Édition du 23 avril 2024

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Afrique

Au Soudan, le conflit s’étend et les centres de détention secrets pullulent

Depuis cinq mois, le Soudan est en proie à une guerre opposant les forces des généraux rivaux Al-Burhan et Hemeti. Médias et ONG rapportent de multiples exactions et la multiplication de centres de détention secrets. Quelque 5 000 personnes pourraient y être enfermées.

Tiré de Courrier international.

Le 21 septembre, à la tribune de l’ONU, le général Abdel Fattah Al-Burhan, président du Conseil de souveraineté de transition, l’a affirmé haut et fort : le conflit soudanais, qui oppose depuis le 15 avril l’armée régulière (FAS) aux Forces de soutien rapide (RSF) de Mohamed Hamdane Daglo, dit “Hemeti”, risque de s’étendre. Il a également réaffirmé qu’il s’engageait à transférer le pouvoir au peuple soudanais, après “une courte période de transition au cours de laquelle la sécurité, les conditions humanitaires et économiques actuelles et la reconstruction seront abordées, [et qui] sera suivie d’élections générales”.

Selon Afriquinfos, le chef de l’État de facto du Soudan a surtout insisté sur le fait que ce conflit est “comme une étincelle… une guerre qui débordera… et brûlera toute la région”. Pour le moment, c’est surtout le pays qui est menacé d’embrasement général, avec la population civile en première ligne.

Dans son édition française, Middle East Eye cite ainsi un rapport d’Emergency Lawyers, un groupe d’activistes soudanais prodémocratie. Ces derniers expliquent que “les deux camps belligérants détiennent des centaines de personnes dans 52 établissements au moins” et que Khartoum, la capitale, s’est “transformée en une vaste prison pour les civils qui s’y trouvent encore”.

Après avoir recueilli et recoupé des témoignages, l’ONG a recensé “52 centres de détention permanents environ […] dans les 3 villes de l’État de Khartoum” :

  • “44 d’entre eux appartiennent aux RSF, et 8 sont gérés par les Forces armées soudanaises (FAS).”

Détentions arbitraires, tortures, viols

Le site soudanais Dabanga Sudan se fait plus précis, établissant l’existence de “13 centres de détention des RSF à Khartoum, 12 à Khartoum Nord, 5 à East Nile et 17 à Omdurman”. À cela s’ajoutent “des points d’interrogatoire temporaires dans les commissariats de police et les établissements publics sous leur pouvoir”. Le rapport d’Emergency Lawyers explique que ces lieux seraient le théâtre de détentions arbitraires, de tortures, de viols et d’agressions sexuelles.

Selon The New Arab, c’est toute une architecture pénitentiaire secrète qui a été mise en place. Ces centres situés à Khartoum sont divisés en deux groupes : “Les centres temporaires, plus petits [que les autres] et situés dans des bâtiments résidentiels ou civils tels que des écoles et des commissariats de police, sont souvent des lieux où les détenus sont d’abord emmenés puis interrogés. De là, ils sont généralement transférés vers de grands centres permanents éloignés des zones résidentielles et situés dans des lieux tels que des quartiers militaires.”

Interrogé par The New Arab, Mohamed Salah, membre de l’ONG à l’origine de ces révélations, estime qu’il pourrait y avoir jusqu’à 5 000 détenus dans ces centres, parmi lesquels de nombreux enfants, âgés de 12 ans pour les plus jeunes.

  • “Un grand nombre d’enfants combattent avec les forces des deux camps après avoir été recrutés comme enfants-soldats.”

Si la majorité de ces lieux sont tenus par les RSF, note Middle East Eye, les Forces armées soudanaises ne sont pas en reste. “Les services de renseignement militaire des FAS ont entrepris une vaste campagne d’arrestations visant les groupes prodémocratie, notamment les membres des comités de résistance.” Ces derniers, issus de la société civile et véritables îlots de démocratie, étaient apparus sous la dictature d’Omar Al-Bachir en 2013 et avaient pris une part active à la révolution soudanaise de 2018-2019.

Arrestations pour des motifs ethniques

Qu’elles soient le fait des RSF ou des FAS, les arrestations semblent répondre aussi bien à des motivations politiques qu’à des considérations ethniques. Selon Mohamed Salah, les RSF procèdent à des arrestations de personnes soupçonnées d’être membres des services de renseignement militaire ou d’appartenir à l’ancien parti islamiste d’Omar Al-Bachir, le parti du Congrès national (NCP). Les Forces de soutien rapide peuvent également cibler les personnes appartenant à l’ethnie Nouba, un peuple originaire de l’État du Kordofan du Sud, réputé réfractaire au pouvoir central de Khartoum.

De leurs côtés, reprend The New Arab, les FAS “procèdent à des arrestations pour des motifs ethniques, notamment en arrêtant des membres des Rizeigat, des Baggara et d’autres tribus arabes [du] Darfour [d’où est originaire Hemeti]. Ils arrêtent également des militants et des membres des services d’urgence [prodémocratie] en tant que groupes opposés aux islamistes.”

Depuis le début de la guerre, au moins 7 500 personnes ont été tuées, selon l’ONG Acled. L’ONU recense, quant à elle, plus de 5 millions de déplacés et de réfugiés. Alors que les combats semblaient se concentrer dans le seul secteur de Khartoum, d’autres sont désormais touchés. La ville de Port-Soudan, dans l’État de Mer Rouge, qui abrite le quartier général d’Al-Burhan, n’est désormais plus épargnée par les combats. De la même façon, la région du Darfour, qui se dirigeait vers une relative stabilité après des années de répression et de guerre civile, est désormais “déchirée” par la guerre, relate The New York Times.

“Les Forces de soutien rapide et leurs alliés, principalement des milices arabes, se sont emparés de grandes parties du Darfour, tandis que l’armée régulière opère principalement à partir de garnisons situées dans les grandes villes, ont indiqué des habitants et des observateurs”, note le quotidien américain.

Plusieurs cessez-le-feu ont été conclus ces derniers mois sous l’égide des États-Unis et de l’Arabie saoudite, mais ont été systématiquement violés.

Courrier international

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