d’une politique bâtie sur des fondations fragiles, fondée uniquement sur ce à quoi nous nous opposons, sans jamais déclarer ce que nous soutenons réellement ; d’accepter des dirigeant·es prêt·es à nous vendre au plus offrant.

Ce n’est pas ce qu’est ce mouvement, et il ne le sera jamais. Nous savons ce que nous défendons, et nous ne reculerons pas. Un mouvement par le peuple et pour le peuple ne répond qu’au peuple.

À vingt-deux jours de la clôture des urnes, exprimons haut et fort ce que nous croyons afin que le monde entier le sache. Nous croyons que dans la ville la plus riche du pays le plus riche de l’histoire du monde, les travailleurs et travailleuses méritent une vie digne.

Nous croyons que les bus devraient être rapides et [la foule crie : « gratuits ! »]

Nous croyons que le logement est beaucoup trop cher. Nous allons construire des centaines de milliers de logements abordables, nous attaquer aux mauvais propriétaires et geler les [la foule crie : « loyers ! »]

Et nous croyons que les frais de garde ne devraient pas coûter autant qu’une année de scolarité au City College. C’est pourquoi nous allons mettre en place un système universel [la foule crie : « de garde d’enfants ! »].

Ce ne sont pas seulement des slogans. Ce sont des engagements. Nous ne les prononçons pas simplement pour inspirer, mais parce que c’est ce que nous allons réaliser. Nous croyons en des écoles qui reçoivent les investissements dont elles ont besoin, en des infrastructures résistantes aux effets croissants de la crise climatique et en un budget qui finance entièrement nos parcs et nos bibliothèques.

Nous croyons en une sécurité publique qui garantit réellement la sécurité et la justice. Nous pouvons faire de cette ville un endroit où personne n’a peur de marcher dans la rue ou de prendre le métro. Une ville où nos policier·es se concentrent sur les crimes graves et où ce sont les professionnel·les de la santé mentale qui s’occupent des crises de santé mentale.

Pendant trop longtemps, nous avons essayé de ne pas perdre. Il est maintenant temps de gagner.
À New York, nous croyons qu’il faut défendre celles et ceux que nous aimons. Au cours des neuf derniers mois, nous avons vu l’homme le plus puissant du monde dépenser une énergie considérable pour s’en prendre à ceux et celles qui ont le moins. Que vous soyez un·e immigrant·e, un·e membre de la communauté transgenre, l’une des nombreuses femmes noires que Donald Trump a licenciées d’un emploi fédéral, une mère célibataire qui attend toujours que le prix des produits alimentaires baisse, ou toute autre personne acculée au pied du mur, votre combat est aussi le nôtre.

Ne vous y trompez pas, notre mouvement sait exactement pour qui et pour quoi nous nous battons. Nous n’avons pas peur de nos propres idées. Pendant trop longtemps, nous avons essayé de ne pas perdre. Il est maintenant temps de gagner.

Je sais que depuis notre victoire du 24 juin, certain·es se sont demandé si ce à quoi nous aspirons est possible. Que les jeunes dont on parle comme étant l’avenir pourraient aussi être le présent. Que la gauche qui a critiqué pourrait aussi être la gauche qui tient ses promesses.

À cela, mes ami·es, j’ai une réponse très simple : oui.

Et à celles et ceux qui doutent, qui n’arrivent pas à y croire, qui partagent notre vision mais ont peur de se permettre d’espérer, je vous demande : quand la dignité a-t-elle jamais été donnée ?

Les mêmes questions qui nous ont été posées ont été posées aux syndicats, au mouvement des droits civiques, à tous ceux et à toutes celles qui ont eu le courage d’exiger un avenir sans pouvoir encore le voir : ne pouvait-on pas attendre ? Ne voyait-on pas qu’on en demandait trop ?

Ils et elles savaient que nous ne pouvons pas déterminer l’ampleur de la crise à laquelle nous sommes confrontés. Nous ne pouvons que décider de la manière dont nous y répondons. Nous savons que chaque grande victoire doit être remportée, car elle ne sera jamais donnée.

Lorsque les syndicats ont obtenu le week-end, afin que les travailleurs et travailleuses aient le temps de se reposer, c’était un pouvoir conquis, pas accordé. Lorsque celles et ceux qui nous ont précédés ont manifesté pour le droit de vote et les droits civiques, ils et elles ont triomphé parce qu’iels ont osé rêver, pas parce qu’iels en ont reçu la permission d’un establishment politique satisfait du statu quo.

Lorsque des millions de personnes âgées ont été sorties de la pauvreté grâce à la sécurité sociale, c’est parce que les Américain·es en avaient assez d’une situation qui ne leur convenait pas et en voulaient une nouvelle. Et le New York que nous aimons a été construit par celles et ceux
qui refusent de se contenter de moins. De grands leaders comme Fiorella La Guardia nous ont appris que l’ambition est quelque chose à embrasser, et non à traiter comme un crime. Lorsque nous nous libérons du carcan des petites attentes, notre ville construit des parcs et des hôpitaux, et nous montrons au monde que l’ambition et la compassion sont en fait étroitement liées.

En cette période sombre, New York peut être une source de lumière. Et nous pouvons prouver une fois pour toutes que la politique que nous menons ne doit pas nécessairement être fondée sur la peur ou la médiocrité. Le pouvoir et les principes ne doivent pas nécessairement être en conflit à la mairie. Car nous utiliserons notre pouvoir pour transformer les principes en possibilités.

Dans douze jours, les New-Yorkais·es commenceront à voter. Nous élirons notre prochain maire. Mais plus que cela, nous ferons un choix très simple.

Un choix entre la démocratie et l’oligarchie. Un choix entre une ville abordable ou plus de la même chose. Un choix entre un maire qui travaille pour celles et ceux qui ont du mal à payer leurs courses ou celles et ceux qui ont du mal à acheter une élection. Un choix entre l’espoir d’un avenir meilleur et un passé brisé.

Pendant des années, pour reprendre les mots du Dr Martin Luther King, on nous a demandé d’attendre une saison plus propice. On nous a dit que le changement n’était pas encore tout à fait possible, que ce n’était pas encore notre tour, qu’il viendrait bientôt.

On nous a dit d’attendre alors que nos ami·es et nos voisin·es ont déménagé. On nous a dit d’attendre alors que notre ville est devenue de plus en plus inabordable. On nous a dit d’attendre alors qu’une vie agréable est devenue hors de portée.

Mes ami·es, nous ne pouvons pas nous permettre le luxe d’attendre. Car trop souvent, attendre revient à faire confiance à ceux qui nous ont menés à cette situation.

Nous pouvons exiger un gouvernement qui améliore nos conditions de vie. Nous pouvons dire aux milliardaires que cette ville ne leur appartient pas. Nous pouvons dire à Donald Trump qu’il ne peut pas acheter cette élection. Et nous pouvons dire à Andrew Cuomo que New York n’est pas à vendre.

Ainsi, le soir du 4 novembre, lorsque le monde apprendra que nous avons encore gagné, il connaîtra notre réponse à la question : nous choisissons l’avenir. Car à tous ceux et toutes celles qui disent que notre heure viendra, mes ami·es, notre heure est venue.

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