Édition du 17 juin 2025

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Le Monde

Accord Trump-Poutine : Point de départ pour la refonte du nouvel ordre international réactionnaire

L’Ukraine, pays envahi, est parvenue à défendre son indépendance au cours de cette terrible guerre de trois ans, au prix de grands sacrifices, face à la puissante armée de l’agresseur impérialiste. Cela n’aurait bien sûr pas été possible sans l’approvisionnement en armes fourni par l’Occident, mais le facteur principal reste le courage et la grande détermination du peuple ukrainien. C’est ainsi que l’intellectuel de gauche russe Ly Budaitskis évoque le sacrifice de l’Ukraine.

| 10 mai 2025 |tiré de viento sur | Version originale en basque
https://vientosur.info/el-punto-de-partida-para-la-remodelacion-del-nuevo-orden-internacional-reaccionario/

L’économiste Michael Roberts affirme : « L’invasion russe de l’Ukraine a eu des conséquences terribles pour le peuple ukrainien. 46 000 civils et peut-être 500 000 soldats sont morts. Des millions ont fui à l’étranger et des millions d’autres ont été contraints d’abandonner leur foyer. Kiev a perdu 50 000 travailleurs et travailleuses. Le PIB de l’Ukraine a chuté de 25 %, et 7,1 millions d’Ukrainien·nes vivent aujourd’hui dans la pauvreté. »

Lorsque la Russie a lancé son invasion générale en février 2022, les États-Unis ont d’abord conseillé à Zelensky de fuir le pays, pensant qu’il n’était pas possible d’arrêter l’armée russe. Pourtant, le peuple ukrainien a réussi à repousser les troupes russes, à la surprise des États-Unis comme de Poutine. C’est alors que les États-Unis et l’OTAN ont commencé à fournir une aide militaire et économique à l’Ukraine. Toutefois, ce soutien a été limité : suffisant pour permettre à l’Ukraine de résister, mais pas pour vaincre la Russie. Tel n’a jamais été l’objectif.

Nous devons garder tout cela à l’esprit pour évaluer correctement le tournant qui s’est produit depuis que Trump a pris la présidence des États-Unis. En échange de l’aide fournie (qui a représenté un gigantesque marché pour l’industrie de l’armement), les États-Unis veulent désormais imposer à l’Ukraine l’exploitation de minerais rares sur son territoire, et, en guise de coup de poignard dans le dos, l’obliger à accepter les territoires volés par Poutine si elle veut obtenir la paix. Autrement dit, l’alliance de deux impérialismes cherche à coloniser l’Ukraine, chacun selon ses propres intérêts.
Ce n’est pas la première fois qu’une grande puissance impérialiste change de cap et s’allie à un ancien ennemi. Rappelons le rapprochement soudain de Richard Nixon avec la Chine au début des années 1970, ce qui prolongea de plusieurs années la guerre du Vietnam (Mao réduisit son aide au Vietnam du Nord).

Mais il existe un précédent encore plus frappant : le pacte Hitler-Staline de 1939. L’alliance entre l’Allemagne fasciste et la Russie stalinienne a ouvert la voie à la Seconde Guerre mondiale.
Comme à cette époque, aujourd’hui le destin de l’Ukraine concerne le monde entier, car il pose la question des droits et de la souveraineté des petits États. Si l’accord entre Trump et Poutine sur la division du territoire et des ressources naturelles de l’Ukraine va de l’avant, il constituera un précédent comparable à l’Accord de Munich de 1938 et montrera que les petits États ne sont que des pions dans le jeu des grandes puissances. Cela devrait nous inquiéter.

Si ce soi-disant plan de paix se concrétise, une partie de l’Ukraine serait annexée par Poutine et une autre deviendrait une colonie économique de l’impérialisme américain. En plus d’entériner l’annexion, la Russie reconstruirait son appareil militaire — actuellement réduit (ses forces étant presque épuisées en raison des lourdes pertes subies, notamment en soldats et en armement lourd, comme les chars et l’artillerie) — pour se préparer à de futures attaques contre ses voisins. L’idée que la Russie chercherait à envahir toute l’Europe est simpliste et fausse : elle n’en a ni la force ni l’intérêt. Mais il est indéniable qu’elle nourrit des ambitions impérialistes à l’égard de ses voisins, en particulier la Finlande et les pays baltes. La Moldavie et la Géorgie sont également dans sa ligne de mire. La peur de la Russie dans ces pays peut nous sembler exagérée, mais elle est fondée. L’histoire en témoigne.

Nous ne pouvons faire nôtre le discours des oligarques et des militaristes qui disent : « Si tu veux la paix, prépare la guerre ! » À cette idée, nous opposons : « Non à la guerre qui nous tue ! Non à la paix qui nous opprime ! », contre la fausse Pax Romana.

Les choses sont claires sur ce point. L’Union européenne veut nous impliquer dans une course à l’armement et promouvoir un climat de guerre sous prétexte d’aider l’Ukraine. Elle prévoit de dépenser 800 milliards d’euros dans l’armement et les armées. Sur ce total, 650 milliards devront être versés par les États membres, et les 150 milliards restants seront une dette mutualisée garantie par le budget de l’Union.

Nous devons exprimer notre rejet total de ces projets et, en même temps, condamner la présence de l’OTAN sur nos territoires et œuvrer à sa dissolution. Contre tous les blocs militaires — OTAN, OTSC, AUKUS — qu’ils soient occidentaux ou orientaux, et pour la dénucléarisation.

Cependant, au-delà de la question ukrainienne, il est utile de comprendre ce qui se cache derrière le pacte Trump-Poutine. Depuis longtemps, nous condamnons la posture impérialiste de l’actuelle Union européenne néolibérale ou du Parti démocrate aux États-Unis. Mais attention : ce que veulent Trump et Poutine, c’est une Europe encore plus droitière et plus réactionnaire, où Le Pen, Orban, Meloni, Abascal et consorts seraient les nouveaux maîtres du continent.

À court terme, ce plan vise à écraser l’Ukraine et à protéger les partis trumpistes et les souverainistes d’extrême droite en Occident.

Nous devons emprunter une autre voie : internationaliste, anti-impérialiste et antiraciste. Sans énergies fossiles, sans nucléaire, sans agro-industrie. Une Europe différente : démocratique, sociale, féministe, ouverte, généreuse et écologique. Développant la sécurité sociale, renforçant les services publics, luttant contre les inégalités, construisant une Europe qui éradiquerait la pauvreté. Cela suppose de socialiser la finance, l’énergie, l’industrie de l’armement (en la reconvertissant vers d’autres activités) et d’autres secteurs clés.

C’est là la meilleure manière d’atteindre une véritable paix. Ici et partout ailleurs.
Joxe Iriarte est militant d’Alternatiba

6 mai 2025

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